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Moyen Orient et Monde - Le point

Le droit (de tuer) du plus fort

Jack Keane est un vaillant combattant de l’US Army, ancien chef d’état-major, aux idées pour le moins originales et porté sur ce franc-parler si particulier aux galonnés plutôt scrogneugneu. Devant la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants, il vient de formuler une bien curieuse proposition : « Pourquoi, a-t-il affirmé, ne pas les tuer ? Ces gens, qui ont tué près d’un millier des nôtres, il faut les assassiner. Je suggère des opérations clandestines. » Pour ceux qui ne l’ont pas compris, il s’agit des gardiens de la révolution, dont l’unité el-Qods est accusée d’avoir fomenté un complot visant l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, Adel el-Joubeir.
Prudents, rapportent les dépêches, plusieurs élus américains n’ont exclu aucune mesure contre l’Iran tout en se gardant d’approuver la proposition du général. Celui-ci n’en a pas moins reçu un appui de poids en la personne de Reuel Marc Gerdecht qui a dit : « Ils (les Iraniens toujours) ne répondent pas aux mêmes raisonnements que nous et je ne crois pas qu’il soit possible de les intimider, sauf si vous tuez quelqu’un. » Parole d’expert à la Fondation pour la défense des démocraties (tel est le titre de cet étrange quidam).
Rappel des faits : il y a dix ans, soit au lendemain du 11 septembre 2001, le Congrès avait adopté l’AUMF (Authorization for the use of military force) légalisant les attentats ciblés, devenus depuis pratique courante. Le recours par le Pentagone et la Central Intelligence Agency à des procédés si peu orthodoxes n’est plus un secret depuis leur généralisation, notamment en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Somalie – en attendant d’autres contrées... Il n’existe pas de statistiques, tant ce genre d’opérations relève du secret d’État, mais on sait que depuis l’élection de Barack Obama en 2009, le recours aux drones connaît un remarquable essor.
Les choses ont commencé à se gâter il y a un mois jour pour jour, quand un missile tiré contre un véhicule roulant sur une méchante route des montagnes du Yémen a réduit en bouillie Anouar Awlaki et Samir ibn Zaffar Khan, deux hommes présentés comme des responsables de premier plan d’el-Qaëda. Une semi, sinon une contre-vérité, car le premier a perdu depuis belle lurette son auréole de combattant de l’impérialisme yankee. Quant au second, il publiait une revue qui passe pour répercuter les idées d’Oussama Ben Laden, avec des articles aussi farfelus que celui, par exemple, où des conseils sont prodigués à ceux qui désirent fabriquer à domicile un engin de mort. Titre : « How to make a bomb in the kitchen of your mom. » Hautement dangereux on vous dit.
Il n’y a là pas de quoi fouetter un chat, encore moins les ingénieurs chargés de guider les Predators et autres Reapers (appellations techniques de ces machines à tuer « proprement » ) à partir de la base de Creech, dans le Nevada. Oui, mais il se trouve que le Yéménite Awlaki et le Pakistanais Khan sont aussi citoyens US, donc d’un pays où la tradition morale étant fortement ancrée, la question comporte des incidences à la fois légales et politiques, appelant à des questions du genre : « Avons-nous le droit d’abattre des hommes porteurs de passeports américains ? » L’interrogation était d’autant plus justifiée que, peu après, décédait Abdel Rahman Awlaki, 16 ans, fils du premier et atteint lui aussi par une fusée tirée à partir d’un drone.
D’une côte à l’autre du pays, la presse se mobilisait alors pour exiger davantage de transparence dans la conduite d’une guerre qui ne veut pas dire son nom. Le Washington Post, le Washington Times, le Los Angeles Times et surtout le New York Times réclamaient des explications, que l’on attend toujours et qui, on peut prendre le pari, ne viendront jamais. Mais on sait maintenant que le département de la Justice avait, en son temps, élaboré un mémorandum secret autorisant l’assassinat de Awlaki, « une initiative normale en temps de guerre », a affirmé un responsable de l’administration démocrate ayant participé aux débats et qui a requis l’anonymat. Nous nous sommes appuyés pour cela, a-t-il ajouté, sur l’article 51 de la Charte de l’ONU qui stipule ce qui suit :
« Aucune disposition de la présente charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales... »
L’Union américaine pour les droits civils et le Centre pour les droits constitutionnels ont tenté de faire valoir que le Yémen ne représentait pas pour les États-Unis un champ de bataille. Un juge, John Bates, a clos la discussion en décrétant que c’était là une question politique.
De quoi apporter de l’eau au moulin de ceux, suivez notre regard, qui lorgnent avec insistance du côté de Gaza.
Jack Keane est un vaillant combattant de l’US Army, ancien chef d’état-major, aux idées pour le moins originales et porté sur ce franc-parler si particulier aux galonnés plutôt scrogneugneu. Devant la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants, il vient de formuler une bien curieuse proposition : « Pourquoi, a-t-il affirmé, ne pas les tuer ? Ces gens,...

