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À La Une - Conférence

Liban : « Les examens de la honte » dans les casernes, dénoncés par l’Agenda juridique

Dans les casernes, une personne suspectée d’homosexualité ou de prostitution est contrainte de livrer ses parties intimes à l’examen d’un médecin légiste, sur ordre du juge.

« Les examens de la honte. » Nouvel empiètement, flagrant sur la dignité humaine que l’Agenda juridique (al-Moufakkira al-Kanouniya – centre de recherche –) dénonce dans sa dernière conférence. Il est de pratique, dans les casernes, de faire subir un examen anal ou gynécologique aux personnes suspectées d’homosexualité (réprimée par l’article 534 du code pénal) ou de prostitution. Si cet examen a un intérêt probatoire dans les cas de viol, il est extrapolé arbitrairement aux cas de rapports sexuels librement consentis. Quiconque est suspecté de « débauche » peut donc être arrêté et soumis, de force, à la loupe d’un médecin légiste, parfois brutal, qui tente de repérer, entre les rougeurs, les déviations minimes, les orifices élargis, la trace d’un acte sexuel condamnable. L’avocat Nizar Saghiyé, fondateur de l’Agenda juridique, relate le récit ayant révélé au grand jour ces pratiques.
« Trois jeunes hommes jouent aux cartes près de la demeure d’un leader politique. Suspectés d’espionnage, ils sont arrêtés par des agents de l’ordre. L’interrogatoire révèle qu’ils n’ont rien à voir avec la politique. Toutefois, les traits fins de l’un des trois nourrissent, dans l’intime conviction des officiers, une suspicion d’homosexualité. Sur la base de ce seul constat, les jeunes hommes sont transférés à la caserne des FSI, dite de Hobeiche, à Hamra (connue pour réprimer les atteintes aux bonnes mœurs). L’officier en charge décide de leur faire subir un examen médical anal. Pour cela, il sollicite l’autorisation du procureur général, qu’il finit par obtenir – mais sur quelle base ?... Le médecin légiste ne pouvant se rendre à la caserne en soirée pour examiner les trois détenus, ces derniers passent la nuit en prison. Le lendemain, ils sont brutalement approchés par le médecin qui les somme de se déshabiller, de s’accroupir et de contracter leurs muscles postérieurs. Beaucoup continuent de verser des larmes au souvenir de ce passage, même plusieurs années plus tard. » Un calvaire, où le corps, livré à un système le condamnant, devient haïssable. Parce que l’esprit libre est rabattu à un trou de chair, pour aspirer les complexes vils de la société. Contradiction flagrante avec les nombreux espaces du pays, laissés à l’expression libre de toutes les formes de sexualité sans retenue.

Critères périmés
Il faut savoir que ces examens s’exercent en vertu d’un article de procédure judiciaire qui accorde au juge la possibilité de « recourir à tous les moyens disponibles pour constituer son jugement », comme le rappelle un juge venu assister à la conférence. Or, ces examens n’aboutissent jamais à un résultat irréfutable. C’est ce que reconnaissent d’ailleurs les deux médecins légistes, dans leurs allocutions respectives. L’un d’eux, Hussein Chahrour, énumère les signes morphologiques pouvant révéler une pratique de sodomie, citant Auguste Ambroise Tardieu, médecin légiste français, parrain de la médecine homophobe, aujourd’hui discrédité par de nombreuses écoles. Mais Hussein
Chahrour estime qu’indépendamment des critères adoptés, il est impossible d’aboutir à une conclusion définitive sur des pratiques homosexuelles masculines. De son côté, le médecin Sami Kawwas affirme que « l’on peut déceler des signes de prétendue sodomie chez un individu parfaitement hétérosexuel et n’en repérer aucun chez un homosexuel actif sexuellement ».

Actes de torture
L’inutilité de ces examens contraste avec le calvaire que la personne examinée subit. Sami Kawwas insiste sur son souci d’apaiser les patients avant de procéder à l’examen. Mais Nadim Houry, responsable régional de l’association Human Rights Watch, lui demande s’il peut garantir que « la dignité de son patient reste intacte ».
Une question de défiance que lance le militant, fort de plusieurs traités onusiens qui interdisent toute violation des parties intimes des détenus, sauf cas précis de risque à leur vie ou à celle des autres. De plus, HRW, ayant déjà dénoncé ces pratiques en Égypte, les qualifie « d’actes de torture », en vertu du droit international public. D’ailleurs, les circonstances dans lesquelles s’effectue l’examen, en l’occurrence le lieu, qui est la caserne, non pas la clinique du médecin (sauf demande contraire de ce dernier), sont propices à l’humiliation.

Consentement bafoué
Un autre élément sur lequel s’attarde Nadim Houry, et avec lui Charbel Mayda, militant au sein de l’ONG Helem, est le fait que nul ne peut procéder à cet examen sans le consentement de la personne concernée. Or, dans la majorité des cas, soit ce consentement est vicié par les pressions de séquestration, soit le détenu ignore qu’il détient le droit de refuser l’examen. Ce sont donc les juges, les agents des FSI et les médecins légistes qui sont responsables de la préservation de l’intégrité physique et morale des détenus. « Le médecin ne fait qu’exécuter l’ordre du juge. Refuser cet ordre requiert une grande audace », fait remarquer une juge pénale présente dans l’assistance. Lutter contre ces pratiques, en attendant leur suppression, relève donc de l’initiative individuelle.
Notons que Tina Naccache, militante pour les droits de la femme, a dénoncé en 2007 la pratique d’un médecin légiste ayant procédé à l’examen gynécologique d’une employée de maison, laissant la porte de la chambre ouverte au regard des agents. Le médecin a fini par présenter sa démission, et depuis ce précédent, l’examen des femmes se fait en clinique.
« Les examens de la honte. » Nouvel empiètement, flagrant sur la dignité humaine que l’Agenda juridique (al-Moufakkira al-Kanouniya – centre de recherche –) dénonce dans sa dernière conférence. Il est de pratique, dans les casernes, de faire subir un examen anal ou gynécologique aux personnes suspectées d’homosexualité (réprimée par l’article 534 du code pénal) ou de...
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