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Culture - Concert

Adieu Varsovie, bonjour Beyrouth...

Un public fidélisé. L’église Saint-Joseph (USJ) devenue rendez-vous des mélomanes. Et un programme, un peu de bric et de broc, pour le coup d’envoi de la saison musicale avec l’Orchestre philharmonique libanais placé sous la houlette de Wojcieh Czepiel. En soliste, au clavier, Tatiana Primak-Khoury.

Le coup d’envoi de la saison musicale avec l’Orchestre philharmonique libanais placé sous la houlette de Wojcieh Czepiel.

Comme si le temps ne se renouvelle pas. Une église illuminée comme d’habitude, un public toujours nombreux (dans une moiteur étouffante sans que le ronron des ventilateurs ne rafraîchisse l’air ni pour l’auditoire ni pour les musiciens, les deux littéralement en nage!) et l’Orchestre philharmonique libanais, sous la direction de Wojcieh Czepiel, qui officie devant l’autel. Pour le menu, dans un mélange de musique romantique et orientale, des pages de Brahms, Jamal Aboul Hosn et Chopin.
Mélange dominé surtout par cet éruptif Concerto pour piano et orchestre n° 1 en mi mineur op 11 de Chopin, donné en guise d’adieu à Varsovie par le pèlerin polonais lors de l’effervescence révolutionnaire contre les russes. Adieu Varsovie en octobre 1830 pour le prince des poètes du clavier mais ici véritable bonjour pour le coup d’envoi de la saison musicale à Beyrouth, après l’apaisement de la fièvre des festivals d’été aux quatre points cardinaux du pays du Cèdre.
Comme un clin d’œil à l’événement qui donne le « la » au chapelet de concerts qui suivront, voilà pour l’ouverture, l’Ouverture académique op 80 de Brahms. Œuvre orchestrale brève (une dizaine de minutes), un rien ludique et événementielle où Brahms fêtait son avènement de docteur honoris causa à l’Université de Breslau. Couleurs un peu coquines et festives puisées dans les lignes des mélodies de chansons estudiantines. Une narration certes vaguement légère mais glissée dans un moule bien classique, parfaitement brahmsien, dans sa rigueur.
Sans cause à effet, Jamal Aboul Hosn s’intercale entre Brahms et Chopin pour deux Danses arabes aux rythmes marqués, soutenues par des sonorités sensuelles et levantines. Sonorités où triomphe en toute fraîcheur des airs folkloriques et populaires orientaux coulés dans une belle orchestration chargée de soleil et de couleurs.
Après l’entracte, le morceau de bravoure attendu : le Concerto n° 1 en mi mineur de Chopin, avec, pour les touches d’ivoire, le talent de Tatiana Primak-Khoury. On salue la présence de cette pianiste ukrainienne au cœur libanais, installée à Tripoli et dont, inexplicablement, la capitale est privée de ses remarquables prestations, le plus souvent virtuoses.
Robe longue noire satinée moulante garnie de volants pour le côté gauche avec épaules nues et cheveux relevés sur le front et tombant jusqu’à mi-dos. Silhouette gracile et charme d’une héroïne de Tourguenieff, Tatiana Primak-Khoury, dès les premières mesures, affiche son pouvoir de dompter touches d’ivoire et résonances envoûtantes. Un concerto casse-cou (pour ne pas dire casse mains ou casse doigts) qui a mis au défi les plus grands. Et dans la liste des assaillants, on cite, entre autre, Martha Argerich, Claudio Arrau, Maurizio Pollini, Arhur Rubinstein , Lang Lang...
Trois mouvements (allegro maestoso, romance-larghetto, Rondea : vivace) pour les incandescentes coulées lyriques du compositeur des Polonaises et des Ballades. Un concerto à l’embrouille chronologique un peu déroutante, car, en fait, il serait le second et non le premier ...
L’orchestre expose le thème en cadences marquées que soutient très vite une mélodie, entre douceur et tendresse, jouée par le premier violon. Mais le clavier est tapi à l’ombre comme une couleuvre prête à l’attaque... Et la première morsure est virulente comme des crocs qui se plantent dans la chair...
Mais très vite le lyrisme de Chopin l’emporte et la poésie entre en transe dans ces pages hantées par une passion dissolvante, par des colères fulminantes, par des caresses d’ange, par des rêveries diaphanes comme les nuages qui filent dans un ciel à la fois menaçant et clair...
Pluie torrentielle d’arpèges, tornades de chromatismes, accords en grappes étincelantes pour ces lignes mélodiques où bat et palpite la vie. Une vie intense où douleur et besoin d’évasion se croisent. Du feu, de la soie, des embellies pour une kyrielle de notes à la narration constamment empreinte d’une poésie ardente. Peu importe si la part orchestrale est parfois mise au rancart, ce n’est que vétille et querelle de puristes, car le piano garde l’auditeur éveillé et ébloui.
Dans cette chaleur insupportable, tonnerre d’applaudissements d’un public ravi et bien trempé. Bien trempé est au sens premier du terme et sans jeu de mots !
C’est avec le sourire et un geste gracieux que la pianiste tire sa révérence et reçoit des mains d’une auditrice un petit bouquet de roses rouges.
Devant la frénésie des applaudissements, Tatiana Primak-Khoury prolonge la magie de Chopin. Elle effleure à nouveau les touches d’ivoire et fait naître les cercles sonores, aériens et diaphanes d’un Nocturne. Des cercles sonores lumineux qui ont l’imperceptible fragilité de la poudre des ailes d’un papillon...
Comme si le temps ne se renouvelle pas. Une église illuminée comme d’habitude, un public toujours nombreux (dans une moiteur étouffante sans que le ronron des ventilateurs ne rafraîchisse l’air ni pour l’auditoire ni pour les musiciens, les deux littéralement en nage!) et l’Orchestre philharmonique libanais, sous la direction de Wojcieh Czepiel, qui officie devant...

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