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Culture - Portrait

Chroniques beyrouthines en dessins avec Zeina Abirached

Vendredi 4 et samedi 5 novembre, Zeina Abirached sera présente au Salon du livre francophone pour présenter « Agatha à Beyrouth », un roman-feuilleton né d’une coopération entre la jeune Libanaise et un membre de l’Ouvroir de littérature potentielle, Jacques Jouet.

Zeina, un regard d’éternel enfant (autoportrait).

Il y a ceux qui ont connu la guerre, ses années sombres et ténébreuses. Puis il y a ceux qui y sont nés, enfants de la guerre dont on ne parle guère. Et parmi eux, il y a Zeina, une jeune Libanaise au regard angélique, née en 1981. Zeina, comme tous les autres, n’a pas oublié cette enfance passée sous les bombes et les balles. Mais l’éternel enfant qu’elle est a choisi de se servir de cette mémoire difficile pour nourrir son imagination. «J’ai toujours ressenti le besoin de raconter l’histoire de mon pays. Mais du point de vue de l’enfant que j’étais. Montrer la capacité d’adaptation de ces gens-là, leur envie de vivre normalement. Je voulais en sourire pour rendre les choses racontables.» À l’occasion du Salon du livre, Zeina Abirached revient dans sa ville natale pour présenter son dernier projet, Agatha à Beyrouth, où elle utilise de nouveau ses souvenirs pour un livre unique. Une performance singulière née, en avril 2009, de la coopération de la dessinatrice et de Jacques Jouet, membre de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), qui, pendant trois jours, se sont livrés à l’écriture en direct d’un roman-photo sur le thème de la maison jaune. La plume de l’un répondant aux coups de crayon de l’autre.

Regard d’enfant
Si Zeina semble avoir trouvé sa voie, rien ne la prédestinait à faire de la bande dessinée. Âgée de 20 ans, elle étudie à l’ALBA l’architecture et l’histoire de l’art. Par hasard, la belle brune décide de participer à un cours sur la BD. «Par curiosité, dit-elle, ce fut une révélation. Je me suis dit: ça y est, je sais ce que je veux faire!» Et la jeune fille ne perd pas de temps. La même année, elle dessine son premier ouvrage, Beyrouth Catharsis, récit pudique d’une enfance dans le Liban des années 80. Elle y emprunte les mots d’une fillette dont le terrain de jeu est un petit bout de rue, avec ses habitants, ses commerces intrigants. La guerre, pourtant toute proche, est presque invisible. Seuls les bruits de coups de feu parviennent de l’autre côté d’un mur de sacs de sable. Un mur qui s’avère être le point d’accroche de son histoire. «Un jour, je me suis retrouvée avec un souvenir, celui de ce mur dans ma rue. Enfant, j’étais persuadée que Beyrouth s’arrêtait là! J’ai fait une enquête pour savoir quand le mur avait été détruit, mais personne ne se souvenait. Après la guerre, le mur n’avait pas seulement disparu du paysage, mais aussi des mémoires.» Une évocation du passage de l’univers familier de l’enfance à celui du monde des adultes servi par un dessin subtil, dont la finesse des traits n’a d’égale que son attrait.
Beyrouth Catharsis en poche, Zeina décide de partir en France «pour tenter sa chance un an». Bien lui en prend. Très vite, la jeune dessinatrice rencontre Frédéric Cambourakis, un libraire spécialisé en BD, qui souhaite fonder sa maison d’édition. Le jeune éditeur décide même de faire de Zeina sa première auteure, publie Beyrouth Catharsis, lequel, un an plus tard, remporte le 1er prix de la BD du Festival de Beyrouth. Tout s’enchaîne pour la Libanaise. Avec 38, rue Youssef Semaani, un livre-objet que l’on découvre comme si l’on parcourt une cage d’escalier, la jeune femme confirme son talent. Beyrouth en toile de fond, encore, elle y raconte les petites manies des habitants de son immeuble, parfois loufoques, souvent excentriques. On découvre également les stratagèmes de sa mère pour lui faire vivre une enfance normale. «Notre appartement était très proche de la ligne de démarcation. Lorsque nous devions fuir, ma mère me racontait que l’on partait en vacances. On mettait les vélos sur le toit de la voiture et on partait se réfugier.» Des initiatives qu’elle perçoit comme des actes de résistance, à l’image d’Ernest, personnage-phare de la jeune auteure, qui continue d’arroser ses plantes alors qu’il manque d’eau pour se laver. Ernest, ce personnage dont elle se sent si proche, qui lui a permis, avec Mourir, partir, revenir: le jeu des Hirondelles, son troisième opus, d’être sélectionnée au célèbre Festival d’Angoulême.

Beyrouth toujours
Les souvenirs de cette enfance passée sous les bombes fixés sur le papier, Zeina peut enfin passer à autre chose. Mais à Beyrouth toujours. Car, pour la jeune femme, il reste encore beaucoup à dire sur cette ville qu’elle aime plus que tout. «Mon prochain projet concerne la vie de la capitale des années 30 aux années 70. Mon arrière-grand-père, accordeur de pianos, servira de fil conducteur pour raconter ce Beyrouth qui fait tant fantasmer ma génération. La fameuse Suisse du Moyen-Orient est un mythe pour notre génération auquel on aspire tous.» Elle espère aussi parler un jour du Beyrouth d’aujourd’hui. Un Beyrouth qu’elle adore retrouver, même si elle se désole de voir «ce que le centre-ville est devenu. Avant, c’était un lieu de vie qui appartenait aux Beyrouthins. Aujourd’hui, c’est un lieu de passage, un endroit lisse et triste.» Malgré cela, la revoilà de retour dans la ville. Pour le travail certes. Pour Beyrouth surtout.

* La jeune dessinatrice présentera son dernier projet les 4 et 5 novembre, à l’espace Agora.
– Zeina Abirached signera son ouvrage les samedi 5 et dimanche 6 novembre à la librairie al-Bourj, à partir de 18h.
Il y a ceux qui ont connu la guerre, ses années sombres et ténébreuses. Puis il y a ceux qui y sont nés, enfants de la guerre dont on ne parle guère. Et parmi eux, il y a Zeina, une jeune Libanaise au regard angélique, née en 1981. Zeina, comme tous les autres, n’a pas oublié cette enfance passée sous les bombes et les balles. Mais l’éternel enfant qu’elle est a choisi...

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