Réponse : parce que je vous ai entendu parler à la perfection cette langue des grands diplomates et... des Libanais bien élevés. D’autre part, votre récente affectation à une tâche surhumaine rappelle l’une de vos missions les plus brillantes dans le Moyen-Orient et particulièrement à Beyrouth. Enfin votre prise en charge me fait personnellement revivre une scène inoubliable.
Vous étiez venu à Beit-Méry, à quelques kilomètres de la capitale, y voir mon oncle et voisin, le Dr Albert Moukheiber, ancien vice-président du gouvernement, pour discuter de la solution du triste problème libanais, et votre venue a suscité une véritable pluie d’obus (tirés par vous avez deviné qui), détruisant, entre autres, une partie de ma maison. Une intervention providentielle a sauvé mes deux fils bien-aimés, Kamal et Ziad. L’aîné a gardé en souvenir le livre de chevet qui, dans sa chambre, avait été déchiqueté à sa place et dont nous avons oublié le titre comme toutes les vilenies de cette époque.
Votre nom (d’ami du Liban) s’associe ainsi à une péripétie douloureuse et à notre admiration sans bornes pour l’intelligence mondialement reconnue de vos interventions. Mais permettez-moi de vous rappeler d’étranges connexions historiques.
Vous avez été ministre des Affaires étrangères de votre Algérie natale qui, à part les martyrs de l’indépendance, a perdu, plus tard, des milliers de morts dans une guerre fratricide à consonance religieuse.
Vous êtes intervenu chez nous où l’on ne parle que de divergences confessionnelles.
Vous vous êtes occupé de l’Afghanistan où les talibans sont terriblement actifs.
Vous allez maintenant intervenir notamment en Syrie où les minorités religieuses se comptent sur les doigts des deux mains. Partout il est question de religion ou de religiosité, même avec vos futurs interlocuteurs internationaux.
Plusieurs présidents de République, des ministres, des secrétaires généraux de l’ONU ont en vain usé leurs forces sans rien obtenir n’ayant pas compris que « le mensonge est le sel des hommes ».
Le président Poutine est très pratiquant mais laisse les plaies des autres ouvertes. Le guide suprême des Iraniens exerce l’autorité divine. Le président Obama ne peut pas mécontenter les organisations juives pour ne pas perdre les élections.
Tous les contacts échouent et le sang continue de couler.
Ne croyez-vous pas, comme Gandhi qui a exigé une prière religieuse commune avant sa négociation avec le vice-roi britannique de l’Inde, que nous commençons à croire désespérément que Dieu est notre dernier recours... Sans tentative de sermon de ma part.
C’est votre génie personnel qui doit l’obtenir, en commençant par éteindre le feu que les pyromanes habituels essaient d’allumer au Liban, case maîtresse de l’échiquier infernal.
Le moindre échec va coûter 30000 morts et, ce qui est pire, 100000 invalides.
Que le (vrai) Dieu et les (vrais) croyants vous aident.
Henri MOUKHEIBER
Ancien directeur-propriétaire de « Le Matin » et éditorialiste TV