Aujourd’hui, au moment où on discute de la nouvelle loi électorale, on est en droit de se poser la question de savoir s’il est absolument nécessaire de garder une représentativité communautaire au niveau des élections législatives, ou s’il n’est pas préférable de laisser une telle représentation au niveau du Sénat à créer. Ainsi, en évitant de définir la religion des parlementaires, le découpage électoral approprié l’imposera de facto car on voit mal un député maronite élu à Nabatiyeh face à un chiite. Ce système ouvrira la voie à l’abolition à terme du confessionnalisme politique. À défaut, tant que les députés auront une appartenance confessionnelle spécifique, la proportionnelle sera dénaturée. Dans une circonscription où l’on a plusieurs députés maronites mais un seul grec-orthodoxe, la proportionnelle tourne au scrutin majoritaire pour ce dernier, mais les maronites seront élus à la proportionnelle, ce qui crée de facto une dichotomie dans la représentativité où certains sont élus au scrutin majoritaire et d’autres à la proportionnelle. Or c’est précisément le projet de Fouad Boutros appuyé par M. Ziyad Baroud, caractérisé par un mélange des genres, inapproprié pour une vraie représentativité
démocratique.
Lors des discussions préliminaires des représentants des partis chrétiens à Dimane en préparation à la réunion qui regroupera à Bkerké les principaux chefs de ces partis, le 25 septembre, plusieurs formules furent étudiées. Il y avait, bien sûr, la proportionnelle intégrale après élargissement des circonscriptions électorales, le projet de M. Fouad Boutros qui est un mélange de proportionnelle et de scrutin majoritaire, le projet de l’institut Issam Farès, une personne, une voix, et un autre projet favorisant la démocratie de proximité où on procéderait au redécoupage du pays en 108 circonscriptions pour 108 députés.
La proportionnelle intégrale après élargissement des circonscriptions ne résout pas le problème de la mauvaise représentation confessionnelle. Ainsi, le chiite de Baabda dans une circonscription regroupant Baabda et le Metn sera élu nécessairement par des voix chrétiennes, ce qui dilue sa représentativité chiite.
Le projet de l’institut Issam Farès, une personne, une voix, semble résoudre le problème car chaque électeur votera pour le député de sa circonscription qu’il préfère et non pas pour le reste des députés de la liste. On aura ainsi résolu la quadrature du cercle, car le chiite de Jbeil votera en principe pour le député chiite qui lui convient et pas pour un maronite. Ce projet assurera une meilleure représentativité confessionnelle des élus, mais détruira en même temps le sens de la proportionnelle car l’électeur ne votera plus pour une liste présentée par un parti, mais pour le candidat qui lui convient.
Cela nous ramène au projet du redécoupage du pays en 108 circonscriptions, plus ou moins homogènes sur le plan confessionnel, pour 108 députés. Un tel projet assurera une meilleure représentativité communautaire et régionale tout en préservant la compétition politique. C’est le système adopté tant en France qu’en Grande-Bretagne, et il reflète plus fidèlement l’esprit de la démocratie. Ainsi le député chiite de Baabda aura une circonscription à sa taille, groupant la majorité des électeurs de sa communauté, ce qui améliore sa représentativité et permet une compétition directe entre partis pour ce siège spécifiquement.
Il faut ajouter les idées de M. Élie Ferzli présentées sur la MTV, qui suggère que chaque communauté élise ses propres représentants à travers tout le pays, sur base d’une proportionnelle. Ce qui veut dire que tous les maronites du Liban éliront les députés maronites, etc. Si ce système reflète le mieux la représentativité communautaire en l’assortissant de la couleur politique appropriée, tant d’élus maronites aounistes, kataëb ou FL proportionnellement aux résultats, il a l’inconvénient d’écarter l’abolition du confessionnalisme et de faire du Liban un partenariat de communautés où les partis auront des élus à travers les communautés, mais choisis directement et uniquement par chacune d’entre elles, ce qui enracine le sentiment sectaire des
Libanais.
En conclusion, il faut savoir quel Liban on veut afin de décider d’une loi électorale appropriée. On sait déjà, comme l’a dit M. Joumblatt, qu’on ne veut plus d’un système où les représentants d’une communauté sont noyés par une majorité d’électeurs d’une autre communauté. Ce que l’on désire, c’est une meilleure représentativité communautaire reflétant la complexité politique en attendant l’abolition du confessionnalisme. L’idéal demeurant la suppression de la couleur confessionnelle du candidat dans le cadre de petites circonscriptions, ce qui élimine le confessionnalisme mais garantit la
représentativité.
Le débat est ouvert.