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Lifestyle - Rencontre

Harry Bellet, «...le critique le moins lucide!»

Historien d’art, journaliste au « Monde », spécialisé dans l’art contemporain et actuellement chef adjoint du service culturel dans le quotidien français, Harry Bellet, de passage au Liban, partage avec un humour élégant son regard sur l’art et sur son propre parcours. Un itinéraire fait de voyages et de rencontres, de toiles et de mots, de chiffres et de lettres.

Harry Bellet lors de son passage à Beyrouth. Photo Carla Henoud

Confortablement installé à la galerie Mogabgab, chez son amie Alice Mogabgab Karam, entre les sculptures de son autre ami l’artiste Susperregui, Harry Bellet savoure ces quelques jours de vacances dans un pays qu’il a aimé du premier regard, en 1997. «J’en suis tombé amoureux entre l’aéroport et Achrafieh. Pour moi qui ai beaucoup voyagé, cette sensation totalement indescriptible est très rare.» Devenu familier du meilleur comme du pire au Liban, notamment au niveau de l’art et de son rapport avec la guerre, il précise: «Je l’aime comme on voit grandir un gamin qui, par moments, tourne mal!»
Une grosse moustache qui souligne ses fréquents éclats de rire, une pipe qu’il ne quitte jamais, il a, bien évidemment, quelque chose d’un Brassens à la fois exigeant et tolérant. Le regard affiné, contemplateur et analytique, mais imprégné d’une sagesse, une tendresse, elle aussi indescriptible, qui rend la critique plus facile à accepter, Harry Bellet a l’air et la manière d’un homme tranquille. Un baroudeur qui a fait le tour du monde et des mondes artistiques pour parvenir à parfaitement voir, comprendre, critiquer et s’adapter à un marché mondialisé à outrance. «L’art, dit-il, est devenu un “life style”. Il y a une tendance lourde à oublier les valeurs locales pour pratiquer un art international. Mon grand bonheur reste de découvrir les galeries.»

Des histoires et de l’art
Né le 2 juin 1960 à Rouen, Bellet, dont le père est architecte, baigne très tôt dans une bulle familiale artistique «proche des formes. J’ai toujours voulu faire de l’histoire de l’art», poursuit-il. Sa première visite au musée des Beaux-Arts de Rouen le bouleverse et le confirme dans sa vocation. Devant la toile Les énervés de Jumièges du peintre Evariste Viral Luminais (1880), qui décrit l’histoire de deux fils rebelles punis par leur mère en leur coupant les tendons des jambes et en les laissant dériver sur un radeau au fil de la Seine, le jeune écolier s’arrête et s’interroge. Pourquoi les décrire comme énervés, alors qu’ils ont l’air morts?! «À partir du moment où l’on s’intéresse à l’histoire d’un tableau, confie-t-il, on devient historien d’art.» C’est ainsi que démarre l’aventure. Que Harry Bellet entreprend ses études et devient historien d’art.
Pendant qu’il prépare sa maîtrise sur les années 50, il débute une collaboration avec le Musée national d’Art moderne du centre Pompidou qui va durer 10 ans. Il leur fera plusieurs catalogues d’exposition et apprendra l’essentiel sur la critique d’art. En 1992, il démarre dans la page culturelle du Monde. Pigiste pendant 5 ans, il devient un rédacteur régulier en 1997. Sa mission: couvrir les marchés d’art internationaux. «J’ai vadrouillé pendant 15 ans. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas le marché, mais les gens. Ce qu’on apprend sur le goût des gens. Passer par ce biais permet également de mieux connaître un pays. Je suis le critique le moins lucide!» avoue-t-il en riant.

Nouveau rôle
Puis un jour, cet Ulysse, heureux d’avoir fait de bons voyages, mais fatigué, décide enfin de retrouver la terre ferme. «Ça tombait bien! Le poste de chef de service culturel adjoint au Monde venait de se libérer. J’ai toujours eu de la chance, touchons du bois, raconte-t-il, en touchant sa pipe. L’expérience de gérer une équipe est intense, mais nouvelle. C’est un métier différent de faire écrire les autres.»
Alors, pour «compenser», pour rester en contact avec le mot, Harry Bellet écrit des ouvrages. Le premier, un essai, Le marché de l’art s’écroule demain à 18h30, est paru en 1999. En 2004, il sort un premier roman policier intitulé L’Affaire Dreyer (sélection du Grand Prix des lectrices de Elle). «Après avoir écrit un livre assez sérieux sur le milieu, une éditrice m’a suggéré de raconter ce que je savais sur certains conservateurs assez corrompus. J’ai pensé qu’il y avait là matière à écrire un roman et que c’était la seule manière de dire tout ce que je voulais dire.» Le policier Sam Adams mènera les enquêtes... En 2007, Sam et Harry récidivent avec Carré Noir puis, deux ans plus tard, avec Passage du vent. Une attaque bien documentée contre le centre de détention de Guantanamo et ses méthodes musclées d’interrogatoire, avec en arrière-fond, un prétexte peut-être, le marché de l’art contemporain qu’il connaît bien.
Un quatrième roman policier en préparation, également inspiré d’un tableau, cette fois-ci il s’agit d’une œuvre de Hans Holbein le jeune, l’un des grands maîtres de la Renaissance allemande; Harry Bellet ajoute, en rallumant encore une fois sa pipe: «Je me régale! Je suis libre de faire ce que je veux...»
Et de conclure, en parlant, à sa façon, de la vie: «Je viens de Normandie. On dit qu’il pleut tout le temps. Ce n’est pas vrai. Il pleut par moments dans la journée. Quand il pleut, je mets un imperméable!»
Confortablement installé à la galerie Mogabgab, chez son amie Alice Mogabgab Karam, entre les sculptures de son autre ami l’artiste Susperregui, Harry Bellet savoure ces quelques jours de vacances dans un pays qu’il a aimé du premier regard, en 1997. «J’en suis tombé amoureux entre l’aéroport et Achrafieh. Pour moi qui ai beaucoup voyagé, cette sensation totalement...

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