En dépit de tous les appels au calme, la situation à Tripoli semble se diriger vers l'escalade. Les violences ont fait au moins sept nouveaux blessés dans le quartier de Bab el-Tebbaneh, malgré un accord pour déployer l'armée. Après près d'une heure de répit, les heurts ont repris, en début de soirée, à coups de tirs et de roquettes.
Durant le week-end, trois personnes ont trouvé la mort dans cette ville, où le Premier ministre Nagib Mikati a rencontré en fin d'après-midi des responsables politiques, religieux, et des services de sécurité. A l'issue de cette réunion, il a été convenu de déployer l'armée dans tous les quartiers touchés.
Depuis le matin, de nombreux habitants fuient les violences dans cette ville du Nord où les affrontements de ce genre sont fréquents.
Face à la gravité de la situation, le président de la République Michel Sleiman a convoqué le Conseil supérieur de défense pour une réunion d'urgence à 16h30, heure locale, au palais présidentiel de Baabda. Le bureau de presse de la présidence a indiqué dans un communiqué, que le chef de l’État a suivi de près les développements dans le nord du Liban.
A l'issue de la réunion, le Conseil a décidé d'"agir avec fermeté et prudence" face aux violences. Le ministre de l'Intérieur Marwan Charbel a d'ailleurs annoncé l'arrestation de plusieurs tireurs et la poursuite d'autres impliqués dans les violences. Le Conseil a par ailleurs souligné l'importance de maintenir la paix civile et de subvenir aux besoins de l'armée.
Dimanche matin, un homme a péri lors d'affrontements entre habitants de Bab el-Tebbaneh (sunnites, anti-Assad) et résidents du quartier de Jabal Mohsen (alaouites, sympathisants du régime de Damas).
Selon l'Agence nationale d'information (ANI), un civil, Issa el-Ali, a été tué lorsque des roquettes de type "Energa" se sont abattues dans la nuit de samedi à dimanche sur le quartier sunnite de Kobbeh. Les tirs de roquettes ont été suivis d'affrontements armés entre les deux quartiers rivaux de Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen faisant également 14 blessés.
Dans le même temps, le soldat Fayçal Hussein Abdallah a été tué dimanche matin lorsque des francs-tireurs ont tiré sur le véhicule à bord duquel il se trouvait sur le rond-point de Mallouleh à Tripoli.
L'armée déployée dans les rues de Tripoli. Omar Ibrahim/Reuters
Un échange de tirs avait opposé samedi soir l'armée libanaise à des jeunes islamistes qui manifestaient à Tripoli pour exiger la libération d'un des leurs soupçonné de "terrorisme" en Syrie. Le salafiste en question, Chady al-Mawlawi, arrêté samedi, a été traduit en justice et "la Sûreté générale a assuré qu'il sera libéré si son innocence était prouvée".
Samedi, une centaine de jeunes avaient dressé un camp à l'entrée sud de Tripoli et planté des drapeaux noirs sur lesquels était inscrite la profession de foi musulmane, de même qu'ils avaient dressé des drapeaux de l'indépendance syrienne, symbole de la révolution dans ce pays. Ils ont poursuivi dimanche ce sit-in réclamant la libération de Chady al-Mawlawi, 27 ans, arrêté selon les autorités pour "lien avec une organisation terroriste". Les manifestants ont de leur côté affirmé que M. Mawlawi était un sympathisant de la révolte en Syrie.
"Nous ne lèverons pas le camp avant que mon frère ne soit libéré", a déclaré, samedi, à l'AFP Nizar al-Mawlawi, le frère du détenu. Les manifestants, des sympathisants de la révolte syrienne contre le régime du président Bachar el-Assad, ont ensuite tenté de s'approcher d'un bureau du Parti syrien national social (PSNS), une formation libanaise pro-Assad, lorsque l'échange de tirs avec l'armée a eu lieu. Les tirs ont visé une patrouille des services de renseignements de l’armée dans le quartier de Bab el-Tebbeneh.
Les autorités syriennes ont à plusieurs reprises affirmé que des armes et des combattants passaient clandestinement depuis le Liban pour venir en aide aux dissidents qui cherchent à renverser le régime Assad, après 14 mois de révolte réprimée dans le sang. Le Liban est divisé entre l'opposition, soutenue par Washington et hostile au régime syrien, et le camp du Hezbollah qui domine le gouvernement et qui est appuyé par Damas et Téhéran.
Suite à l'arrestation d'al-Mawlawi, la tension politique est également montée d'un cran. Le courant du Futur a ainsi appelé, dans un communiqué, le gouvernement de Nagib Mikati à présenter sa démission. Selon lui, la Sûreté générale a attiré Chady al-Mawlawi au centre de services sociaux du ministre Mohammed Safadi sous prétexte de lui offrir une aide sociale, afin de l'arrêter. Le Courant du Futur a d'autre part appelé ses députés à boycotter toutes les sessions parlementaires jusqu'à la libération de Mawlawi. "Nous exigeons des excuses honnêtes de la part de la Sûreté générale (...) à l'adresse des habitants de Tripoli", indique le texte, lu par l'ancien député Moustapha Allouche.
L'ex-Premier ministre Saad Hariri a de son côté estimé que "le gouvernement doit assumer ses responsabilités et mettre un terme aux conséquences de l'arrestation de (Chady) al-Mawlawi". M. Hariri a par ailleurs indiqué que certains qualifient Tripoli de ville "hors la loi". "C'est le comportement d'une branche des services de sécurité qui est hors la loi", a-t-il martelé tout en appelant l'armée libanaise à assumer ses responsabilités et à protéger les habitants de la ville.
L'ancien Premier ministre a appelé les habitants de Tripoli au calme et à un maximum de retenue. "Suivez les consignes du Mufti Chaar et des responsables locaux", a écrit M. Hariri sur son compte Twitter, ajoutant que "ce qui s'est produit à Tripoli est inacceptable".
Lors de la réunion du Conseil supérieur de défense, le ministre des Finances Mohammad Safadi a pour sa part annoncé avoir porté plainte contre la Sûreté générale pour l'arrestation, dans son bureau, de Chady al-Mawlawi.
Appelant à la libération de ce dernier, le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a, lui, souligné la nécessité de trouver une solution politique (à la crise) qui garantirait la mise à l'écart de l'armée libanaise.
Durant le week-end, trois personnes...
Kamel, tu vas finir par être censuré toi aussi ! Rires.
09 h 23, le 14 mai 2012