Jihane Sadate, la veuve du président assassiné en 1981 par un commando appartenant à un groupe islamiste radical hostile aux accords de paix conclus deux ans plus tôt avec Israël, assistait à la cérémonie. « Je remercie beaucoup le président Morsi pour ce geste généreux et sa considération pour Anouar Sadate. En 30 ans nous n’avons rien vu de semblable », a-t-elle déclaré.
La veille, M. Morsi avait publié des décrets honorant la mémoire de son prédécesseur et celle du chef d’état-major de l’époque, et accordant des médailles à leurs familles. Les Frères musulmans ont entretenu des relations en dents de scie avec le pouvoir de M. Sadate, bénéficiant d’amnisties pour leurs dirigeants mais continuant à voir leur mouvement interdit.
Parallèlement, à l’approche des 100 jours au pouvoir de M. Morsi, les Égyptiens saluent leur premier président civil librement élu pour avoir renvoyé les militaires dans leurs casernes, mais beaucoup expriment leur dépit face au peu d’amélioration de leur quotidien. Durant la campagne électorale, le candidat issu des Frères musulmans avait présenté un plan de 64 mesures à mettre en œuvre sur 100 jours, afin d’apporter des solutions à cinq grandes sources de mécontentement : la circulation, les ordures, la sécurité, le pain et les carburants. Ces promesses ont amené des militants à créer sur Internet le « Morsimètre » (www.morsimeter.com) pour vérifier ces engagements. À quelques jours de l’échéance, le site ne recense que 4 promesses tenues (relèvement des peines pour trafic de carburant, campagnes de sensibilisation à la propreté...), et 24 pour lesquelles la mise en œuvre a été amorcée.
Bilan
Selon un sondage en ligne du Morsimètre, 43 % des personnes seraient contentes des réalisations, contre 57 % se déclarant insatisfaites. Une étude publiée dans le quotidien gouvernemental al-Ahram montre que 37,2 % des Égyptiens n’ont pas même connaissance du programme du président pour ses 100 premiers jours, et que 46,2 % pensent qu’il n’en réalisera qu’une partie.
Le porte-parole du chef de l’État, Yasser Ali, a quant à lui promis qu’un bilan des 100 jours serait fait « dans la transparence et la clarté ». En attendant, la rue se montre mitigée, y compris parmi ses électeurs. « Rien de concret ne peut changer en seulement cent jours », estime Karim Mohammad, employé dans une banque d’investissement, tandis que sa voiture avance au pas dans les rues du Caire, réputées pour leur encombrement dantesque. « On roule un peu mieux par endroits, mais dans d’autres c’est pareil qu’avant. Il faudra plus de temps pour résoudre cela », estime M. Mohammad, qui a voté pour le président.
M. Morsi a également promis de mettre un terme aux déchets qui s’empilent dans les rues. Mais Ragia Tarek, 22 ans, employée d’une compagnie de produits frais, se lamente d’avoir toujours à enjamber des tas d’ordures en se rendant à son travail à Imbaba, un quartier populaire de la capitale.
Les trois derniers mois ont été marqués par des coupures massives de courant électrique, ainsi que par des pénuries de carburant et de gaz butane qui ont mis à l’épreuve des millions d’Égyptiens. Ce n’est pas mieux pour le pain. « Malgré les promesses de Morsi, je suis obligée d’acheter du pain cinq fois plus cher que le pain subventionné, qui est impropre à la consommation humaine » en raison de sa farine de qualité exécrable, affirme une mère de famille.
« Les choses ne se sont pas améliorées par rapport à avant la révolution », assure un automobiliste qui a pourtant pris part aux grandes manifestations antirégime de la place Tahrir. Il reconnaît toutefois à M. Morsi « le mérite » d’avoir mis au pas la puissante institution militaire, qui a géré la transition après le départ de Hosni Moubarak et ambitionnait de garder le pouvoir civil sous sa tutelle.
(Source : AFP)