Rechercher
Rechercher

À La Une - Diplomatie

Réfugiés syriens : Paris rappelle à Mikati ses responsabilités

Le froid glacial de Paris n’a nullement empêché le retour au beau fixe des relations franco-libanaises. Une normalisation qui était jusqu’ici mise en doute du fait du retard apporté à une visite traditionnelle en France de tout chef de gouvernement libanais nouvellement en poste.

Le Premier ministre accueilli par le président français à l’Élysée. Photo Dalati et Nohra

Il était temps en tout cas que le Premier ministre Nagib Mikati effectue un voyage officiel en France, d’autant que la situation au Liban et la conjoncture régionale nécessitaient des entretiens franco-libanais à un niveau élevé.

Quels sont les points essentiels soulevés par le chef du gouvernement avec les hauts responsables français et quelles sont les grandes lignes de ce qui a été dit du côté français, à l’Élysée, à Matignon et au Quai d’Orsay ?

Nagib Mikati aux dirigeants français : une aide accrue de la France au Liban notamment dans les domaines économique et militaire, une aide qui permettra au pays du Cèdre de venir à bout de ses problèmes internes et régionaux. Plus particulièrement, avoir les moyens de sa politique face aux événements en Syrie qui devrait permettre aux Libanais de traverser sans trop de dégâts les turbulences et périls que connaît son voisin du Nord-Est.

Autre idée-force du discours du Premier ministre à Paris : rassurer la France amie du Liban sur le fait que les tensions politiques locales, même au sein du gouvernement, ne risquent pas pour le moment de ramener le pays à un climat de crise aiguë. Par ailleurs, le chef du gouvernement a pu, grâce à un argumentaire structuré, affirmer que, contrairement à ce qui a été dit, son cabinet n’est pas aux mains du Hezbollah puisqu’il a pu financer le TSL malgré l’hostilité du parti chiite.

Les dirigeants français à leur hôte libanais : confirmation de l’engagement de Paris aux côtés des recommandations de la communauté internationale, y compris les mesures européennes, américaines et arabes prises à l’encontre du régime syrien. L’aide aux réfugiés syriens, qu’il s’agisse de blessés ou de personnes forcées de quitter leurs foyers, doit être en conformité avec les règles qu’impose le respect des droits de l’homme. Les autres points soulevés par Paris étant le souhait de voir le Liban continuer à soutenir le TSL, le renforcement des mesures de sécurité au Liban-Sud afin de mieux protéger la Finul.

Au plan financier, les entretiens du président Mikati au Medef puis à l’Élysée, à Matignon et au Quai d’Orsay ont porté sur la concrétisation de l’aide internationale prévue lors de la conférence de Paris III avec, en contrepartie, l’accélération du processus des réformes et la stricte application des mesures économiques et financières visant le régime syrien.

Le point fort de cette première journée de la visite en France de M. Mikati a été la réunion (entrecoupée d’un aparté) entre Nicolas Sarkozy et son hôte hier après-midi à l’Élysée. Un échange de vues d’environ 45 minutes à l’issue duquel le chef du gouvernement a exprimé sa grande satisfaction et ses vifs remerciements pour l’accueil du chef de l’État français. Il a dit en substance : « Nous avons bien entendu évoqué la situation actuelle dans le monde arabe et la situation dans la région en général et j’ai pu réaffirmer la position du Liban, à savoir que nous voulons rester hors de portée de ces développements, car pour moi l’important est la stabilité du Liban. J’ai demandé au président français de soutenir notre position et il a fait preuve d’une grande compréhension à cet égard, promettant de nous aider dans notre option. Il ne s’agit pas d’une relation personnelle mais des liens historiques entre le Liban et la France dans tous les domaines. J’ai pu constater à quel point le président Sarkozy tient à l’indépendance et à la souveraineté du Liban. »

En réponse aux questions des nombreux journalistes qui l’attendaient dans la cour de l’Élysée où le thermomètre affichait moins trois degrés, Nagib Mikati a déclaré qu’au Liban « il y a des printemps arabes tous les jours et qu’avant de parler de ces printemps, il faut parler des moyens de réduire les guerres dans la région pour que nous parvenions ensemble à régler le conflit de la Palestine sur la base des résolutions du sommet de Beyrouth de 2002, parce que l’essentiel est de parvenir à la paix et non d’évoquer les mouvements auxquels nous assistons aujourd’hui. Des mouvements que je respecte, mais il faut parvenir à la paix, une paix sans laquelle il n’y aura pas de stabilité dans la région ».

Il a conclu que ses entretiens à l’Élysée ont porté également sur l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui prévoit notamment une aide à l’armée libanaise pour qu’elle puisse remplacer la Finul, indiquant au passage qu’il a remercié le président Sarkozy pour l’aide militaire française.

 

À Matignon

De source élyséenne autorisée, on devait apprendre, après le départ de M. Mikati pour l’hôtel Matignon où l’attendait le chef du gouvernement français François Fillon, que l’affaire Georges Ibrahim Abdallah avait été brièvement évoquée et qu’elle serait abordée lors des pourparlers entre les deux Premiers ministres. Et elle l’a été, entre les diverses autres questions bilatérales franco-libanaises.

François Fillon a en effet souligné auprès de son homologue libanais l’importance accordée par Paris à la coopération de Beyrouth avec le TSL. Il a « insisté sur l’attachement de la France à la poursuite du travail du Tribunal spécial pour le Liban et l’importance qui s’attache à la coopération entre le Liban et le TSL », a indiqué Matignon dans un communiqué.

