Ouverture avec la Ballade n°1 op 23 en sol mineur, surnommée La favorite. La favorite est la préférée de Chopin, mais aussi du public qui retrouve avec délectation les grandes vadrouilles et les vagabondages spirituels d’un poète inspiré du clavier. Flânerie sublime sur un ton plaintif et doux. Mélange de mélancolie et de sérénité pour un chant modulé avec gravité où ombre et lumière ont la part belle. Passages brillants de l’un à l’autre pour une narration nimbée d’une vie intense. Et où les grappes d’accords enrobent une mélodie tout en subtils contrastes et sinuosités.
Des états d’âme de Chopin aux Jeux d’eau de Ravel, il n’y a qu’un pas. Images sonores fluides et fuyantes pour une narration brève qui, tout en se défendant d’être «debussyste» ou impressionniste, aurait tendance à être «lisztienne». En se rappelant toujours, pour ces ondes cristallines qui cascadent sur les touches d’ivoire, l’exergue du poète Henri de Régnier, mise en marge des pages par les mains de Ravel lui-même: «Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille...» Un moment singulier et unique dans l’œuvre pianistique de Ravel.
Comme un retour aux sources et par un mystérieux fil d’or qui relie tout ce menu adroitement concocté, arrivent ces six magnifiques Impromptus op 5 de Jean Sibelius. Ces «impromptus» qui ont inspiré autant Schumann, Chopin, Schubert que Liszt, Scriabine et Fauré... Sibelius leur réserve un traitement bien romantique en y incorporant rythmes, cadences et surtout splendides paysages d’une Finlande couverte de neige, de hêtres, de bouleaux et de lacs assoupis dans des forêts profondes.
Pour terminer, la grande, la seule sonate du compositeur des Rhapsodies hongroises. Et on nomme bien entendu la Sonate en si mineur de Frantz Liszt. Si Clara Schumann a émis des réserves devant cette œuvre éruptive (elle l’a jugée cacophonique!), Wagner, par contre (qui n’en dénonçait pas moins parfois «les boursouflures lisztiennes»), n’a pas tari d’éloges devant cet opus bicéphale avec ses deux thèmes faisant affronter le bien et le mal. Faust et Méphistophélès ne sont pas loin dans cette fougue tzigane où, entre ombre et lumière, le clavier a des éclats de diamants.
Une œuvre difficile (ce n’est pas pour rien que Arrau, Argerich, Berezovsky et Kissin s’y sont essayés, et avec quelle maîtrise!) pour traduire toutes les contradictions humaines entre notion de paradis perdu et de mortification rédemptrice. Des arpèges dissolvants, des rythmes sabbatiques, des croches obstinées, des mesures haletantes, des tensions tourmentées, des évasions célestes, c’est tout cela cette œuvre imposante, d’une grande puissance narrative et qui requiert une habile dextérité pour une interprétation sans faille.
Grande gerbe de fleurs avec standing ovation pour Laura Mikkola, une ambassadrice de charme et de talent pour qui la musique se confond sans nul doute avec la lumière et la majesté de sa native Finlande.
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