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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Le pain du bon Dieu

Mille fois bénie soit cette rencontre qui a groupé lundi, au patriarcat maronite de Bkerké, les chefs spirituels d’un pays, le nôtre, qu’ont mené au bord du gouffre les querelles et inconséquences des politiques !

C’est sans la moindre fausse note que les dignitaires chrétiens et musulmans se sont retrouvés, comme on sait, autour de trois points majeurs. Condamnant sans appel le film L’Innocence des musulmans, ils ont néanmoins flétri les réactions violentes, pour ne pas dire criminelles, qu’a suscitées cette vile provocation. Avec le même ensemble, ils se sont félicités des acquis de la récente visite de Benoît XVI, laquelle a consacré le Liban comme lieu de prédilection de la diversité culturelle et religieuse allant jusqu’à se promettre d’œuvrer de concert à propager son Exhortation apostolique auprès des Libanais de toutes confessions et d’en instruire même les chefs religieux des pays environnants. Ils se sont alarmés enfin de la dégradation de la situation socio-économique et de la prolifération des actes de banditisme, appelant les autorités à agir avant l’effondrement total, l’accent étant mis sur la nécessité d’endiguer le chômage et l’émigration.

Tout cela est fort bon. Et fort bien dit, de surcroît. Ce qui reste à dire cependant, c’est ce que peuvent faire – ou faire encore – les instances religieuses elles-mêmes pour pallier le laxisme, la carence, le manque de sens de responsabilité de ceux qui nous gouvernent. C’est précisément ce que fait infatigablement, depuis des années, un Hezbollah qui prodigue à ses fidèles les prestations sociales les plus variées grâce à des subventions iraniennes ou bien alors, s’il faut en croire la rumeur, à de grasses ressources tirées d’activités illégales et donc inavouables.

Les institutions religieuses, quant à elles, ne sont pas en reste bien sûr d’œuvres caritatives, tels qu’orphelinats, asiles et autres centres d’accueil, et de nombreux mécènes, le plus souvent anonymes, s’associent généreusement à ces efforts. Mais ces institutions, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes, donnent-elles vraiment toute la mesure de leurs formidables moyens pour venir en aide aux populations démunies, pour enrayer la paupérisation galopante des classes moyennes, pour aider les familles à s’accrocher à leur terre et ralentir du moins l’émigration des jeunes ?

Dans un pays comme le Liban où a cours le système des wakfs (biens religieux), les divers clergés sont le plus souvent de riches propriétaires terriens. Or il n’est guère certain que la gestion en soit adéquatement assurée ou que le produit de ces domaines soit investi dans les affaires les plus pressantes. Ce n’est pas moi qui le prétends mais – pour ce qui est des chrétiens, du moins – un très grand patriarche maronite. L’Église possède des terrains qu’il faut savoir bien exploiter, des propriétés qu’il faut savoir gérer avec sagesse et compétence, s’écriait ainsi Mgr Nasrallah Sfeir, inaugurant en 2007 une assemblée des prélats catholiques du Liban. Soulignant le grand risque que peut représenter l’argent pour le clergé, le patriarche allait encore plus loin en recommandant de faire appel à des laïcs qualifiés, compétents, expérimentés et jouissant d’une bonne réputation pour l’administration financière des biens ecclésiaux.

On n’a rien, bien évidemment, contre la lucrative pratique des locations de couvents pour les réceptions de mariage. Mais il y a tant à faire ailleurs, et au plus vite! Même les cessions avisées de terrains ne devraient pas faire reculer les autorités religieuses si le fruit doit en être consacré à ces deux priorités, sans lesquelles l’ancrage des Libanais sur leur sol ne pourra aller qu’en s’effilochant : l’éducation, devenue un luxe inabordable pour de nombreux ménages à modeste revenu ; et le logement, encore plus inaccessible dans un pays où seuls les duplex, penthouse et autres villas à six zéros se vendent comme des petits pains.

Salutaire, une fois de plus, aura été le cri d’alarme du sommet spirituel. Il n’empêche que charité bien ordonnée...

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Mille fois bénie soit cette rencontre qui a groupé lundi, au patriarcat maronite de Bkerké, les chefs spirituels d’un pays, le nôtre, qu’ont mené au bord du gouffre les querelles et inconséquences des politiques ! C’est sans la moindre fausse note que les dignitaires chrétiens et musulmans se sont retrouvés, comme on sait, autour de trois points majeurs. Condamnant sans appel le...

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