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Culture - Cimaises

La symphonie des couleurs de Gebran Tarazi, à la villa Audi

Une exposition posthume est organisée par la femme et les enfants de Gebran Tarazi, disparu en 2010, afin de cerner la vision d’un artiste qui n’a cessé de chanter sa passion de l’Orient. Des œuvres inédites qui voient le jour à la villa Audi*. Jusqu’au 2 janvier.

Dispersion et cohérence du graphisme sur cette acrylique sur carton.

«L’abstraction géométrique m’a offert le cadre idéal pour chanter ma passion de l’Orient, notre Orient, le Proche, le Moyen et l’Extrême», disait Gebran Tarazi. «D’où m’est venu ce besoin d’arracher un sens à ce motif banal et universel qu’est le Qayem Nayem? se demandait-il encore. Je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que ce besoin d’abstraction en peinture s’est révélé comme l’aboutissement naturel d’un besoin d’abstraction en littérature. L’abstraction littéraire désigne une écriture où les mots sont les matériaux de l’immatériel.»
C’est dans le seul souhait de partager son travail et sa vision du monde que sa petite famille, aidée par ses amis, a voulu présenter le travail de celui qui, à travers la plume ou les pinceaux, tentait de traduire ce besoin d’Orient qui l’habitait, voire le rongeait.

La plume et le pinceau
Du Maroc au Liban, où il a grandi, de cette quatrième génération d’antiquaires et d’artisans dont il devait assurer la continuité, aux bancs d’université de droit. De sa langue maternelle l’arabe et ses folles arabesques à son autre langue le français dans laquelle il a été pétri et de la communauté dont il est issu à toutes celles qu’il a côtoyées. De son besoin de s’exprimer d’abord en littérature puis en peinture, Gebran Tarazi aura réalisé une œuvre complète qui n’a cessé d’être l’objet de toutes sortes de dualités et d’épreuves.
De retour en 1960 dans un Liban au visage déjà sectaire, Tarazi se réfugie dans les livres d’histoire pour se créer ses propres héros. Plus tard, c’est au milieu de ses pots de peinture toujours bien nettoyés, alignés et remplis, qu’il se réfugiera pour retrouver le silence ou se retrouver.
Après quinze années de travail continu pendant lesquelles l’artiste produira plus de deux cent cinquante tableaux, tentant de traduire son aventure picturale qu’il décline en douze séries, il publiera en 2007 un ouvrage sur son œuvre aux éditions La Maison des beaux-arts: Variations géométriques.
Outre les schémas et des textes explicatifs qui présentent les séries, l’ouvrage contient également un manifeste intitulé «Besoin d’Orient» où l’artiste exprime ses idées sur l’art et sa conception de cet Orient. «Mieux vaut être un artisan créatif qu’un artiste copieur», s’amusait-il à dire. Dans l’atelier familial où il était responsable des boiseries orientales, Tarazi s’est mis à produire des coffres et des miroirs non plus d’artisan, mais d’artiste. Un jour, recréant des modules qu’il utilisait pour un plafonnier, la grande aventure picturale est née.

Dans son laboratoire de couleurs
Rassembler, trier, sélectionner ce travail et surtout faire en sorte qu’une cinquantaine d’œuvres puissent être le témoin de la vie d’un homme, de sa pensée, n’était pas chose aisée. Il a fallu donc respecter dans l’accrochage l’ordre du livre en présentant les douze séries telles que Tarazi les avaient définies. Ceux qui l’ont connu pourraient l’entendre dire encore: «Je n’ai nulle envie de convertir des incrédules. J’ai toujours eu envie de déplaire.» C’est cette constante confrontation avec l’autre qui suscitait une émulation chez l’artiste. «Rendre l’autre joyeux, entrer en rapport avec l’autre anonyme, c’est mon souhait tranquille dépouillé de toute intention autre qu’émouvoir.»

Comme un chant incantatoire...
Le thème du Qayem Nayem, sujet au fil du temps à des variations infinies, absorbera tout son temps... jusqu’à l’extase. Comme un chant répétitif. Une prière. «Je garde le même thème parce que l’incantation est le fruit de la répétition et ce que je voudrais exprimer par-delà tout thème, c’est une incantation qui rende l’autre joyeux.» On retrouve donc toujours chez Tarazi le souci de l’autre et, plus que tout, cette quête personnelle qu’il voudra partager avec cet anonyme-là.
Au milieu de son laboratoire de couleurs et sur différents matériaux (tôles ou bois), Gebran Tarazi est allé à la recherche de cette unité perdue tout comme cette identité culturelle qu’il évoquait dans son roman Le pressoir à olives. Ses variations géométriques, déclinant comme les notes d’une musique, peuvent sembler labyrinthiques pour les autres mais pour l’artiste, elles étaient des fenêtres qui s’ouvraient vers la connaissance de soi, ce chemin qu’il savait emprunter tout seul vers ce vide central lové entre les bras des Qayem Nayem. Avec ses tableaux «permutants», dont la technique est expliquée à travers une vidéo, les variations géométriques deviennent des fenêtres ouvertes vers les autres.

* Villa Audi, près du centre Sofil, Achrafieh. Du 3 décembre 2011 au 2 janvier 2012, ouverte du lundi au vendredi de 10h00 à 18h00.
«L’abstraction géométrique m’a offert le cadre idéal pour chanter ma passion de l’Orient, notre Orient, le Proche, le Moyen et l’Extrême», disait Gebran Tarazi. «D’où m’est venu ce besoin d’arracher un sens à ce motif banal et universel qu’est le Qayem Nayem? se demandait-il encore. Je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que ce besoin d’abstraction en...

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