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Culture - Exposition

Les confessions d’un masque version Fadia Haddad

Une trentaine de toiles sur papier (du XIXe siècle) avec pigments, colle et acrylique, signés Fadia Haddad à la galerie Agial*.

Après les oiseaux, Fadia Haddad fouille, en obsessionnelle méticuleuse, l’univers des masques. Un travail qui s’échelonne sur plus d’une décade: 2000-2012. Confessions d’un masque, pour emprunter un titre célèbre à Mishima.
Un masque, c’est pour se cacher, se travestir, mieux se rapprocher des dieux et de soi. Un masque aussi, c’est pour être quelqu’un d’autre. Quelqu’un de différent. Quelqu’un vivant au tréfonds de soi et qu’on ramène en pleine lumière.
Un masque c’est aussi, comme pour Lorenzaccio, une réalité qui colle à la peau. Une débauche, une vertu, un vice, une sainteté, une déchéance. Et cela fait brusquement l’essence et la tessiture d’un visage, d’un être.
Dans cette entreprise, faussement ludique mais jamais innocente, Fadia Haddad aiguise ses pinceaux, peaufine ses couleurs, étale sa palette, ajuste ses gestes.
T-shirt gris, lunettes à monture noire, silhouette filiforme toute menue, cheveux sel et poivre à la garçonne, sourire entre humour et sérieux, voilà une femme peintre de cinquante-trois ans aux attitudes et réactions juvéniles qui parle d’abord de son rapport – bien singulier – avec le papier.
Un papier à qui elle donne un pouvoir plénipotentiaire, des couleurs et une vie nouvelle, comme des joues flétries qui se revêtent d’un fard pour une seconde jeunesse. Du plus petit (35,5cm x 26,5cm) au plus grand (70 cm x 52,50 cm) de ses tableaux, il s’agit ici d’une inépuisable variation autour d’un masque. Et ce lot de peinture reste une sélection d’une production qui n’a pas encore dit son dernier mot et encore moins laissé tomber son masque.
«Je n’aime pas le blanc des papiers, dit-elle. J’ai besoin d’un papier qui a du passé pour y inscrire mon présent. J’y appose mon âme, mon histoire. Et c’est une histoire universelle...»
Papier de registre d’un hôtel, papier de comptabilité, papier pour une note, partition de musique avec clef de sol ou clef de fa, tout est bon pour coucher son monde de couleurs et de tracés. Et viennent s’y déposer ses masques au verbe chargé de mondes étranges, lointains et pourtant si proches. Le présent n’est toujours qu’une voilette du passé.
Dans des couleurs éclatantes, percutantes – l’artiste emploie l’adjectif pétant – selon les humeurs et l’inspiration du moment, les tonalités se juxtaposent et s’harmonisent. Elles se greffent et s’installent paisiblement comme un décor épuré entre labyrinthes, méandres,
éclaboussures.
Empruntés à l’art primitif, surtout à l’art africain, ces masques, loin de toute sophistication ou loups à dentelles et fioritures baroques vénitiennes, conjuguent avec parcimonie l’art de l’ellipse. Dans une gestuelle violente (l’artiste évoque les misères infligées à son corps pour peindre), il y a surtout la précision d’un tracé qui se fiche d’une position confortable. Précision, même dans la fluidité de la matière, qui dégouline et ne s’apprête guère pour ces sortes d’abstractions à la sage tranquillité d’un chevalet. Comme pour une fresque sur un mur, il y a là des jongleries et des contorsions que l’artiste assume – tout en rechignant avec le sourire comme pour un calvaire assumé – pour son dire pictural.
Et émergent des images. Simples mais surprenantes. À travers un vide savamment recherché, tout comme son antithétique alter ego le trop-plein, l’artiste, subissant le flux et le reflux du jour et de la nuit, exerce là une constante dualité et dialectisme. Dualité et dialectisme que Fadia Haddad narre avec un certain panache, à travers des masques qui se démantèlent, s’effilochent, se décomposent, se recomposent. Comme pour une ronde infernale où on laisse ses plumes sur l’autel de la vérité et de la contre-vérité.
Dans cette galerie d’yeux (parfois des trous béants ou une fente verticale), de bouches, d’oreilles, d’anneaux, de coiffes, mystérieux éléments déchiquetés ou mis en pièces, en apesanteur sur la toile, comme après une curée, la vie a toujours une palpitation secrète. Car le dessein premier de Fadia Haddad, par-delà cette échappée belle vers des masques qui parlent autant de la vie que de la mort, c’est de se jouer de l’imaginaire, de s’évader du réel, de flatter le rêve. Et le masque, dans la profusion de ses représentations, est un prétexte de taille pour sonder l’insondable...

*L’exposition « Le chemin des masques » a lieu à la galerie Agial jusqu’au 27 octobre.
Après les oiseaux, Fadia Haddad fouille, en obsessionnelle méticuleuse, l’univers des masques. Un travail qui s’échelonne sur plus d’une décade: 2000-2012. Confessions d’un masque, pour emprunter un titre célèbre à Mishima.Un masque, c’est pour se cacher, se travestir, mieux se rapprocher des dieux et de soi. Un masque aussi, c’est pour être quelqu’un d’autre....

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