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À La Une - L'Orient Littéraire

Pour que le Liban rejoigne le printemps arabe

Paul Salem.

Pour quelqu’un qui a été engagé dans la société civile et la promotion de la réforme politique au Liban, les événements des deux dernières semaines semblent particulièrement troublants. Il est en effet triste de voir notre pays faire du surplace, voire retomber éventuellement dans les tensions interconfessionnelles et l’instabilité, surtout à un moment où les populations d’autres pays arabes s’opposent à leurs systèmes politiques et s’engagent sur la voie de la démocratisation et de la réforme. Les Libanais devraient trouver la volonté de surmonter les divisions sectaires et les oligarques qui sont passés maîtres dans l’art de la manipulation de tels schismes, pour se lancer dans leur propre processus de réforme.

 

De mon avis, la voie à suivre pour le Liban est difficile mais claire : elle part d’une réforme politique profonde du système obsolète de Taëf. La loi électorale doit être modifiée pour ouvrir la voie à une représentation proportionnelle au Parlement, brisant ainsi le monopole actuel détenu par une poignée de chefs de communautés religieuses, tout en veillant à raviver une véritable vie politique pluraliste. Un Sénat doit être créé afin de fournir les garanties nécessaires aux communautés inquiètes, mais surtout en vue de libérer le Parlement et lui permettre de devenir une institution plus efficace. La décentralisation devrait être mise en œuvre après des décennies de tergiversations, dans le but de renforcer la démocratie et de stimuler le processus d’autonomisation et de développement à l’échelle locale et régionale.

 

La nature du pouvoir exécutif au Liban doit être réexaminée, dans la mesure où, en vertu du système de Taëf, nul ne gouverne en réalité. Le président ne gouverne pas, le Premier ministre non plus, et le gouvernement est un amalgame incohérent de partis divers. Alors que le printemps arabe a vu les populations se soulever contre leurs dirigeants et les remplacer, le peuple libanais n’a pas de véritable gouverneur contre qui il pourrait se soulever, pas plus qu’il ne dispose de moyens directs de choisir ou de renvoyer son exécutif. Il serait donc nécessaire de renforcer le mandat du président ou du Premier ministre dans la mesure où cette autorité est directement élue par le peuple. Enfin, le Liban a besoin de renforcer l’autorité judiciaire, indépendamment des politiciens qui ont jusqu’ici dominé et manipulé les tribunaux et cours de justice.

 

La crise en Syrie présente à la fois un grand risque et une opportunité immense pour le Liban. Le risque est évident. Il l’est d’ailleurs devenu de plus en plus au cours des deux dernières semaines pendant lesquelles le Liban a été entraîné dans le conflit syrien de telles manières qui mettent en danger notre sécurité nationale et notre stabilité interne. Alors que le gouvernement se doit de respecter les opinions défendues par les différents individus et groupes, le Liban ne peut se permettre d’intervenir en Syrie, ni dans aucun autre pays. Cependant, l’occasion qui s’offre à nous au vu de la situation en Syrie ne doit pas être négligée. Pendant quarante ans, le Liban a vécu dans l’ombre du régime Assad et les effets bénéfiques du passage à la démocratie en Syrie se feraient également ressentir au-delà de la frontière syrienne. La démocratie précaire et imparfaite du Liban était connue pour être unique dans le monde arabe. Si l’Égypte, la Tunisie, la Libye – et la Syrie aussi, nous l’espérons – deviennent des démocraties, alors le Liban devrait à son tour saisir cette opportunité pour relancer et réformer sa propre démocratie.

 

À la société civile au Liban et à sa jeunesse en particulier, je souhaite de continuer à s’armer d’optimisme, de persévérance et de clairvoyance : l’optimisme suscité par le fait que le monde arabe soit en train d’avancer vers la démocratie et une meilleure gouvernance, la persistance dans la promotion d’une réforme politique, et une vision claire du Liban que nous voulons établir. Nous ne devons pas tomber dans les modèles et les pièges qui nous ont été fixés par le confessionnalisme et les chefs traditionnels qui s’épanouissent au gré de nos divisions. L’avenir d’un pays est déterminé par ses générations montantes et, comme l’atteste l’exemple des populations en Égypte, en Libye et en Syrie, les générations montantes peuvent choisir de créer un autre avenir. Cela devrait nous rendre confiants que le fait d’appeler en permanence à la réforme et à une meilleure gouvernance au Liban finira par porter ses fruits.

 

Je reste convaincu que l’histoire prend un cheminement positif et que la trajectoire de l’histoire a atteint le monde arabe. De même, je reste pleinement engagé à pousser à la réforme politique et au changement au Liban. Le Liban n’est pas un pays ordinaire, et les Libanais ne sont pas un peuple médiocre. Le peuple libanais a fait preuve de génie et de talent dans divers domaines, notamment dans la littérature, les affaires, les sciences et les arts. Nous pouvons également réaliser de grandes choses à l’échelle politique, réinventer le Liban et en faire un exemple pour les sociétés et les pays à travers le monde. Nous vivons dans une période positive et propice dans le monde arabe. D’autres peuples ont profité de cette occasion. Il est grand temps que nous en fassions de même.

 

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Pour quelqu’un qui a été engagé dans la société civile et la promotion de la réforme politique au Liban, les événements des deux dernières semaines semblent particulièrement troublants. Il est en effet triste de voir notre pays faire du surplace, voire retomber éventuellement dans les tensions interconfessionnelles et l’instabilité, surtout à un moment où les populations...
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