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Culture - Exposition

Grayson Perry investit et travestit le British Museum

Au British Museum, Grayson Perry interroge les frontières entre l’art et l’artisanat, entre l’anonymat et la célébrité. Présentée de cette manière, l’exposition semble sérieuse et fouillée. Que nenni ! Car le potier travesti (eh oui, nous sommes bien à Londres) brouille tous les repères et confère une odeur de soufre et de mégalomanie à la très honorable institution. Shocking ?

Grayson Perry et sa Harley Davidson.

Si les musées sont des tombes géantes comme le suggère le titre de l’exposition «The Tomb of the Unknown Craftsmen» (La tombe de l’artisan inconnu), le British Museum est alors un gigantesque mausolée de plus de huit millions d’objets et artefacts archéologiques du monde entier, fruits de millénaires d’art, d’artisanats, de cultures, bref de dizaines de milliers de trésors ayant été récupérés à travers les siècles dans les multiples et très diverses anciennes colonies de l’empire britannique.
Un mausolée de destinées anonymes où l’artiste Grayson Perry a passé deux ans et demi à fouiller dans ses caves parmi les trésors qui s’y trouvent enfouis, avec la permission d’en extraire celui qui lui parle et de l’exposer à côté de son propre travail, beaucoup plus contemporain et beaucoup plus gai, parfois aussi gaiement obscène. Pour, justement, rendre un hommage à ces «artisans inconnus, à ces experts anonymes qui ont réalisé les merveilles de
l’histoire».
Lauréat du prix Turner, Grayson Perry est un artiste excentrique, une espèce de touche-à-tout éclectique mais ô combien décalé. S’il est surtout connu pour ses céramiques taguées comme un mur de banlieue parisienne, il est aussi sculpteur, tapissier, peintre, couturier, mais en même temps un... travesti célébrissime (lorsqu’il s’habille en robes à froufrous roses, il devient Claire, son alter ego féminin) et un biker invétéré. Sa Harley Davidson, customisée par ses bons soins, improbable mélange kitch de rose, turquoise et de multiples inscriptions et dessins peace and love, accueille le visiteur sur le perron de l’escalier menant à son exposition. Sur le siège arrière, qu’on appelle en termes HOG la Sissy Seat, trône un petit mausolée en verre, ou peut-être le pape-mobile de son nounours fétiche, son ami de toujours, son doudou depuis 50 ans, un ours en peluche baptisé Alan Measles.
Le visiteur se trouve ensuite face à un vase, le premier d’une belle série, intitulé You are Here, portant des graffitis dans des bulles de BD, disant «I liked the poster» (J’ai aimé l’affiche) ou encore «I just wanted to satisfy myself that I am more clever than this celebrity charlatan» (Je voulais juste m’assurer que j’étais plus intelligent que ce charlatan célèbre).
Le ton des «perversions et des folies» (comme il l’assure lui-même) à venir est clairement donné. Que le jeu des vrais ou faux commence. Disposées dans une muséographie similaire aux autres salles du British Museum, les œuvres antiques ou contemporaines se mélangent et se ressemblent parfois à s’y méprendre. Qui aurait cru que cette sculpture de guerrier est réalisée par Perry himself et non par un ancêtre inconnu? Ou que ce casque est en réalité le... casque de moto de l’artiste, datant de 1981? Mais la palme de l’œuvre la plus bluffante revient sans doute aux tapisseries foisonnantes de détails, même si l’on reconnaît quelque part l’effigie de Grasyon Perry (encore lui! ou plutôt lui en Claire) sous les traits d’une poupée russe.
Divertissante, certes, cette exposition permet aussi de porter un regard différent sur des objets présentés.
«Effectuer le tour de ces salles, c’est effectuer le tour de ma tête, affirmait l’artiste à la presse. Au départ, j’y ai fait apparaître mon ours en peluche fétiche Alan pour rire, mais j’ai finalement trouvé sa présence pertinente: de nombreux objets sont dédiés à des divinités et transformés en dieu. Alan sert de référent pour comparer les différentes cultures, leurs échanges et leurs dialogues à travers les siècles.»
«À un moment, tout ce qui est présent au British Museum était contemporain», rappelle-t-il en guise d’explication de sa réplique de vase chinois intitulé The Frivolous Now (Le futile maintenant).
«Je l’ai dessiné regardant la télé et il contient les actualités de ce jour de février 2011.» Les mots «Facebook», «lancement de produit», «faibles émissions», «caméras de surveillance», «VIP», «écoutes téléphoniques illégales» sont griffonnés sur cet objet qui pourrait ainsi être utilisé par les ethnologues des siècles prochains pour comprendre notre quotidien, comme ceux d’aujourd’hui le font avec les vases de civilisations passées.
Parmi les trésors du musée, les esquisses des peintres égyptiens; le Boli, un animal tout en courbes du Mali; des sculptures de chiens de traîneaux de Sibérie, la carte en canne des Marshall Islands et des bagues romaines décorées. Côté trésors perryiens, le Rosetta Vase (tout jaune), le I’ve Never Been to Africa, exprimant sa «peur et ses préjugés sur l’Afrique», où il n’est jamais allé, et des essuie-mains à l’effigie de Hello Kitty déguisée en pèlerin. On aura tout vu, ou presque, car le clou du spectacle c’est son bateau-autel, au centre duquel trône un silex vieux de 250000 ans. L’outil originel qui a permis la création de toutes les œuvres du British Museum.
L’exposition a eu tellement de succès qu’elle joue les prolongations jusqu’à fin février.
Si les musées sont des tombes géantes comme le suggère le titre de l’exposition «The Tomb of the Unknown Craftsmen» (La tombe de l’artisan inconnu), le British Museum est alors un gigantesque mausolée de plus de huit millions d’objets et artefacts archéologiques du monde entier, fruits de millénaires d’art, d’artisanats, de cultures, bref de dizaines de milliers de...

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