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À La Une - Crise

Le Parlement turc autorise des opérations militaires en Syrie

Damas s'excuse auprès d'Ankara ; Moscou modère un projet de déclaration à l'ONU.

Les funérailles des cinq civils turcs tués dans un bombardement syrien à Akçakale, à la frontière avec la Syrie, ont eu lieu jeudi 4 octobre. STR/AFP

Le Parlement turc a adopté jeudi une motion du gouvernement islamo-conservateur autorisant l'armée à conduire "si nécessaire" des opérations en Syrie, au lendemain du grave incident de frontière qui a coûté la vie à cinq civils turcs et provoqué une riposte d'Ankara, ont rapporté les médias.

 

Le texte a été voté par 320 députés contre 129 (sur 550 sièges) à l'Assemblée nationale, qui s'était réunie en session spéciale à huis clos, selon les chaînes de télévision turques.

 

"Tout ce que nous voulons dans cette région, c'est la paix et la sécurité. C'est ça notre intention. Nous n'avons pas l'intention de déclencher une guerre avec la Syrie", a déclaré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara au cours d'une conférence de presse conjointe avec le premier vice-président iranien Mohammad-Reza Rahimi.

 

"Cette motion n'est pas une motion pour la guerre, elle revêt un caractère dissuasif", a précisé plus tôt le vice-Premier ministre turc Besir Atalay à la presse au terme du vote à l'Assemblée. Il a assuré que "la partie syrienne admet ce qu'elle a fait et s'excuse. Ils (les responsables syriens, ndlr) assurent qu'un tel incident ne se répétera pas. Nous sommes satisfaits. Les Nations unies ont joué un rôle de médiateur et ont parlé à la Syrie dans la soirée". 

 

Les autorités syriennes ont assuré à la Russie que le bombardement en Turquie était un "incident tragique", et Moscou  juge primordial que cela soit annoncé officiellement, a déclaré le matin le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, cité par les agences depuis Islamabad.

 

Mercredi, des obus tirés depuis la Syrie ont fait cinq morts et neuf blessés à Akçakale, situé à la frontière avec la Syrie et déjà touché ces derniers jours par des balles et des obus perdus lors des combats entre armée et rebelles syriens.

Quelques heures plus tard, la Turquie a tiré en représailles sur les environs du poste-frontière syrien de Tall al-Abyad, juste en face d'Akçakale. Cette riposte a tué "plusieurs soldats syriens", selon une ONG.

 

L'armée turque a repris jeudi matin ses tirs d'artillerie vers le territoire syrien, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire turque. "Plusieurs soldats syriens" ont été tués dans la nuit de mercredi à jeudi par des bombardements de l'armée turque visant une position de l'armée dans la région de Rasm al-Ghazal, près de la ville de Tall al-Abyad, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

 

L'incident, le plus grave depuis la destruction d'un avion turc par la défense antiaérienne syrienne en juin, a été fermement condamné par l'Otan et les États-Unis qui ont affiché leur solidarité avec Ankara, pays membre de l'Alliance atlantique. La Turquie, qui appelle au départ du président syrien Bachar el-Assad, soutient les rebelles et

accueille des réfugiés syriens.

 

Appels à la retenue

Aujourd'hui, les appels à la retenue se sont multipliés.

 

Les Etats-Unis ont jugé "appropriée" et "proportionnelle" la riposte turque aux tirs syriens, appelant toutefois à éviter une escalade entre les deux pays.

 

"Nous appelons les deux parties à la retenue, au respect de la souveraineté", a déclaré pour sa part aujourd'hui à Moscou le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. "Nous estimons important qu'une approche mesurée, fondée sur les faits réels, soit pratiquée au Conseil de sécurité de l'ONU, ainsi que par les principaux acteurs internationaux et régionaux", a-t-il ajouté. Moscou avait déjà appelé mardi les pays de l'Otan et du Moyen-Orient à ne pas prendre "prétexte" d'incidents à la frontière turco-syrienne pour une intervention militaire contre Damas.

 

Jeudi, la Russie a ainsi bloqué à l'ONU l'adoption d'un projet de déclaration du Conseil de sécurité condamnant "dans les termes les plus fermes" le tir de mortier syrien qui fait cinq morts en Turquie.

Moscou a proposé de le remplacer par un texte édulcoré : "Les membres du Conseil de sécurité appellent les parties à exercer de la retenue et à éviter toute escalade supplémentaire dans la zone frontalière entre la Syrie et la Turquie."

Si elle est adoptée, la déclaration, non contraignante, appellerait également les deux voisins à "réduire les tensions et à construire une voie vers la résolution pacifique de la crise syrienne".

