Parmi ces lecteurs qui se sont prêtés au jeu de la diversité des perceptions du temps et de l’œuvre maîtresse de Marcel Proust, une trentaine de Libanais(es), dont les noms s’affichent sur le mur de la salle avec les horaires de projection et sur le site personnel de la cinéaste. Véronique Aubouy garde une image enchantée de son séjour au Liban, au cours duquel elle a tourné dans diverses régions libanaises, avec trois personnes par jour, de Baalbeck et Zahlé à Byblos et Tyr, et de Beyrouth au Barouk, dans le Chouf. «Les Libanais, ça a été un vrai choc pour moi. Le premier tournage a été réalisé dans le Barouk, dans le brouillard, j’en garde un souvenir émerveillé, la lectrice s’étant entièrement appropriée le texte et l’ayant rendu vivant. Mais je retiens du Liban sa lumière surtout», confie-t-elle à L’Orient-Le Jour, autour d’un café sur l’esplanade du Musée d’art moderne, en compagnie d’une des participantes libanaises à cette aventure cinématographique littéraire, Sabine de Bustros. «Avec Sabine, ajoute Aubouy, nous avons tourné dans la bibliothèque d’Artcurial sur les Champs-Élysées. Nous étions dans une vraie bulle de Proust.»
La réalisatrice précise qu’en adoptant le «je» du narrateur, les lecteurs de tous âges s’identifient à ce dernier. Son superlong-métrage a déjà créé une généalogie de lecteurs, dont certains sont aujourd’hui disparus, tandis que de nouveaux volontaires s’inscrivent sur son site. Jusqu’à quand se poursuivra le tournage? «Jusqu’à la fin des tomes d’À la recherche du temps perdu », répond Aubouy, souriante. À ses yeux, le chef-d’œuvre de Proust demeure, cent ans plus tard, un portrait de notre époque «et traduit» l’universalité des émotions, comme le lien avec la mère, la volonté de se tailler une place dans la société, la jalousie, le rapport à la mort... Proust lu a encore de beaux jours devant lui.
C.D.
Paris
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