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À La Une - Éclairage

La plaie de Tripoli reste ouverte...

Le calme est certes revenu à Tripoli, mais l’inquiétude des habitants demeure. Si ceux-ci sont satisfaits de voir l’armée libanaise prendre en main la situation, avec ce qui semble être cette fois un feu vert politique clair, ils continuent de penser que les véritables causes des affrontements n’ont pas été réglées et que les escarmouches peuvent reprendre à la moindre étincelle. L’initiative de l’armée d’entamer un dialogue direct avec les chefs miliciens sur le terrain a sans doute permis de renforcer la trêve, mais pour les habitants de Tripoli, le calme reste précaire. Ce qui les inquiète le plus, ce sont les attaques confessionnelles dans la ville, contre les commerces des alaouites établis à Bab el-Tebbaneh, à Kobbé ou dans d’autres quartiers sunnites, ainsi que le climat politique malsain qui règne entre les différentes composantes de la ville. D’autant qu’à chaque « round » un nouveau seuil de violence est franchi, sans que l’objectif final de ces flambées successives soit compris.
Le plus facile est donc de dire que ce qui se passe à Tripoli est le résultat d’une haine quasi ancestrale entre les alaouites de Jabal Mohsen et les sunnites de Bab el-Tebbaneh, cette haine étant aiguisée et alimentée par les développements en Syrie. Mais selon un cheikh de la ville proche du 8 Mars, l’affaire serait désormais bien plus grave. Il s’agirait de transformer le Nord, et Tripoli en particulier, en zone à coloration politique unique. En d’autres termes, il s’agit de la rendre homogène, en attendant le moment où le régime syrien va chuter. Plus encore, il serait aussi question d’en faire une zone de poids sunnite face à la banlieue sud de Beyrouth chiite. Les affrontements entre les sunnites de Bab el-Tebbaneh et les alaouites de Jabal Mohsen seraient ainsi le prélude à une unification des rangs sunnites du Nord pour faire face à l’après-Assad et pour pouvoir placer cette région en contrepoids à la banlieue sud de Beyrouth. Le plan, selon lui, serait donc en deux parties : d’abord, encercler Jabal Mohsen et l’isoler avant de demander aux habitants de se désolidariser du parti démocratique de Rifaat Eid qui devrait déposer les armes et, ensuite, pousser les formations sunnites proches du 8 Mars en général et du Hezbollah en particulier, favorables au régime syrien, à modifier leurs positions, en jouant sur la fibre confessionnelle et sur les intérêts de la communauté sunnite.
C’est dans ce cadre d’ailleurs, toujours selon le cheikh tripolitain en question, que des contacts ont été ainsi entrepris récemment par des cheikhs salafistes dont cheikh Salem Raféi (qui reste la figure salafiste la plus crédible et populaire à Tripoli), avec des figures proches du 8 Mars comme cheikh Hachem Minkara ou encore cheikh Bilal Chaabane. D’autres contacts ont aussi été entrepris avec les familles proches du 8 Mars comme les familles Assouad, Toufic, Masri, etc., toujours sous le titre du rassemblement des sunnites face à un même danger. Avec certaines parties, selon la même source, les arguments utilisés par les salafistes auraient porté, avec d’autres, ils seraient jusqu’à présent insuffisants. Mais les salafistes ne comptent pas abandonner leur projet et ils estiment qu’à la longue et à mesure que les alaouites s’affaiblissent au rythme de l’affaiblissement du régime syrien, les chefs de file sunnites se rapprocheront forcément de leur camp.
En tout cas, les salafistes de Tripoli, selon la source précitée, souhaitent provoquer des scissions au sein du camp du 8 Mars dans la ville, tout en poussant les alaouites de Jabal Mohsen à se soulever contre Rifaat Eid et son parti démocratique. C’est aussi pour cette raison qu’ils ont récemment lancé un appel au conseil des alaouites (l’instance religieuse de cette communauté) pour qu’il lâche le parti de Eid, estimant qu’en voyant la communauté encerclée, le conseil alaouite pourrait céder. Ce qui pousserait forcément les sunnites de Tripoli encore favorables au régime syrien à se rallier au plus vite au camp appuyant l’opposition.
Rifaat Eid a aussitôt protesté en criant à l’épuration ethnique, alors qu’il s’agirait, selon le cheikh de Tripoli, d’un combat politique, visant à écarter de Tripoli toutes les forces encore favorables au régime syrien, dans une sorte de plan préventif destiné à éviter des affrontements internes si le régime venait à tomber ou si la Syrie était partagée avec un État alaouite à la frontière nord du Liban. Pour l’instant, Rifaat Eid a préféré faire appel à l’armée libanaise et solliciter sa protection. Mais en reprenant l’initiative à la demande des parties internes mais surtout du gouvernement, l’armée a ramené le calme entre les belligérants, sans avoir toutefois mandat pour régler le contentieux politique qui reste ouvert. Rifaat Eid ne cache pas ses craintes de voir les pressions augmenter autour de Jabal Mohsen pour le faire plier, alors que les sunnites proches du régime syrien se font très discrets. En même temps, dans les milieux proches du 8 Mars, on affirme qu’il n’y aura pas une réédition de l’affaire de Chaker Berjaoui (qui avait été contraint de fuir Tarik Jdidé à cause de la pression exercée contre les éléments du courant du Futur). Autrement dit, il ne compterait pas se laisser faire.
C’est dire que Tripoli n’a pas encore tourné la page des conflits et la plaie y restera ouverte au moins jusqu’à ce que la situation en Syrie se précise.
Le calme est certes revenu à Tripoli, mais l’inquiétude des habitants demeure. Si ceux-ci sont satisfaits de voir l’armée libanaise prendre en main la situation, avec ce qui semble être cette fois un feu vert politique clair, ils continuent de penser que les véritables causes des affrontements n’ont pas été réglées et que les escarmouches peuvent reprendre à la moindre étincelle. L’initiative de l’armée d’entamer un dialogue direct avec les chefs miliciens sur le terrain a sans doute permis de renforcer la trêve, mais pour les habitants de Tripoli, le calme reste précaire. Ce qui les inquiète le plus, ce sont les attaques confessionnelles dans la ville, contre les commerces des alaouites établis à Bab el-Tebbaneh, à Kobbé ou dans d’autres quartiers sunnites, ainsi que le climat politique malsain qui...
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