 

"La République islamique d'Iran demande aux deux parties de faire preuve de retenue, d'enquêter sur l'incident et tenir compte des objectifs des ennemis dans la région", a également déclaré à Fars le ministre des Affaires étrangères adjoint chargé des affaires arabes.

 

La chancelière allemande Angela Merkel a, de son côté, appelé Ankara à une réaction mesurée, alors que Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, déclarait, dans un communiqué, que "cette violation du droit international constitue une menace sérieuse à la paix et à la sécurité internationales. La communauté internationale ne peut pas accepter que le régime syrien poursuive ses actes de violence tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières. Il faut y mettre fin sans délai". L'Union européenne a, elle aussi, fermement condamné jeudi les tirs de l'armée syrienne sur Akçakale, tout en appelant toutes les parties à la retenue.

 

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon est "inquiet de l'escalade des tensions à la frontière" entre Syrie et Turquie et demande "à toutes les parties concernées (..) de faire preuve d'un maximum de retenue", a indiqué pour sa part son porte-parole Martin Nesirky.

 

Côté syrien, le ministre de l'Information, Omran Zoabi, a annoncé l'ouverture d'une enquête sur l'origine du tir d'obus transfrontalier et présenté les condoléances de la Syrie "aux familles des victimes et à nos amis, le peuple turc".

 

Explosion à Damas

Parallèlement, vingt et un membres de la force d'élite de la Garde républicaine ont été tués jeudi matin à Qoudsaya, dans la banlieue ouest de Damas, par une explosion suivie d'échanges de tirs, a rapporté l'OSDH.

La plupart des 21 membres de la Garde républicaine ont été tués dans une explosion, et d'autres ont péri dans des affrontements avec les rebelles, qui se poursuivent, a indiqué à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, qui avait fait état dans un premier temps de 18 morts. "Les rebelles ont vraisemblablement utilisé une petite charge explosive mais elle était placée à proximité des résidences des Gardes républicains", a-t-il précisé.

 

Les forces de l'ordre ont procédé dans la matinée à des perquisitions et des arrestations arbitraires dans cette banlieue, selon l'OSDH.

 

L'armée syrienne avait mené mercredi une offensive d'envergure dans cette banlieue, à Qoudsaya et al-Hama, deux bastions rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL, composée de déserteurs et de civils ayant pris les armes), théâtres de bombardements, arrestations et perquisitions, avait rapporté cette ONG qui se base sur un large réseau de militants.

 

Toujours dans la province de Damas, la ville de Zabadani (nord-ouest), les vergers entourant la localité de Jdeidet Artouz (sud-ouest), et la Ghouta (nord-est) étaient également la cible de pilonnages de l'armée.

 

L'armée mène une importante opération ces dernières semaines pour tenter de chasser les rebelles de la province de Damas, en particulier après que les violences eurent atteint la capitale mi-juillet.

 

Alep, Idleb, Deir Ezzor

Dans la grande métropole du nord, Alep, où au moins 48 personnes ont été tuées, en majorité des militaires, mercredi dans un triple attentat à la voiture piégée, les quartiers de Salaheddine (ouest), Bab al-Nasr (centre) et Sakhour (est) étaient bombardés, selon l'OSDH.

De violents combats se déroulaient également dans certains de ces quartiers où un char a été détruit, selon la même source.

 

Le Front al-Nosra pour le peuple du Levant a revendiqué sur des sites jihadistes le triple attentat à la voiture piégée de mercredi. Selon ce groupe islamiste, ces attentats-suicide visaient le club des officiers, la mairie d'Alep et un hôtel touristique utilisé par les forces du régime. Le Front al-Nosra a revendiqué les attentats les plus spectaculaires en Syrie depuis le début du conflit en 2011, dont celui contre l'état-major de l'armée à Damas la semaine dernière. Ce triple attentat a tué principalement "des membres des forces gouvernementales", selon l'OSDH.

 

(Lire aussi : Le savon d’Alep, victime collatérale du conflit syrien)

 

Dans la province d'Idleb (nord-ouest), plusieurs villages étaient bombardés, et des affrontements avaient lieu dans la vallée al-Rouj.

 

Dans celle de Deir Ezzor (est), un combattant rebelle a péri dans des bombardements sur la localité de Mouhsen. La ville d'Abou Kamal, à la frontière avec l'Irak, a été également bombardée, selon l'OSDH.

 

Dans la province de Homs (centre), trois civils ont été tués par des bombardements à Rastane et Qalet al-Hosn.

Les violences ont fait au moins 147 morts mercredi, dont 52 civils, selon l'OSDH, qui fait état d'un bilan de plus de 31.000 morts, en majorité des civils, en 18 mois de violences.

 

 

Reportage

À chaque commandant rebelle son style

 

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Le Parlement turc a adopté jeudi une motion du gouvernement islamo-conservateur autorisant l'armée à conduire "si nécessaire" des opérations en Syrie, au lendemain du grave incident de frontière qui a coûté la vie à cinq civils turcs et provoqué une riposte d'Ankara, ont rapporté les médias.
 
