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À La Une - littérature

Le Goncourt sacre Jérôme Ferrari

Scholastique Mukasonga décroche le Renaudot.

Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012 pour "Le Sermon sur la chute de Rome". MIGUEL MEDINA/AFP

Jérôme Ferrari a été couronné mercredi par le prestigieux prix Goncourt pour son roman "Le Sermon sur la chute de Rome" (Actes Sud), qui fait d'un bar corse l'épicentre d'une fable superbe sur les espérances déçues, les frustrations et l'inéluctable fugacité des mondes. Le lauréat, en lice pour la plupart des prix littéraires cette année, a été choisi au deuxième tour.

 

L'auteur a affirmé avoir ressenti, en apprenant la nouvelle, "comme une chute de tension qu'on peut considérer comme une définition correcte de la joie".
"Je suis heureux, notamment pour la maison qui me soutient depuis sept ans dans des conditions qui n'ont pas toujours été aussi favorables. Je n'ai pas encore mesuré ce que c'est", a-t-il déclaré.
"Vous savez que Barack Obama a été élu aujourd'hui, vous ne manquez pas un peu de sens de la hiérarchie?", a-t-il également lancé dans un sourire aux dizaines de journalistes qui l'assaillaient de toutes parts.

 

 

"La fin d'un monde n'est pas la fin du monde"

Son ouvrage couronné par le Goncourt a jusqu'ici été vendu à près de 90.000 exemplaires, selon Actes Sud.
Pour l'attribution du Goncourt, "la délibération a été franche, partagée, elle a été longtemps argumentée, rien n'était joué", a commenté l'un des membres du jury, Régis Debray.
"Le Sermon sur la chute de Rome" est "une belle parabole sur la désespérance contemporaine, dont la morale est optimiste: la fin d'un monde n'est pas la fin du monde", a-t-il ajouté.


Né en 1968 à Paris, Jérôme Ferrari est professeur de philosophie et conseiller pédagogique au Lycée français d'Abou Dhabi depuis la rentrée, après avoir enseigné au lycée international d'Alger puis au lycée Fesch d'Ajaccio.
Ce quadragénaire à la silhouette juvénile et au regard intense, qui refuse de se dire philosophe, a bâti en six romans une oeuvre d'une grande puissance poétique, où alternent la spiritualité, le cocasse et le drame.


Plus encore que dans ses précédents romans, "Dans le secret" (2007), "Balco Atlantico" (2008), "Un dieu un animal" (2009) ou encore "Où j'ai laissé mon âme" (2010), Prix roman France Télévisions, l'auteur envoûte par la beauté de son écriture, à la fois imprégnée du souffle des sermons antiques et terriblement moderne.


Le fameux sermon de saint Augustin a été prononcé en 410, dans la cathédrale disparue d'Hippone, devant des fidèles désemparés après le sac de Rome. Augustin les rassure : "Le monde est comme un homme: il naît, il grandit, il meurt".
Ce seul passage et les têtes de chapitre du roman sont extraits du Sermon.


Le livre emporte le lecteur dans la montagne corse. Un vieil habitant, Marcel Antonetti, est rentré au village ruminer ses échecs. A la surprise générale, son petit-fils Matthieu renonce à de brillantes études de philo pour y devenir patron du bar du village, avec son ami d'enfance, Libero.

Leur ambition ? Transformer ce modeste troquet en "meilleur des mondes possibles". Les débuts sont prometteurs. Mais bientôt l'utopie vire au cauchemar. Les ex-apprentis philosophes sont frappés par la malédiction qui condamne les hommes à voir s'effondrer les mondes qu'ils édifient.

 

(Lire aussi : Des philosophes au comptoir l'article de Jabbour Douaihy dans L'Orient Littéraire)

 

 

Le Renaudot à Scholastique Mukasonga 

Parallèlement, la Rwandaise Scholastique Mukasonga, dont la famille tutsi a été massacrée en 1994, a été couronnée mercredi par le prestigieux prix littéraire français Renaudot pour "Notre-Dame du Nil" (Gallimard), a annoncé le jury.
C'est le quatrième auteur africain à être couronné par le prix Renaudot ces dernières années.

 

AFP PHOTO FRED TANNEAU

 

 

Mukasonga, qui ne figurait pas dans la sélection, a obtenu six voix au dixième tour de scrutin. Valessis Alexakis et Philippe Djian (qui n'était pas non plus dans la sélection) ont aussi obtenu des voix, selon le président du prix Renaudot, Georges-Olivier Chateaureynaud.

 

Le roman a pour cadre le lycée de jeunes filles "Notre-Dame du Nil", perché sur une crête près des sources du grand fleuve égyptien, où les familles pensent mettre leurs filles à l'abri des tentations avant le mariage en les plaçant dans ce pensionnat isolé.
Sur le même sommet montagneux, dans une plantation à demi-abandonnée, un blanc âgé peint des jeunes filles tutsi, persuadé que cette ethnie descend des pharaons noirs de Méroé.


Prélude au génocide rwandais, le livre décrit un huis-clos où doivent vivre ces lycéennes bientôt encerclées par les nervis du pouvoir hutu. Amitiés, désirs, haines, luttes politiques, incitations aux meurtres raciaux, persécutions etc, le lycée devient un microcosme existentiel fascinant de vérité.

 

Scholastique Mukasonga a déjà reçu pour "Notre-Dame du Nil" le Prix Ahmadou Kourouma, décerné en Suisse, du nom du grand romancier ivoirien décédé en 2003, qui récompense un ouvrage, essai ou fiction, consacré à l'Afrique noire.


Née en 1956 au Rwanda, Mukasonga connaît dès l'enfance la violence et les humiliations des conflits ethniques qui agitent son pays. Sa famille est déplacée dans une région insalubre. En 1973, l'auteure doit s'exiler au Burundi et elle s'établit en France en 1992. En 1994, vingt-sept membres de sa famille dont sa mère sont massacrés.


Elle publie douze ans plus tard "Inyenci ou les Cafards", récit autobiographique chez Gallimard. Puis "La femme aux pieds nus" (2008, Gallimard), hommage à sa mère.


Le prix Renaudot de l'essai a par ailleurs été attribué à Franck Maubert pour "Le dernier modèle" (Mille et une nuits).

 

 

Pour mémoire

 

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