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Économie - Analyse

Faut-il relever le salaire minimum ?

Parmi les nombreuses questions stériles qui occupent malheureusement trop souvent notre espace politico-médiatique, il émerge parfois de vraies problématiques. Celle qui concerne le relèvement du salaire minimum en fait partie. Les vraies questions ont pour caractéristique de ne pas induire une réponse simpliste, un simple oui ou un simple non. Elles ont aussi pour intérêt de conduire à un débat aux horizons nettement plus larges que le point précis évoqué. Car la variable des salaires n’est pas isolée, elle ne peut être ajustée que dans le cadre d’une politique économique globale cohérente dont les objectifs doivent être de promouvoir une croissance économique durable, créatrice d’emplois et d’équité sociale.
Le salaire, c’est, d’une part, un revenu. Vouloir l’augmenter, c’est considérer qu’il ne suffit plus à préserver le pouvoir d’achat de celui qui le perçoit. Au Liban, il est évident que le pouvoir d’achat des ménages a beaucoup reculé. Les chiffres de l’inflation sont là pour le prouver. Mais il ne faut pas oublier que relever les salaires, c’est contribuer indirectement à alimenter cette inflation. Donc plutôt que de foncer tête baissée dans ce cercle vicieux, peut-être vaut-il mieux prendre le temps de réfléchir aux causes de l’inflation et de la perte du pouvoir d’achat.
Le salaire, c’est, d’autre part, un coût : il rémunère l’un des deux facteurs de production, à savoir le travail. Augmenter ce coût, c’est affaiblir davantage encore la compétitivité des entreprises, sachant que celle-ci est globalement très faible. Ainsi, entre 1997 et 2009, les prix domestiques ont augmenté de 21 % de plus que les prix internationaux. Mais parallèlement, refuser d’augmenter les salaires, c’est contribuer à cette chute de compétitivité en appauvrissant la qualité des ressources humaines employées au Liban : la pompe aspirante des pays du Golfe est déjà extrêmement puissante. Or le niveau de qualification de la population active au Liban est déjà trop bas, comme le montrent les résultats d’une récente enquête de la Banque mondiale : parmi les actifs occupés, 47 % n’ont pas dépassé l’école primaire et 48 % ont des emplois dans des services à faible qualification.
Cette enquête montre d’ailleurs que le salariat est en tout cas très peu développé au Liban ! Sur une population active totale de 1,4 million de personnes, ceux qui occupent un emploi salarié formel (déclaré) dans le secteur privé sont à peine 225 000. Ce qui conduit à se poser la question de la portée réelle d’une augmentation du niveau des salaires sur le pouvoir d’achat des ménages.
Le véritable enjeu est de faire accéder l’économie libanaise au stade capitaliste en développant le salariat, le salaire étant la contrepartie nécessaire du capital pour le développement. Le capitalisme est un système dont la raison d’être consiste à accumuler les profits et à les réinvestir à travers une recherche permanente de productivité.
Autant, voire davantage, que la simple question du niveau des salaires, nous devons donc poser celle de la productivité des salariés et, de façon générale, celle de la productivité des ressources humaines libanaises. Incidemment, le taux extrêmement faible d’activité des femmes libanaises (inférieur à la moyenne régionale, nettement inférieur à la moyenne mondiale) est l’un des principaux freins de la croissance.
Enfin, il est impensable d’aborder la question des salaires au Liban sans poser le problème des flux migratoires. Notre pays est l’une des rares économies de la planète à exporter massivement ses ressources humaines (qualifiées) tout en important des étrangers faiblement qualifiés dans des proportions tout aussi grandes. Ce phénomène est loin d’être neutre sur l’emploi et la croissance : les Libanais sont soumis à la concurrence déloyale d’une main-d’œuvre bon marché exploitée par des entreprises qui profitent de l’incapacité de l’État à exercer un véritable contrôle de l’application du droit du travail.
Entre le patronat qui s’inquiète d’une hausse de ses coûts salariaux et les syndicats qui réclament un relèvement des salaires, le rôle de l’État n’est pas de couper la poire en deux, mais de réfléchir à un système gagnant qui permettra la création de richesses et une répartition équitable de ses fruits.

* Député de Tripoli.
Parmi les nombreuses questions stériles qui occupent malheureusement trop souvent notre espace politico-médiatique, il émerge parfois de vraies problématiques. Celle qui concerne le relèvement du salaire minimum en fait partie. Les vraies questions ont pour caractéristique de ne pas induire une réponse simpliste, un simple oui ou un simple non. Elles ont aussi pour intérêt de conduire à...

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