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À La Une - Liban

Roumieh : le directeur de la prison impliqué avec 9 complices

Un nouveau tribunal en place pour juger les islamistes ; le flot des révélations explosives sur l’évasion des membres de Fateh el-islam ne tarit pas.

Un détenu, à Roumieh. Photo Sami Ayad

Ironie du sort, c’est hier qu’a été inauguré le bâtiment abritant la salle d’audience rattachée à la prison de Roumieh. La finalisation de cet édifice survient cinq ans après l’arrestation de près de 278 prévenus relevant de Fateh el-islam, et plusieurs autres islamistes, emprisonnés depuis sans avoir été jugés, à cause précisément de l’absence d’une salle d’audience adéquate pouvant les contenir, dans un procès qui pourrait être collectif. L’inauguration de ce nouveau tribunal coïncide ainsi avec le scandale de l’évasion réussie des trois éléments de Fateh el-islam, qui a braqué la lumière, une fois de plus, sur les multiples failles qui existent dans le système carcéral libanais, plus précisément à Roumieh.


Attendu avec impatience notamment par les prévenus et leurs familles, qui à plusieurs reprises ont dénoncé bruyamment et avec insistance la lenteur de la justice, et l’atteinte flagrante aux droits de l’homme dans le cas précis des détenus islamistes, le début du procès de ces derniers devrait, en principe, accélérer le processus judiciaire et réduire un tant soit peu la tension montante à l’intérieur des murs de la prison de Roumieh, et plus particulièrement au sein des groupuscules islamistes.


Ce retard flagrant au niveau de la justice peut-il toutefois justifier la série de mutineries, évasions et débordements de tout genre dont ce milieu carcéral témoigne depuis plusieurs années ? Peut-il expliquer les bévues sécuritaires – qu’il s’agisse de simple négligence ou de complicité couplée de corruption – qui ont permis aux trois islamistes de quitter les lieux en toute tranquillité ? Qu’en est-il enfin des informations faisant état d’un « îlot sécuritaire » imposé à l’intérieur même de la prison, et interdit d’accès aux geôliers ?


Ce sont autant d’interrogations auxquelles les réponses simples restent insuffisantes face à la complexité du dossier, l’état de décrépitude générale des prisons, sans oublier de mentionner la présence d’un système sécuritaire qui a montré des défaillances tout aussi irrécusables et surtout récurrentes.

Un médecin complice ?
À ce propos d’ailleurs, les éléments de l’enquête ont montré, hier encore, les maintes brèches qui ont permis aux islamistes de prendre le large. Des révélations supplémentaires qui viennent démontrer que le problème est bien plus grave que l’état seul des lieux de détention et le contexte inhumain des détenus.


En effet, on apprenait ainsi que 10 des 16 personnes impliquées dans ce scandale feront l’objet d’une plainte pour complicité. Il s’agit notamment du directeur de la prison, d’un sous-lieutenant, de deux sergents et de trois geôliers. Selon des informations obtenues par L’Orient-Le Jour, le directeur est un récidiviste, puisqu’il a été parachuté à ce poste après avoir fait l’objet d’une enquête par le conseil disciplinaire qui avait demandé sa mutation. Encore faut-il voir si sa désignation au poste de directeur de prison était l’équivalent d’une sanction ou plutôt d’une promotion. Mais c’est probablement là que le bât blesse, « une telle mutation n’étant absolument pas permise sur le plan professionnel », commente une source autorisée.

 

(Pour mémoire : Les FSI font le grand ménage dans le bâtiment B de Roumieh)


Ce n’est d’ailleurs pas l’argent qui aurait motivé le directeur de la prison, même si l’on est tenté de croire que les islamistes auraient bien pu lui graisser la patte. Il serait plutôt question d’une empathie qu’il pouvait avoir avec les islamistes et leur cause, étant de la même communauté, ou tout simplement d’une immense peur déclenchée sous l’effet de la menace.


Quant à ses complices, ils ont chacun contribué à partir de leur poste : « L’un a assuré la couverture à la sortie du bâtiment, l’autre, à la sortie de la prison, un troisième a fourni les pièces d’identité falsifiées, etc », assure la source.
Selon les informations obtenues, l’un de ces officiers aurait apposé sa signature à un télégramme faisant état de la remise d’un des prévenus islamistes, Mahmoud Flah, à une unité des services de renseignements de l’armée, et ensuite de sa réintégration dans sa cellule, alors qu’il était déjà en fuite. Rappelons que c’est seulement lorsque les SR de l’armée sont revenus une seconde fois à la charge pour solliciter un face-à-face avec l’un des prévenus islamistes dans le cadre d’une enquête que sa disparition ainsi que celle de ses complices ont été découvertes.

Alerte
Également interrogé dans la foulée, le médecin de la prison, Haytham Douhaymi, qui risque à son tour de faire l’objet d’une action en responsabilité (pour faute), sinon pour complicité. L’enquête menée auprès de lui aurait montré que ce dernier avait inscrit les trois fugitifs sur la liste des malades alors qu’ils étaient déjà en fuite. Il aurait même prescrit à ces malades imaginaires des ordonnances médicales.


C’est aujourd’hui en tout cas que le dossier sera déféré devant le premier juge d’instruction, Riad Abou Ghida, qui entamera l’enquête à proprement parler. Hier soir, l’adjoint du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Dany Zeenny, avait clôturé son enquête préliminaire et remis son rapport.

Les islamistes boudent
Sur place, c’est un calme précaire qui continue de régner. En cours de journée, les médias avaient rapporté à tour de rôle la tension qui était montée d’un cran parmi les détenus du bâtiment B, qualifiés des plus dangereux. Passés maîtres dans l’art de la subversion, et continuant de défier ouvertement les autorités, trente des pensionnaires de ce bâtiment se sont vu interdire par les caïds des lieux de quitter le bâtiment pour se faire conduire à la salle d’audience en vue de comparaître à leur procès. Ils se sont également abstenus de rencontrer leurs familles respectives.
« Les prévenus exprimaient ainsi leur mécontentement de l’opération-surprise effectuée hier par les forces de l’ordre », commente une source proche du dossier. C’était également leur manière de démentir les rumeurs qui avaient circulé sur leur compte et faisant état d’un accord tacite qu’auraient obtenu les forces de sécurité pour accéder à leur bâtiment.


Mobilisées sur les lieux depuis hier, les forces spéciales sont restées ainsi en alerte, à l’affût du moindre développement qui pourrait survenir de cette boîte de Pandore. Aucune action d’envergure n’est encore envisagée à ce stade. Mais les choses pourraient vite changer, puisque le bras de fer a déjà commencé.
Certes, assure un responsable, ce n’est qu’un coup de pied que l’on vient de donner dans la fourmilière. « Cette purge est certes importante à plus d’un point de vue. Mais elle restera lettre morte et ce sera le retour à la case départ si d’autres mesures ne sont pas prises en amont », dit-il.
Parmi celles-ci, la réhabilitation et la réforme du milieu carcéral, certes, mais aussi de ses gardiens.

Ironie du sort, c’est hier qu’a été inauguré le bâtiment abritant la salle d’audience rattachée à la prison de Roumieh. La finalisation de cet édifice survient cinq ans après l’arrestation de près de 278 prévenus relevant de Fateh el-islam, et plusieurs autres islamistes, emprisonnés depuis sans avoir été jugés, à cause précisément de l’absence d’une salle...

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