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Nos Lecteurs ont la Parole

Nuit beyrouthine

Par Carine LADKI
Ce soir, j’ai un article à rédiger. Je cherche à dénoncer la paranoïa de la société libanaise. Une boîte de la ville est ma cible.
J’arrive toute élégante mais hésitante. Le bouncer (videur en français – NDLR) me fait tellement peur... Il m’inspecte et analyse : est-ce qu’elle répond aux critères pour avoir accès au saint des saints ? Est-ce qu’elle est à la hauteur de ce club, de cette société ? J’ai l’impression que c’est son propre club ! De sa tête il fait un signe de refus. J’insiste ; il faut entrer à n’importe quel prix. Je le supplie. Une imploration que je n’ai jamais émise dans ma vie. Je lui fais pitié, il me laisse finalement entrer. Jamais je n’ai éprouvé ce sentiment d’humiliation. J’envie les VIP people, ces stars. Ils ont ce privilège d’accès illico presto. Ils nous guettent, nous les réguliers, d’un air hautain ! Quel népotisme ! Mes talons me font tellement mal ; le push-up me tue. Je ne suis pas bien dans ma peau. Mais qu’importe. Ce soir je suis pure libanaise.
Dans l’ascenseur, les filles se vérifient. Dans quelques secondes, elles pénétreront dans un univers totalement basé sur les apparences. Elles doivent paraître parfaites. Une fois en haut, une hôtesse jaillit, un I-Pad à la main. N’est-il pas plus léger et confortable de le remplacer par une feuille ? Très sophistiquée ! Solo, je prends place au bar tellurique et observe l’odyssée nocturne beyrouthine.
Un quinquagénaire arrive, accompagné de jeunes, des Libanaises et des étrangères. Un cigare à la main, la chemise mi-ouverte sur le torse velu à souhait. Il déambule dans le club et jette sur les uns et les autres un regard hautain qu’il semble avoir longtemps travaillé devant son miroir. Les filles le suivent. Mi-habillées, complètement maquillées et juchées sur des talons himalayens, elles se tiennent bien droites, guettant les viveurs tout autour. Frimeuses, elles sollicitent le regard : il faut être vu ce soir. Toutes les tables sont à peu près les mêmes. Quatre ou cinq hommes entourés de plus de quinze femmes. Un verre dans une main, une cigarette dans l’autre, elles ne dansent jamais. Elles bougent automatiquement au rythme de la musique brinquebalante. D’autres incubes et succubes éhontés s’exhibent. Ils dansent lascivement, ivres ou conscients, qui sait ! Un spectacle à ne pas rater. Les mathusalems apparaissent, chargés de feux d’artifice. Tout le monde s’affole. Même les béats installés au bar s’enivrent, comme si tout ce champagne étaient pour eux. Indicible ! J’observe l’engourdissement des fêtards ; c’est un signe de la fin de cette soirée.
À ma sortie, j’aperçois des personnes à la porte, qui attendent impatiemment et essayent, à leur tour, de convaincre le cerbère garde de les laisser entrer. Ce soir elles finiront comme elles ont commencé : devant la porte
Ce soir, j’ai un article à rédiger. Je cherche à dénoncer la paranoïa de la société libanaise. Une boîte de la ville est ma cible.J’arrive toute élégante mais hésitante. Le bouncer (videur en français – NDLR) me fait tellement peur... Il m’inspecte et analyse : est-ce qu’elle répond aux critères pour avoir accès au saint des saints ? Est-ce qu’elle est à la hauteur de ce club, de cette société ? J’ai l’impression que c’est son propre club ! De sa tête il fait un signe de refus. J’insiste ; il faut entrer à n’importe quel prix. Je le supplie. Une imploration que je n’ai jamais émise dans ma vie. Je lui fais pitié, il me laisse finalement entrer. Jamais je n’ai éprouvé ce sentiment d’humiliation. J’envie les VIP people, ces stars. Ils ont ce privilège d’accès illico presto. Ils...
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