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Moyen Orient et Monde

« La plus grande collection de mosaïques du Moyen-Orient », autre victime de la guerre

Un rebelle inspecte une mosaïque endommagée par les bombardements et les combats à Maarret al-Noomane. Hervé Bar/AFP

Les touristes ont disparu depuis belle lurette. Mais selon les affiches autrefois destinées à guider le visiteur, l’endroit abrite « la plus grande collection de mosaïques du Moyen-Orient ». Au cœur de Maarret al-Noomane, le célèbre musée d’al-Maarra a presque échappé aux pillages, mais souffre de plus en plus des bombardements quotidiens de l’armée.
Devant les imposantes portes de bois recouvertes de fer forgé de la bâtisse du XVIIe siècle, la carcasse d’un véhicule criblé de balles gît sur la chaussée. Un tas de vieux pneus enflammés finit de se consumer dans une épaisse fumée noire. Kalachnikov à la main, le front ceint d’un ruban vert marqué de la profession de foi du Prophète, un rebelle à peine sorti de l’adolescence monte vaguement la garde. « Nous vaincrons ! » assure un graffiti griffonné sur la muraille du musée, annexé ces dernières semaines par la brigade rebelle des « martyrs de Maarret al-Nooman », qui en a fait l’une de ses positions dans la ville.
On entre sous la voûte du porche d’entrée en piétinant comme paillasson un portrait en mosaïque de l’ancien président Hafez el-Assad. Des combattants finissent leur petit déjeuner, adossés à une magnifique mosaïque romaine où un loup court après sa proie. Un majestueux péristyle fait le tour de l’immense cour pavée, parsemée de chapiteaux de colonnes antiques et encombrée par endroits de l’habituel bazar des soldats en campagne : bidons en plastique, matelas crasseux et chaussettes séchant au soleil. Un 4X4 aux couleurs de la nouvelle Syrie, surmonté d’une mitrailleuse 12,7mm, est garé à l’abri des colonnes. Les rebelles, présents en petit nombre, occupent principalement l’entrée du bâtiment. Sept militaires capturés lors de récents combats sont retenus prisonniers dans une coursive derrière une grille de fer.
Bâtie en 1665 par le sultan Murat Jalabi, cette ancienne halte pour voyageurs a connu ensuite plusieurs destinées : annexe de la grande mosquée, bazar puis simple débarras, et enfin musée national. Très bien conservée, la bâtisse aux épais murs de pierre est construite comme une forteresse autour d’une large cour carrée, avec une mosquée en son centre. Les collections du musée sont exposées à l’abri d’immenses salles voûtées. Un grand nombre de mosaïques découvertes et conservées au cours des siècles en Syrie sont rassemblées là, venues du royaume d’Apamé, de l’ancienne Antioche ou de cités aujourd’hui disparues. Représentations animales, scènes de chasse et de banquets, ce sont toutes des merveilles de cet art né à Ur (l’Irak actuel), répandu à la Grèce antique puis l’Empire romain, qui a connu son apogée sous l’Empire byzantin. Des poteries, faïences et figurines de l’ère pré-islamique y sont également exposées, dont certaines datent de 3000 à 2000 avant Jésus-Christ, selon leurs affichettes.
Le musée d’al-Maarra a été occupé jusqu’à fin août par l’armée. Les insurgés ont notamment justifié leur présence en ces murs par leur volonté d’empêcher « les vols, pillages et trafics », selon un de leurs chefs, Abou Ashem. Quelques pièces ont été dérobées par les militaires, affirment les rebelles, selon lesquels le directeur du musée a « recensé les objets manquants ». Dans les vitrines, il manque ainsi une collection de monnaies anciennes des débuts de l’ère islamique. Mais étonnamment, à part ces monnaies envolées et les quelques dégradations de la soldatesque, le bâtiment et ses inestimables collections ont été relativement épargnés. Jusqu’à la chute, début octobre, à quelques mètres de là, d’une bombe de TNT larguée par un chasseur-bombardier MiG. L’engin a littéralement pulvérisé plusieurs habitations et décapité net des dizaines de palmiers d’un jardin public voisin. Sous le souffle de l’explosion, vitres et hautes portes de bois ont volé en éclats. L’inestimable contenu de certaines étagères est tombé des présentoirs. Des statuettes de déesses romaines gisent au pied des vitrines. Des poteries vieilles de plus de 2 000 ans sont réduites en morceaux.
Dans les réserves, plusieurs fresques en pierre sculptée se sont brisées en tombant sur le sol. Une ou deux mosaïques ont également été endommagées. Les manuscrits calligraphiés, conservés dans une bibliothèque, sont, eux, intacts. Par chance, les pierres tombales exposées dans la cour et la collection de portes monolithes en basalte noir, datant du VIIIe siècle, n’ont pour cette fois pas bougé.

© AFP
Les touristes ont disparu depuis belle lurette. Mais selon les affiches autrefois destinées à guider le visiteur, l’endroit abrite « la plus grande collection de mosaïques du Moyen-Orient ». Au cœur de Maarret al-Noomane, le célèbre musée d’al-Maarra a presque échappé aux pillages, mais souffre de plus en plus des bombardements quotidiens de l’armée.Devant les imposantes...
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