Entre-temps, ce sont les demi-dieux exotiques du premier rang, puis la piétaille des seconds couteaux, suivis des troisièmes fourchettes et de la quasi-totalité de la vaisselle politique qui continuent de s’étriper sur ce que le patriarche a pu dire en le pensant ou cogiter en le disant. Bref, une messe en bonne et due forme où l’on boira le calice jusqu’à la lie.
Tout cela, pendant que le monde bouillonne, que l’Europe est en pleine mutation économique, que l’Amérique retient son souffle face au géant chinois, que les Arabes barbotent dans leur printemps hors saison sous le regard lubrique de l’Étrangleur ottoman. Le Liban, lui, comme dans un mauvais titre de journal, reste « à la croisée des chemins ».
C’est fou ce qu’ils s’entrecroisent ces chemins depuis 1943, finalement sans jamais se rencontrer. Les seules retrouvailles dont on puisse tirer gloriole sont ces petites visites débiles, à l’heure où les gens normaux travaillent, que font les députés aux ministres, les ministres aux présidents et les présidents entre eux. Silence, les manants ! Vos bouffons tiennent boudoir... Des fois même, y en a qui vivent dangereusement : ils se téléphonent et font ça la nuit... Chez eux, même le conflit des générations a disparu. Pire : les jeunots de la politique sont encore plus dangereux que les vieux débris. Normal, ils ont tout l’avenir devant eux.
Heureux temps où le mentor syrien amenait tout ce beau linge à la raison d’un mouvement d’orteil. Mais assis sur un siège éjectable, l’ophtalmo raté de là-bas a aujourd’hui d’autres jeunes à fouetter.
La crise, la dette, le chômage, le tribunal spécial, le crêpage de touffe... Si ça se trouve, les dents des poules qui connaîtront la fin de ces problèmes n’ont pas encore poussé. Mais tout va pour le mieux tant que l’équilibre confessionnel est assuré : clocher et minaret, tiare et turban, cantique et muezzin, goupillon et chapelet...
Éternel balancier d’un pays qui galope à reculons.
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