Le texte a été voté par 320 députés contre 129 (sur 550 sièges) à...

commentaires (6)

Les islamistes turcs au pouvoir ont déclaré unilatéralement la guerre à la Syrie il y a un an et demi à travers l'entrainement sur son territoire et le libre passage des bandes armées de tous poils vers et de la Syrie! Bon, ça allait dans le sens la nouvelle politique américaine de soutien aux islamistes fréristes dans LEUR "nouveau M.O.. Jusqu'ici c'était sous entendu.. mais maintenant c'est officiel... c'est la seul différence.. mais ça a eu l'avantage de faire tomber le masque. Je crois que la guerre en Syrie sera longue et meurtrière. Ainsi on se tiendra longtemps par la barbichette! La ligne rouge, c'est le survol de l'espace aérien de chacun des 2 pays.

Ali Farhat

05 h 52, le 05 octobre 2012

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Commentaires (6)

  • Les islamistes turcs au pouvoir ont déclaré unilatéralement la guerre à la Syrie il y a un an et demi à travers l'entrainement sur son territoire et le libre passage des bandes armées de tous poils vers et de la Syrie! Bon, ça allait dans le sens la nouvelle politique américaine de soutien aux islamistes fréristes dans LEUR "nouveau M.O.. Jusqu'ici c'était sous entendu.. mais maintenant c'est officiel... c'est la seul différence.. mais ça a eu l'avantage de faire tomber le masque. Je crois que la guerre en Syrie sera longue et meurtrière. Ainsi on se tiendra longtemps par la barbichette! La ligne rouge, c'est le survol de l'espace aérien de chacun des 2 pays.

    Ali Farhat

    05 h 52, le 05 octobre 2012

  • Il est clair que l'armée syrienne, mis à part ses faiblesses et son incompétence, n'a aucune notion de respect des frontières. Ils poursuivent les rebelles où qu'ils se réfugient. J'attends le moment où des rebelles iront se réfugier en Israël !

    Robert Malek

    05 h 18, le 05 octobre 2012

  • Sauf une aventure de la part des Israéliens contre le hezbollah ou contre l'iran ( je ne crois pas ), mais tous les pays de la région (et pour des raisons qui ne sont pas les mêmes) ne souhaitent pas de guerre à ce stade. La turquie ne veut pas que son nom soit synonyme de guerre : Déjà qu'elle a du mal à intégrer l'europe même en temps de paix. L'europe n'acceptera jamais un pays déjà en guerre. La syrie: A déjà du mal à contenir la guerre civile et a déjà du mal à défendre le régime en chute libre. L'iran: en bon termes avec la turquie ne souhaite pas bousiller ces relations. Pour l'instant. Le hezbollah: eh bien, lui : Il obéit aux ordres d'iran. Donc il s'applique à garder le calme. Pour l'instant. Les USA en pleine campagne électorale: Donc guerre : Non Israel: Bien qu'ils voudraient faire quelque chose mais ils craignent qu'une guerre fasse en sorte que les "printemps arabes sanglants" se pacifient et se retournent contre Israel. Donc ils préfèrent la jouer profile bas, bien que certaines voix menaçent par ci et par là. Mais en final, ils ne feront rien. Puis la crise économique est omniprésente pour tous Une guerre a besoin de budget illimité..Budget inexistant. Donc les peuples s'entretueront entre eux, jusqu'à nouvel ordre. Cela est tout bénéf pour l'industrie et le commerce des armes. Mais pas de guerres officielles "inter-pays'

    Jean-Pierre EL KHOURY

    05 h 16, le 05 octobre 2012

  • De toute evidence,les seuls qui souhaitent un conflit turco syrien se sont les mercenaires salafo wahabites.Ca va se calmer, les etats responsables ne se laisseront pas prendre.

    Jaber Kamel

    16 h 06, le 04 octobre 2012

  • En répondant et ripostant énergiquement à l'agression de l'armée du régime de Damas contre un village turc et qui a fait plusieurs victimes, les autorités d'Ankara, aussi bien pouvoir exécutif que pouvoir légilsatif, suivent l'exemple des autorités libanaises, gouvernement et Parlement, devant les agressions syriennes contre des villages et les citoyens libanais. Ainsi le régime de Damas s'empresse de s'excuser auprès du gouvernement turc et de multiplier ses agressions contre le Liban.

    Halim Abou Chacra

    09 h 22, le 04 octobre 2012

  • L'incident tragique du bombardement en Turquie sera-t-il un prélude pour une intervention militaire en masse en Syrie?A suivre . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    07 h 48, le 04 octobre 2012

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