Dimanche, Geitaoui a changé de visage

Après le franc succès rencontré par la journée sans voitures à Achrafieh le 2 septembre dernier, c’était au tour de Geitaoui de se mettre au vert. L’association Achrafieh 2020 a organisé hier la journée Découvrir Rmeil. Le concept reste le même, seul le quartier change. La réussite rencontrée par la première journée Découvrir Achrafieh a fait écho. Les participants, enchantés, ont passé le mot. Les Libanais se sont mobilisés en grand nombre pour cette deuxième journée sans voitures.

Dimanche matin, le quartier était méconnaissable. Sans aucun trafic, Geitaoui s’est « métamorphosé » aux dires des habitants. Une impression de sérénité régnait. En accord avec les élus locaux et les forces de sécurité, le collectif Achrafieh 2020 avait fermé les rues de Rmeil à la circulation automobile. L’association, qui se veut apolitique, vise à améliorer la qualité de vie des habitants de la capitale. Selon Nayla Chkaibane, membre de l’association organisatrice de l’événement, « il faut absolument familiariser les gens avec la rue. Les habitants doivent se réapproprier les espaces publics ». Au travers d’activités ludiques, l’association vise à inculquer civisme mais surtout réflexes écologiques aux Libanais. En donnant un nouveau visage au quartier, le collectif Achrafieh 2020 espère une prise de conscience générale et envisage déjà d’autres actions sur le long terme.

Tôt le matin, cyclistes et joggeurs ont remplacé voitures et scooters ambulants. À 9 heures, le coup d’envoi de la course est donné, la journée débute sous le thème du sport. Les coureurs s’élancent. Plus tard, c’est le tour des cyclistes d’épater les promeneurs matinaux. À une semaine du Marathon de Beyrouth, cette journée représente une véritable aubaine pour les joggeurs. « C’est la liberté complète », souligne Élias Abou Rachid, gagnant de la course. Ces passionnés d’athlétisme déplorent toutefois « le manque d’intérêt du pays pour le sport ».
Tandis que les sportifs savourent une mankouché bien méritée, vélos, trottinettes, poussettes, rollers envahissent la rue. Un habitant du quartier, M. Margossian, 86 ans, se montre totalement heureux par la mobilisation des participants : « Il est très agréable de voir la ville sans bruit, on respire. »

Geitaoui respire
Loin du stress et du brouhaha quotidiens, sportifs aguerris et promeneurs du dimanche viennent apprécier la multitude d’activitées proposées.

À 11h30, la professeure de zumba et les danseuses prennent d’assaut la scène. La rue de l’Hôpital Saint-Georges bouge au ryhtme de la musique latino. Promeneurs et sportifs se prennent rapidement au jeu et participent à la chorégraphie.
Placée sous le signe du partage, cette journée était l’occasion pour les citadins de redécouvrir leur quartier et de l’apprécier sous un nouvel angle. L’objectif semble atteint. Au bout de la rue, Carlos savoure la douceur de la vie libanaise, retrouvée pour un moment. Allongé sur le carré de gazon importé de la Békaa, cet architecte de 28 ans profite de cet espace vert en pleine rue. Carlos travaille en collaboration avec le collectif Achrafieh 2020 pour promouvoir le renouveau urbain et créer ainsi plus de quartiers verts d’ici à 2020. « L’idée de cette initiative personnelle est de créer plus d’espaces publics pour se détendre et surtout lutter contre le grignotage des parkings », explique-t-il. Pour l’occasion, il a aménagé un coin verdure très prisé des promeneurs tout au long de la journée. Carlos demeure confiant : « L’écologie s’inscrit doucement dans les mentalités. »

Pas très loin, pinceaux en main, les membres du groupe Beyrouth manque de couleur s’apprêtent à repeindre la façade d’un immeuble tout gris. Les artistes sont à l’œuvre, violet, orange, vert, la façade trouve, petit à petit, une nouvelle jeunesse. Le résultat est spectaculaire et attire l’attention des présents conquis. « Je veux le même sur mon immeuble », déclare une personne dans la foule. Beyrouth manque de couleur fait de nombreux adeptes.
L’enthousiasme des participants fait plaisir à voir, selon Michel, l’un des plus anciens commerçants du quartier, qui précise que « les gens sont heureux et se sentent bien ».
Les épicuriens apprécient tout particulièrement les produits du terroir. Les plus gourmands font honneur aux mankouchés de Souk al-tayyeb. Le collectif Achrafieh 2020 souhaite encourager les artisans, créateurs et artistes locaux.

Un petit groupe s’élance dans la rue pour proposer des « accolades spontanées » aux passants. « Une façon de mettre un peu de gaîté et d’unir », selon Khaled qui participe au mouvement.
Au jardin des jésuites, la bonne humeur règne. Clowns, danseurs, magiciens font le show devant des enfants enchantés.
Au début de la rue de l’Hopital Saint-Georges, l’heure est à la sensibilisation. L’ONG libanaise « G » for Green attire l’attention des participants sur le recyclage. Nour, jeune étudiante membre de l’association, appelle à « une véritable prise de conscience ».

La journée est une véritable réussite. Achrafieh 2020 semble avoir fait de nombreux adeptes. Enthousiasmés par la journée, les participants en redemandent déjà et proposent d’appliquer le même concept, tous les dimanches, à une région différente. Sur la page Facebook du collectif, de nombreux internautes félicitent les organisateurs.
Asma, qui participe à la journée en famille, salue la « bonne humeur » qui permet de sortir les Beyrouthins du climat morose. Même si l’écologie reste encore en marge au Liban, une véritable dynamique se met en place, notamment chez les jeunes.

Pour mémoire

Siffler là-haut, sur la colline d’Achrafieh

Des jardins suspendus à Beyrouth , un projet qui prend forme !