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Vide-mémoire

Ce n’est pas pour jeter de l’huile pas très sainte sur le feu de la controverse, mais il faut bien constater que le patriarche Béchara Raï, à peine rentré d’un séjour en France qui a fait beaucoup de bruit, n’a pas fini de surprendre son monde. Hier encore en effet, le chef de l’Église maronite invitait les Libanais à oublier tout ce qui a circulé ces derniers jours de déclarations tronquées, lesquelles, assurait-il, n’ont rien à voir avec ses convictions personnelles.

 

Oublier, on voudrait bien. Car tout autant, sinon davantage que les saints pensionnaires de Bkerké eux-mêmes, les Libanais sont attachés à la béatitude, cette force tranquille, dont est historiquement, explicitement créditée la plus haute instance spirituelle maronite. Pour oublier, il serait fort utile cependant que soient clairement déclinées, dans leur intégralité cette fois, les thèses formulées en France, et dont le chef de l’Église maronite affirme qu’elles ont été caviardées, de bonne ou de mauvaise foi, par les médias, ce qui en déformait fatalement le sens.


Oui, si la vérité, toute la vérité, était rétablie, on pourrait s’apercevoir alors, avec un immense soulagement, que si le patriarche se prononce pour l’armement du Hezbollah, il exige néanmoins que la milice se range effectivement, et non seulement en paroles, sous la bannière de l’État. Que s’il plaide patience et indulgence pour le malheureux Bachar el-Assad aux prises avec les jusqu’au-boutistes du parti Baas, il n’en condamne pas moins la barbarie de la répression frappant un peuple syrien encore plus infortuné. Et que s’il s’effare enfin des tensions locales qui résulteraient d’une victoire des sunnites en Syrie, il n’est pas moins conscient du rôle pernicieux que joue l’Iran dans l’exacerbation des tensions sectaires au Liban.


Faut-il prendre les derniers propos du patriarche pour une prudente, une salutaire marche arrière ? Pour un simple geste d’apaisement plutôt, la responsabilité du malentendu étant rejetée sur ce bouc émissaire de prédilection qu’est devenue la presse dans notre pays ? C’est dire qu’il faudra mieux que des explications embarrassées pour nous aider à oublier ce qui ne saurait être effacé d’un coup de gomme : ce nous étant bien loin de désigner les seuls maronites ou même les seuls chrétiens.


D’agiter l’épouvantail sunnite, comme l’avait fait la semaine dernière Mgr Raï, n’a pas heurté en effet que les milieux du courant du Futur, et ne pouvait qu’indisposer tout autant un Premier ministre que l’on voit s’affairer depuis un moment à se gagner les faveurs de sa propre communauté. Et il est significatif qu’un chef druze, Walid Joumblatt, ait entrepris de battre en brèche les idées patriarcales : un Joumblatt en rupture avec le 14 Mars certes, mais réussissant le singulier exploit de préserver, contre vents et marées, sa liberté de pensée, comme de parole, qu’il s’agisse de la situation en Syrie, du mythe de l’alliance des minorités ou de l’armement outrageusement concédé ad vitam aeternam au Hezbollah.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ce n’est pas pour jeter de l’huile pas très sainte sur le feu de la controverse, mais il faut bien constater que le patriarche Béchara Raï, à peine rentré d’un séjour en France qui a fait beaucoup de bruit, n’a pas fini de surprendre son monde. Hier encore en effet, le chef de l’Église maronite invitait les Libanais à oublier tout ce qui a circulé ces derniers jours de déclarations tronquées, lesquelles, assurait-il, n’ont rien à voir avec ses convictions personnelles.
 
Oublier, on voudrait bien. Car tout autant, sinon davantage que les saints pensionnaires de Bkerké eux-mêmes, les Libanais sont attachés à la béatitude, cette force tranquille, dont est historiquement, explicitement créditée la plus haute instance spirituelle maronite. Pour oublier, il serait fort utile cependant que soient clairement...