À Matignon, François Fillon a rappelé les « efforts de la France et de la communauté internationale, au premier rang de laquelle la Ligue arabe, pour tenter de mettre un terme aux massacres de la population civile » en Syrie. Il a en outre « très fermement condamné les incursions de l’armée syrienne en territoire libanais et marqué son attachement à la protection des réfugiés syriens au Liban ».

 

M. Mikati en compagnie de son homologue Français,

François Fillon. Photo Dalati et Nohra

 

M. Fillon a également abordé la question « essentielle » de la sécurité du contingent français de la Finul. Il a enfin confirmé le versement par la France de 30 millions d’euros à Beyrouth « dans le cadre de la mise en œuvre des accords de Paris III ».

Comme il s’y était engagé, Nagib Mikati, qui devait terminer sa visite par un dîner avec le chef de la diplomatie Alain Juppé, a pour sa part évoqué avec M. Fillon le cas de Georges Ibrahim Abdallah. François Fillon, selon son entourage, a rétorqué « qu’à l’image des demandes précédentes, il revenait aux instances judiciaires compétentes de se prononcer ».

En soirée, les questions bilatérales et les conjonctures libanaise et régionale ont été évoquées avec plus de détails, toujours dans le cadre et dans l’esprit des entretiens de l’Élysée lors de la réunion qui a groupé au Quai d’Orsay MM. Mikati et Juppé.

Parallèlement aux pourparlers franco-libanais de cette première journée parisienne de Nagib Mikati, d’autres activités ont été signalées, notamment une visite au Sénat et des rencontres avec des personnalités françaises en libanaises reçues au Georges V Four Seasons, lieu de résidence choisi pour cette visite officielle.

Au programme du Premier ministre aujourd’hui, d’autres réunions et, en début de soirée, une grande réception que donnera en son honneur au Pavillon Dauphine l’ambassadeur du Liban en France, Boutros Assaker.

 

Le Medef

Avant la cérémonie aux Invalides marquant le début de son séjour officiel en France, Nagib Mikati s’était rendu au siège du Medef (Mouvement des entreprises de France) pour prendre la parole devant une cinquantaine d’hommes d’affaires français et libanais.

Dans un discours de bienvenue, Jean Burelle, président du Medef international, a évoqué la solidité des liens d’amitié et de coopération entre le Liban et la France avant de céder le micro à M. Mikati qui avait à ses côtés le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé.

Un exposé sur l’économie libanaise et les opportunités d’investissements a été fait par le chef du gouvernement qui a invité les entreprises françaises à renforcer leur présence au Liban qui doit être, a-t-il dit, le point d’accès au Moyen-Orient pour les entreprises françaises tout comme la France est le passage obligé vers le monde. Cela au moment même où le Fonds monétaire international (FMI) affirmait dans sa revue annuelle de l’économie du Liban que l’économie libanaise se trouve menacée par l’insurrection en Syrie voisine, le climat politique incertain au Liban même et la crise financière en Europe...

S’adressant aux hommes d’affaires français, le Premier ministre libanais a rappelé les grandes lignes de la politique libérale libanaise, l’existence du secret bancaire au Liban et le fait que même aux pires moments de la guerre libanaise, les biens des personnes et des sociétés ont été protégés dans notre pays.

Au cours de la réunion, un échange de vues entre les deux parties sur les domaines de coopération et d’investissement dans les deux sens a eu lieu.

Nagib Mikati a ajouté que trois facteurs favorisent les investissements au Liban et peuvent rassurer les investisseurs étrangers, à savoir la stabilité et la sécurité de la zone frontalière avec Israël, le calme relatif à la frontière libano-syrienne et la baisse de la tension entre les communautés sunnite et chiite du fait du bon fonctionnement du TSL et de l’acquittement par le Liban de sa contribution à son budget.

En réponse à une question sur le problème de l’approvisionnement du Liban en électricité et la situation de l’EDL, le chef du gouvernement a affirmé que l’appel d’offres du projet des 700 mégawatts a déjà eu lieu.

De son côté, le gouverneur de la Banque du Liban a affirmé, à l’heure des questions-réponses, que les banques libanaises se conforment aux dispositions de la convention de Bâle III sur le coefficient de solvabilité qui a été fixé à 12 % au Liban alors que les standards internationaux se définissent à 7 % et ce pour souligner la bonne réputation des banques libanaises.

M. Salamé devait évoquer ensuite les décisions de la conférence Paris III rappelant que les engagements de cette conférence ont été exécutés pour le secteur public et pour les fonds assurés aux banques et destinés à des prêts alors que les financements de projets d’infrastructure sont en attente des législations libanaises y relatives. Pour ce qui est du respect par les banques libanaises des sanctions internationales (américaines, européennes et arabes), le gouverneur a affirmé que, contrairement aux craintes exprimées à cet égard, les banques libanaises se conforment à l’interdiction de traiter avec les entreprises et les personnes syriennes citées dans les listes publiées dans le cadre de ces sanctions.

Il était temps en tout cas que le Premier ministre Nagib Mikati effectue un voyage officiel en France, d’autant que la situation au Liban et la conjoncture régionale nécessitaient des entretiens franco-libanais à un niveau élevé.
Quels sont les points essentiels soulevés par le chef du gouvernement avec les hauts responsables français et quelles sont les grandes lignes de ce qui a été...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut