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À La Une - Religion

Pakistan : l'église de la discorde dans le quartier de la chrétienne accusée de blasphème

"Si nous ne pouvons plus prier ici, nous devrons quitter le quartier".

Des enfants chrétiens et musulmans jouent près de la maison de Rimsha dans la banlieue de Islamabad le 22 août 2012. Aamir QURESHI/AFP

Il y a sept mois, les musulmans de Mehrabad, dans les bas-fonds de la capitale pakistanaise Islamabad, aidaient les chrétiens à bâtir leur église de fortune. Aujourd'hui, ces derniers craignent d'y avoir célébré leur dernière messe car une des leurs, Rimsha, est accusée de blasphème.

 

Au bout d'une allée constellée de flaques d'eau et sillonnée par une noria de mobylettes, des enfants jouent à la guerre avec de faux fusils en plastique pendant qu'un cerf-volant vagabond rase les maisonnettes atones de béton gris et que des chèvres broutent de l'herbe poussant au travers d'un tas de détritus.

 

C'est là que la jeune Rimsha, une chrétienne, aurait selon certains musulmans brûlé jeudi dernier plusieurs feuilles de papier, dont des pages du "Noorani Qaïda", un manuel d'introduction au texte sacré de l'islam destiné aux enfants, sur lequel sont écrits des versets en arabe, la langue du Coran.

 

Elle est accusée par le voisinage de "blasphème", un crime grave au regard des textes de la République islamique du Pakistan, pays de 180 millions d'habitants à 97% musulman et où vivent trois millions de chrétiens, une minorité traditionnellement pauvre, discriminée et cantonnée aux tâches ingrates.

 

L'imam de la mosquée voisine a été saisi le jour même de l'affaire et plusieurs dizaines de musulmans en colère se sont précipités au domicile de la famille de la jeune fille, âgée entre 11 et 16 ans selon les témoignages, et atteinte de trisomie 21 d'après certains responsables d'associations.

 

La police est intervenue et a placé Rimsha en détention provisoire.

 

Au Pakistan, insulter le prophète Mahomet est passible de la peine de mort, et brûler un verset du Coran de la prison à vie, selon la loi sur le blasphème. Soutenu par les islamistes radicaux mais contesté par les libéraux, cette loi est devenue un sujet explosif et le gouvernement s'est gardé de la modifier malgré les pressions de la communauté internationale en faveur d'une réforme.

 

L'affaire a semé un vent de panique chez les quelque 500 familles chrétiennes du quartier mixte de Mehrabad. "Certaines ont fui tout de suite après l'incident, de peur que des musulmans réagissent comme à Gojra", souffle Rafaqet Masih, 42 ans, dont la femme et les cinq enfants ont quitté le quartier.

 

En 2009 à Gojra, localité située comme Islamabad dans la province du Pendjab, de jeunes musulmans radicaux avaient incendié une quarantaine de maisons de chrétiens après la propagation d'une rumeur indiquant qu'une page du Coran avait été déchirée lors d'un mariage chrétien. Sept chrétiens avaient péri.

 

Rien ne semblait annoncer au départ de telles tensions à Mehrabad, où les premiers chrétiens sont arrivés il y a une vingtaine d'année.

 

Il y a sept mois à peine, les musulmans avaient ainsi aidé les chrétiens du quartier à construire leur église officieuse, un petit local de béton niché au bout d'un dédale de rues et décoré de portraits du Christ.

 

Les chrétiens ont été autorisés à célébrer la messe le dimanche, mais pas les autres jours de la semaine. Cela a suffi pour attiser les rancœurs: selon des habitants du quartier, la musique jouée pendant la messe chrétienne a irrité des musulmans qui priaient au même moment.

 

Une semaine avant l'affaire Rimsha, ces derniers ont réclamé aux chrétiens la fermeture du local. Les seconds ont continué à s'y réunir, sans toutefois célébrer la messe du dimanche suivant, pour ne pas souffler sur les braises et dans l'attente d'une solution négociée de ce différend.

 

"Si nous ne pouvons plus prier ici, nous devrons quitter le quartier", craint Ashraf Masih, préposé à l'entretien du modeste local.

 

S'écartant de l'agitation, nombre de musulmans se gardent de réclamer le départ des chrétiens. Ces derniers louent en effet leurs maisons et leur église de fortune à des musulmans, et un exode massif ne ferait guère l'affaire des propriétaires.

 

"Je ne veux pas qu'ils partent", assure Mohamed Metab Awan, un musulman propriétaire d'une trentaine de masures louées à des chrétiens, un avis partagé par Malik Amjad, le propriétaire de la maison de la famille de Rimsha.

 

Pour mémoire :

 

Pakistan : une jeune chrétienne trisomique en prison pour blasphème

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Au bout d'une allée constellée de flaques d'eau et sillonnée par une noria de...

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