Après la mort de Mohamed Merah, jeune jihadiste auteur de sept assassinats effroyables, l'exécutif français s'efforçait vendredi de répondre aux questions sur les failles de la surveillance antiterroriste tandis qu'à Toulouse, l'enquête se concentrait sur la recherche de complicités.
Le Premier ministre, François Fillon, a affirmé vendredi matin qu'il n'existait "aucun élément permettant d'appréhender Mohamed Merah", tueur de trois militaires d'origine maghrébine et de quatre juifs dont trois enfants entre le 11 et le 19 mars dans le sud de la France, avant ses passages à l'acte, car la France est "un Etat de droit".
Mohamed Merah, 23 ans, a été tué lors d'un assaut du Raid (unité d'élite de la police), jeudi matin. Merah était retranché depuis plus de 30 heures dans son appartement à Toulouse (sud de la France).
Dès hier, une controverse a commencé à apparaître sur la question d'une éventuelle faille dans la surveillance des réseaux islamistes radicaux par le renseignement français.
Selon le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, Mohamed Merah était suivi depuis des années. En novembre 2011, il avait été convoqué pour s'expliquer sur ses séjours en Afghanistan et au Pakistan.
"Je comprends qu'on puisse se poser la question de savoir s'il y a eu une faille ou pas", a déclaré, de son côté, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé en réponse à une question. "Je n'ai personnellement aucune raison de penser qu'il y ait eu une faille", a-t-il dit.
Le ministre de l'Intérieur a défendu le travail des enquêteurs, en soulignant que "manifester des opinions salafistes ne suffit pas à déférer à la justice".
"Les services de renseignement, qui surent mobiliser toute leur puissance pour une épicerie de Tarnac et des fadettes de journalistes, ont-ils lourdement failli?", s'interrogeait néanmoins ce matin Nicolas Demorand dans le quotidien Libération (gauche). L'éditorialiste aimerait notamment savoir si "le temps propre à la politique" a "influé sur le travail des policiers" avant de conclure que "l'union nationale, proclamée et respectée, doit avoir pour corollaire la transparence totale."
Les services de renseignement français avaient placé le jeune homme de 23 ans sous surveillance après ses séjours de 2010 et 2011 en Afghanistan et au Pakistan, mais lui trouvaient un mode de vie de jeune homme de son âge apparemment incompatible avec l'islam radical. Mohamed Merah avait cependant eu affaire à la justice pour des faits de petite délinquance et fréquentait un petit groupe de personnes se réclamant du salafisme, la branche la plus rigoriste de l'islam.
Dans les heures précédant sa mort, lors de discussions avec les policiers, il s'était réclamé d'el-Qaëda et du jihad. Il avait indiqué vouloir "venger les enfants palestiniens", punir la France pour son engagement en Afghanistan et pour sa loi interdisant le port public du voile islamique.
"Le fait d'appartenir à une organisation salafiste n'est pas en soi un délit. Il ne faut pas mélanger fondamentalisme religieux et terrorisme, même si naturellement nous connaissons bien les liens qui unissent les deux", a avancé M. Fillon. Le Premier ministre a encore indiqué que Mohamed Merah, qui figurait sur la liste noire des personnes interdites de vol aux Etats-Unis, était aussi inscrit en France sur la liste des personnes à surveiller en cas de déplacement. Mais "il ne s'est pas déplacé", a-t-il fait valoir.
Le candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, qui a repris pleinement sa campagne après une pause, a relayé jeudi soir lors d'un meeting à Aurillac (centre) les interrogations qui se sont fait jour après la découverte du parcours et de la personnalité du tueur en série, évoquant "une faille" dans sa surveillance.
"Il est bon de s'interroger. Moins d'intenter de mauvais procès, sans en avoir l'air" assurait, pour sa part, Yves Thréard du quotidien Le Figaro (droite), qui dénonce "intellectuels, élus de gauche, du PS, sans expérience de l'ordre public, ainsi que leurs succursales associatives de défense des droits de l'homme qui ne perdent jamais l'occasion de crier au scandale, d'attaquer les atteintes aux libertés individuelles, d'en appeler au délit de faciès. Les mêmes qui, aujourd'hui, mettent en cause le travail des services de police et s'autorisent à chercher des failles." Selon lui, "ces donneurs de leçons, à l'esprit aussi contradictoire que tordu, se trompent de combat."
Les médias s'interrogeaient aussi vendredi sur les conditions de l'assaut lancé jeudi matin pour capturer le tueur après trente heures de siège et au cours duquel il a été abattu. "Pourquoi l'ordre +politique+ a été donné d'intervenir hier matin", "pourquoi était-il si urgent de ne plus attendre?", demande notamment la République des Pyrénées.
Le chef du parti présidentiel, Jean-François Copé, a reconnu vendredi "tout à fait légitime" qu'il y ait "transparence" sur l'enquête, afin de ne pas laisser d'éventuelles "zones d'ombre", tout en assurant ne pas avoir de doute "à titre personnel".
A Toulouse, l'enquête tentait de déterminer d'éventuelles complicités dans ces crimes.
Mohamed Merah, qui vivait officiellement sur de faibles ressources, avait plusieurs domiciles, louait des voitures au mois et disposait d'un important arsenal. Dans ses échanges avec les policiers pendant les longues heures du siège de l'appartement où il s'était retranché, il a raconté qu'il vivait de "casses", mais les policiers semblent ne pas se contenter de cette piste.
Son frère aîné Abdelkader, en garde à vue depuis la nuit de mardi à mercredi avec sa compagne et leur mère, a affirmé n'être pas au courant de ses projets criminels, alors que plusieurs témoins l'ont présenté comme apparemment plus engagé que lui dans le combat islamiste.
La garde à vue de ces trois proches a été prolongée vendredi matin. Conformément aux procédures antiterroristes en vigueur en France, elle pourra durer jusqu'à dimanche à l'aube avant une éventuelle mise en examen (inculpation).
Certains dans la presse, tel André Schlecht de L'Alsace avaient d'autres préoccupations, ce matin, que l'enquête par exemple : "comment réparer le tissu social pour que notre jeunesse, dont celle issue de l'immigration, se sente moins exclue?". "À côté des polémiques, pas toutes illégitimes, qui sont apparues dès hier jeudi (sur l'enquête, ndlr) des questions, multiples et complexes, de cette nature, apparaissent autrement plus appropriées. Une campagne électorale qui se respecte gagnerait à répondre à ces interrogations", affirme-t-il.
Le Premier ministre, François Fillon, a affirmé vendredi matin qu'il n'existait "aucun élément...
Dans mes deux commentaires, M Jaber, j'ai seulement voulu dire que nous nous attachons peut-être un peu trop aux retombées politiques éventuelles d'une tragédie, et pas assez au drame humain qu'elle provoque ni aux moyens à mettre en oeuvre pour circonscrire au mieux ces actes barbares. Par ailleurs, je ne vois nulle part dans mes propos matière à vouloir défendre M Hakim puisqu'à aucun moment je ne l'ai critiqué sur les siens.
14 h 53, le 24 mars 2012