« Cannes reste le lieu où il faut être quand on s’occupe de cinéma, cet esprit subsiste », constate le délégué général du festival Thierry Frémaux, responsable de la sélection officielle (Compétition et Un certain regard), 60 films au total, dont 22 en lice pour la Palme d’or. Inventif, grave, déjanté, novateur, le cinéma de Cannes (qui compte aussi les sections Quinzaine des réalisateurs et Semaine de la critique) se targue de répondre aux exigences d’éclectisme, de diversité, d’universalisme. « La sélection n’est pas lourde », assure Thierry Frémaux qui promet des chocs et des inventions aptes à séduire le président du jury, le cinéaste italien Nanni Moretti qui a déjà prévenu qu’il voulait être « surpris ».
Au menu : un retour en force de l’Amérique latine avec le très attendu Sur la route du Brésilien Walter Salles, d’après un roman de Jack Kerouac, et l’émergence de jeunes nations de cinéma comme la Colombie ; l’apparition de l’Australie et d’un cinéma aborigène (The Sapphires, premier film de Wayne Blair) ; une moindre présence de l’Asie, mais un renouveau de l’Amérique et du cinéma d’auteur, dont le film d’ouverture Moonrise Kingdom – conte onirique et joyeux d’enfants sages pour adultes déraisonnables, signé Wes Anderson, avec Bruce Willis, Tilda Swinton et Harvey Keitel. Remarquée aussi, la grande diversité des Français dont trois en compétition (Audiard, Leos Carax et le doyen Alain Resnais qui, à 90 ans, livre avec Vous n’avez encore rien vu une forme de testament cinématographique). Sans compter la première fiction de Sandrine Bonnaire en tant que réalisatrice (J’enrage de son absence dans la Semaine de la critique) – ni le très français Amour de l’Autrichien Michael Haneke, tourné en France avec Isabelle Huppert et Jean-Louis Trintignant. Ou le 3e opus du benjamin Xavier Dolan, Québécois âgé de 23 ans, Laurence Anyways, avec Melvil Poupaud et Nathalie Baye.
C’est aussi la tradition de laisser les tourments du monde entrer sur la Croisette. Cette année, c’est au tour de l’Afrique avec la révolution égyptienne (Après la bataille, de Yousry Nasrallah), deux films sur le terrorisme venus du Maroc et d’Algérie, l’émigration depuis le Sénégal (La Pirogue de Moussa Touré). Bernard-Henri Lévy, engagé aux côtés des rebelles, présente son documentaire sur la guerre en Libye, et le dandy britannique Jeremy Irons celui qu’il a soutenu sur les déchets. Sean Penn apparaîtra non pour un film, mais au profit d’Haïti, où il a fondé une ONG après le séisme de janvier 2010.
« Les stars à Cannes, c’est bon pour tout le monde », relève le président Gilles Jacob, campé chaque soir au sommet des marches. Il explique le succès du festival par son savant dosage de saveurs méditerranéennes, de paillettes, d’art et de business avec le marché du film. « Les artistes sentent qu’ils sont aimés, on leur passe leurs caprices, leurs émotions, parce que rien n’est plus beau que l’art quand ça fonctionne », confie-t-il. Ainsi, Cannes 2011 avait contribué à placer The Artist sur orbite, film muet en noir et blanc reparti dix mois plus tard avec cinq oscars... Pour marquer ce 65e anniversaire, Gilles Jacob a réalisé un film de moments d’exception cannois, Une journée particulière, qui sera projeté le 20 mai avant un dîner de gala suivi d’un feu d’artifice sur la baie.
(Source : AFP)