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Analyses

El-Qaëda blessée, mais toujours dangereuse

Ben Laden éliminé, Ayman al-Zawahiri lui succède à la tête d'el-Qaëda. Photo archives/

Dix ans après l'offensive lancée contre elle, el-Qaëda est une organisation affaiblie par les coups portés et la perte de son chef mais qui peut toujours monter ou inspirer des attentats et dont les franchises, au Yémen et au Sahel, restent mobilisées et dangereuses. Si des responsables officiels et des experts ont salué la mort d'Oussama Ben Laden, tué par des troupes d'élite américaines en mai, en prédisant le début de la fin pour le réseau qu'il avait créé à la fin des années 1980, d'autres assurent que rien n'est joué et que, même diminuée, el-Qaëda reste une menace.

"Le noyau d'el-Qaëda est dans les cordes" estimait, fin juillet, Michael Leiter, qui dirigeait jusqu'en juin le Centre de lutte antiterroriste (NCTC) américain. "Ils sont plus faibles qu'ils ne l'ont jamais été". Et pour le nouveau secrétaire américain à la Défense Leon Panetta, "la défaite stratégique d'el-Qaëda est à notre portée".

L'élimination, après dix ans de traque, d'Oussama Ben Laden a affaibli encore une organisation centrale désorganisée et placée sur la défensive par la campagne d'attaques menée contre ses sanctuaires pakistanais par les drones américains armés de missiles, qui a fait des centaines de victimes dans leurs rangs.

La succession à la tête du mouvement a été assurée par l'Egyptien Ayman al-Zawahiri. Il a depuis multiplié sur Internet les déclarations et les appels au jihad mais il n'a ni le charisme ni l'aura de son prédécesseur, soulignent de nombreux spécialistes.

Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po (institut universitaire à Paris) et auteur notamment de "La Véritable histoire d'el-Qaëda" (Fayard), "cette succession demeure problématique : seule la branche yéménite d'el-Qaëda, el-Qaëda pour la péninsule arabique (Aqpa), lui a prêté formellement allégeance, alors que la branche irakienne et el-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi) se sont contentées de saluer sa nomination par le truchement de leur porte-parole". "Cela démontre la persistance de tensions très fortes au sein de la mouvance jihadiste, entre autres entre les Egyptiens, voire les Yéménites, d'une part, et les Irakiens et les Maghrébins, d'autre part", ajoute-t-il.

 

Mais, soulignent de nombreux experts, si le contrôle d'el-Qaëda Central sur les mouvements jihadistes internationaux tend à s'affaiblir, il n'en reste pas moins que ces organisations, qui avaient fait allégeance à ben Laden, restent opérationnelles.

Au Yémen, Aqpa est à l'offensive et profite de l'état d'anarchie qui règne dans de nombreuses provinces pour conquérir des territoires et se tailler des sanctuaires. "Le Yémen est un vaste territoire, dans lequel les tribus locales ont largement pactisé avec les jihadistes ou même les jihadistes font partie de ces tribus. C'est un terreau fertile sur lequel ils peuvent s'entraîner, se préparer et envisager des actions à partir du Yémen vers l'extérieur", explique Dominique Thomas, spécialiste de l'islamisme radical à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). "Ils se développent. Ses chefs sont en sécurité, la seule menace pourrait être un drone américain qui leur tire un missile dessus", ajoute-t-il.

Au Sahel, Aqmi continue à opérer dans le désert, profitant du manque de coordination des pays de la région et de leurs faibles moyens militaires. Ils détiennent des otages occidentaux, qu'ils négocient contre de fortes rançons, attaquent les armées et policiers locaux mais n'ont pas pour l'instant, malgré de nombreuses menaces, réussi à opérer en dehors de leur sanctuaire.

En Irak, les membres de "l'Etat islamique d'Irak", affilié à el-Qaëda, ont subi des revers mais ont prouvé lundi, par une série d'attentats dans une quinzaine de villes qui ont fait 74 morts et plus de 300 blessés, qu'il fallait encore compter avec eux.

En plus de ces mouvements et organisations fidèles aux préceptes du jihadisme global, le danger peut venir à tout moment de volontaires auto-radicalisés grâce à l'Internet, isolés, indétectables jusqu'au moment où ils passent à l'action. "C'est une différente sorte de menace", a commenté Michael Leiter, qui a cité en exemple le massacre commis le 22 juillet par Anders Behring Breivik en Norvège. "Ce n'est pas du calibre du 11 septembre, mais vous n'avez pas besoin d'un autre 11 septembre pour avoir un impact énorme sur un pays ou sur la géopolitique".

Dix ans après l'offensive lancée contre elle, el-Qaëda est une organisation affaiblie par les coups portés et la perte de son chef mais qui peut toujours monter ou inspirer des attentats et dont les franchises, au Yémen et au Sahel, restent mobilisées et dangereuses. Si des responsables officiels et des experts ont salué la mort d'Oussama Ben Laden, tué par des troupes d'élite...