commentaires (4)

Je voudrais saluer le Qatar pour ses mediations au Liban, il y a quelques annees, et en Syrie aujourd'hui. Un reglement pacifique entre le regime syrien et la rebellion serait le bienvenu pour la Syrie, le Liban et toute la region.

Michele Aoun

07 h 22, le 01 novembre 2011

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Commentaires (4)

  • Je voudrais saluer le Qatar pour ses mediations au Liban, il y a quelques annees, et en Syrie aujourd'hui. Un reglement pacifique entre le regime syrien et la rebellion serait le bienvenu pour la Syrie, le Liban et toute la region.

    Michele Aoun

    07 h 22, le 01 novembre 2011

  • Le titre le dit clairement en precisant "du plus fort". Et c'est ce qui fait l'intérêt de cet article, faut pas chercher midi à quatorze heures, Merville parle du droit de tuer que s'arrogent les yanky, parce qu'ils jugent que leur politique est forcèment la bonne, la meilleure et que ceux qui ne s'y conforment pas sont des vivants en sursis. Le cynisme yanky/sio est au paroxisme de sa barbarie, parce qu'il ne faut surtout pas s'imaginer que les plus faibles auraient le droit d'utiliser les mêmes méthodes de liquidation, car pour quelqu'un qui éliminerai un bush fils, terroriste notoire ou un blair son acolyte ou un netanyahou/videur, il sera de toute facon taxe de terroriste, donc eliminable. La chaussure lancée à la face du criminel bush n'était peut être pas un acte terroriste mais avait de quoi répondre à Gerdcht et à son organisation terroriste.

    Jaber Kamel

    05 h 45, le 01 novembre 2011

  • Ben oui...le problème,avec le terrorisme,c'est sa définition.Et le côté duquel on se place.Le terroriste ne se considère pas comme tel.Il se considère comme combattant de ceci ou de celà.Son ennemi,lui,le considère forcément comme terroriste.D'autre part,les méthodes de "combat" peuvent définir le terroriste.La bombe dans une voiture,dans une valise,dans un avion,c'est terroriste.La "faucheuse de marguerites",c'est de la "guerre",du moins selon celui qui l'utilise.Et au petit "jeu" du tu me tues,donc je te tues,on est toujours le terroriste de quelqu'un!La vérité est que la notion de terrorisme est hautement subjective...elle est vérité en deça,erreur au-delà!Pour notre plus grand malheur(je parle des "arabes" et plus largement des arabo-musulmans),le "terrorisme est devenu chose banale.C'est du terrorisme au quotidien.Il fût un temps où ce terrorisme était,si j'ose "ciblé".Aujourd'hui,il est devenu aveugle.Tout y passe,hommes ,femmes ,enfants,vieillards....et plus il est atroce,plus il se banalise en quelque sorte.On tend une oreille distraite pour un attentat en Irak,à condition que le nombre des victimes dépasse les 30 ou 40....au-dessous,bof...par contre,un Israëlien ou un occidental est-il tué que les titres du monde entier s'en font l'écho....encore que...même là,il y a une espèce de banalisation!Globalement,on peut presque dire que tout le monde s'en fout!On a appris à vivre avec,en quelque sorte...

    GEDEON Christian

    05 h 22, le 01 novembre 2011

  • Monsieur Christian Merville, objectif comme toujours. Le terrorisme, étant le problème du siècle, ne se combat pas avec des roses. Qu'il soit terrorisme d'Etat ou terrorisme de groupes extrémistes, le terrosisme, c'est toujours le TERRORISME. Puisqu'il vit et se manifeste dans la vie quotidienne, seul ou sous le patronnage d'Etats, il ne faut pas uniquement aller après les terroristes, eux-mêmes, et les éliminer corporellement, mais il faut punir les Etats qui les financent ou qui leur donnent l'asile. Liquider les responsables gouvernementaux qui sont en connivence avec les groupes terroristes et leus présentent le refuge est la légalité même. Il reste à définir internationalement le mot " terrorisme" pour qu'il n'y ait ni abus ni confusion. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    02 h 22, le 01 novembre 2011

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