« Il est venu très tôt, mais vous pouvez le revoir demain », affirme un employé à L’Orient-Le Jour, laissant entendre que les habitudes de son patron octogénaire n’ont pas été affectées outre mesure par sa mésaventure de deux jours.
Toutefois, la fille de Youssef Béchara, Marcelle, dément catégoriquement cette information. « Les trois quarts de ce qui se raconte sont faux », répond-elle à L’OLJ, se contentant d’ajouter que son père « se porte très bien ». Elle affirme ne pas être en mesure de fournir plus d’informations sur les circonstances du rapt « avant que les coupables ne soient arrêtés. Nous avons dit plus qu’il ne le fallait aux médias ». Si la famille de Youssef Béchara a choisi en effet l’issue la plus sûre et la plus rapide pour la libération de son proche, elle semble aujourd’hui cloîtrée dans la crainte et l’incertitude. « Puisse Dieu renforcer l’État, pour nous apaiser et nous donner un peu de répit », conclut-elle. Le spectre des rapts contre rançon persiste, nourri par un manque de communication du côté des services de sécurité. Ces derniers ne se sont pas expliqués officiellement sur le rapt de Béchara.
Rappelons que, quelques heures seulement après sa remise en liberté, Youssef Béchara s’était exprimé ouvertement à la télé sur la manière dont il a été enlevé : une voiture a cogné son véhicule simulant un accident. À peine sorti pour en examiner les dégâts, les malfaiteurs l’ont happé et placé « dans le coffre de leur voiture, entre deux coussins ». Après « environ une heure et demie de route », il s’était retrouvé dans un appartement avec toutes les commodités hygiéniques et alimentaires nécessaires, d’autant que la fille de la victime, contactée par les ravisseurs, a fait preuve d’une coopération sans faille. À leur demande, elle s’était rendue le lendemain près de l’église Mar Mikhaël à Chiyah (banlieue sud).
Deux des ravisseurs identifiés
Sur ce point, un responsable sécuritaire informé du dossier explique à L’OLJ que « les ravisseurs ont alors demandé à la jeune femme, arrivée sur place, de monter à bord de leur véhicule, avec l’argent liquide. Ils l’ont ensuite conduite dans les ruelles avoisinantes, où ils lui ont remis son père et indiqué la route du retour, avant de s’enfuir avec l’argent, qu’ils n’ont d’ailleurs même pas pris la peine de compter ».
Le responsable insiste en outre sur le suivi méticuleux du dossier par les services de sécurité compétents. Ces derniers auraient choisi de respecter « la détermination de la famille à coopérer avec les ravisseurs, qui ont d’ailleurs su tabler sur son émotion. La famille avait même l’intention de procéder au versement dès le premier jour du rapt ». Le même responsable insiste sur la délicatesse de ces situations, où « l’intervention des forces de l’ordre est toujours risquée ». Il révèle ensuite, sur un ton rassurant, que deux des ravisseurs ont pu être identifiés par la victime parmi les suspects proposés par les services de renseignements de l’armée.
« Il s’agit de voyous issus de la banlieue sud et membres d’un groupe de malfaiteurs professionnels », affirme le responsable, précisant par exemple que Marcelle Béchara n’a jamais été contactée deux fois du même numéro. Le responsable assure enfin que le travail est en cours progressivement pour le démantèlement de ces bandes, à l’instar de ce qui a été fait pour le gang de cambriolage des banques.
Deux développements en soirée semblaient déjà être de bon augure : Fouad Daoud, enlevé à Zahlé depuis plusieurs jours, a été libéré par un commando de l’armée.
Les responsables sécuritaires ont consacré hier leurs réunions de coordination à la lutte contre ces rapts, dont la couverture politique, si elle est vérifiée, reste le réel défi.
Lire aussi
Le gouvernement mobilise les services de sécurité pour mettre fin au phénomène des rapts
Pour mémoire
Voyous ? Pire : des mafiosi-mafiosos !
06 h 47, le 20 septembre 2012