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Lifestyle - Cinéma

La violence de la société irakienne vue par le prisme du film d’action

Le pays ne possède aucune structure de production capable de financer une industrie aujourd’hui quasi inexistante.

Un groupe de folklore irakien a participé à l’inauguration du 3e Festival international de cinéma de Bagdad.(Khalil el-Murshidi/AFP)

Une journaliste enlevée, d’infâmes terroristes, une musique trépidante: le scénario paraît classique. Mais en Irak, le film Attention d’Ibrahim El-Khazali, primé cette semaine au Festival de Bagdad, se distingue par son genre peu commun : le film d’action teinté de patriotisme.
Après trois terribles décennies marquées par trois guerres et treize ans d’embargo, l’Irak peine encore à s’extirper de la spirale de violence dans laquelle il a plongé après l’invasion américaine de 2003. Et, sans surprise, les thèmes liés à cette violence étaient surreprésentés dans les quelque 40 films irakiens (documentaires, courts et longs-métrages) présentés lors du 3e Festival international de cinéma de Bagdad, qui s’est achevé lundi.
Récompensé par le prix de la meilleure production irakienne – et par un franc succès lors de sa projection –, le réalisateur Ibrahim el-Khazali, 29 ans, a eu l’idée de son film en 2006, au plus fort des atrocités confessionnelles dans le pays. Il s’est dit inspiré par «l’atmosphère à Bagdad à l’époque» et par l’enlèvement et l’assassinat d’une amie journaliste de télévision. À l’époque étudiant à l’Institut des beaux-arts de Bagdad, il confesse pourtant avoir «passé des nuits blanches» lorsque ses professeurs lui ont conseillé de renoncer, faute d’un «budget hollywoodien».
Le cinéma était très populaire en Irak dans les années 70 et 80, mais les bouleversements subis depuis ont mis son industrie à genoux. Le pays ne possède aujourd’hui aucune structure de production capable de financer des films et le festival lui-même a dû s’organiser avec des bouts de ficelles. Ibrahim, avec son budget de 15000 dollars qu’il a autofinancé, fait en vérité figure de privilégié. Mais restait à gérer le problème des scènes d’action. Celle dans laquelle l’otage, épouse d’un capitaine de l’armée, est héroïquement délivrée par un commando qui fait intervenir trois hélicoptères de l’armée, huit blindés et 45 véritables soldats irakiens. Autant dire une débauche de moyens à l’échelle de l’Irak.
Outre ses activités de cinéaste, Ibrahim présente une émission hebdomadaire dédiée à l’armée sur la chaîne publique Iraqyia, Les gardiens de l’Irak. Mais même cette carte de visite n’a pas suffi lorsqu’il a voulu se faire prêter le matériel militaire indispensable à son film. Le miracle est intervenu lorsque sa route a croisé celle du ministre de la Défense de l’époque, qui s’est laissé séduire par le parfum de patriotisme émanant de son projet. «Je lui ai dit que nous allions servir l’Irak et je lui ai demandé de servir lui aussi l’Irak», raconte Ibrahim, qui se défend d’avoir fait un film sur commande et dit n’avoir pas reçu d’aide financière des militaires. Le film se veut porteur d’«espoir» et s’achève en «happy ending»: un kamikaze désamorce et abandonne sa voiture piégée pour suivre une jeune femme, envoyant un message limpide aux «jeunes égarés» tentés par le jihad, souligne le réalisateur. Ce mélange de genres peut déplaire, reconnaît le directeur du Festival de Bagdad, Taher Alwan. Mais au vu de la situation difficile du cinéma irakien, il prêche la tolérance: «En tant que festival, nous sommes ouverts.» «La façon dont il a obtenu ces moyens ne nous regarde pas. Et en même temps, cela ouvre l’esprit des cinéastes irakiens à un autre genre de film, différent des productions à petit budget qui répètent toujours les mêmes histoires, souligne-t-il. On manque de toutes les catégories de films en Irak, y compris les films d’action. Le problème, c’est le financement.»
Abdelaziz Belrhali, un Marocain membre du jury, plaide de son côté pour l’émergence d’une «nouvelle vision». «Le cinéma irakien est basé sur le film documentaire qui parle de guerre. Nous sommes saturés par cette vision, nous demandons aux jeunes réalisateurs (...) de donner des créations nouvelles pour une nouvelle vie de paix et de tolérance. Il y a beaucoup de choses à dire sur l’Irak», souligne-t-il.
Ibrahim, lui, tient déjà son prochain film: il racontera comment une seule balle détruit toute une famille irakienne.

(Source : AFP)
Une journaliste enlevée, d’infâmes terroristes, une musique trépidante: le scénario paraît classique. Mais en Irak, le film Attention d’Ibrahim El-Khazali, primé cette semaine au Festival de Bagdad, se distingue par son genre peu commun : le film d’action teinté de patriotisme.Après trois terribles décennies marquées par trois guerres et treize ans d’embargo,...

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