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Analyses

Les USA ont-ils troqué leur liberté pour la sécurité ?

Après le choc du 11 septembre, les Américains semblent prêts à sacrifier leur liberté pour se sentir plus en sécurité. Roberto SCHMIDT/

Le renforcement des mesures sécuritaires depuis les attentats du 11 septembre, avec l'acceptation tacite de la torture et un retour de bâton pour la communauté musulmane, a transformé les Etats-Unis en une société moins libre qu'il y a dix ans, estiment les experts.

L'érosion des valeurs américaines fondamentales ainsi que les dépenses massives de sécurité intérieure, auxquelles s'ajoutent deux guerres, semblent avoir permis à el-Qaëda d'atteindre certains de ses objectifs.

La plupart des Américains ne semblent pas s'en émouvoir.

 

Dans les sondages, une majorité d'entre eux se disent prêts à abandonner certaines de leurs libertés civiles au profit d'un pays plus sûr et à peine un quart d'entre eux juge que la torture envers les suspects de terrorisme n'est jamais justifiée. "Nombre de personnes ont répondu de manière si affirmative parce qu'elles pensent que des mesures comme les écoutes sans mandat n'arrivent qu'aux autres", a déclaré à l'AFP Andrea Prasow, conseillère de l'organisation Human Rights Watch.

"L'Histoire a prouvé que ce n'est pas vrai. Une fois que le gouvernement a un pouvoir, il ne le rend pas".

"Ces changements n'affectent pas seulement les libertés individuelles des gens qui sont injustement suspectés mais aussi l'état de droit", en raison d'une "utilisation excessive du secret", dénonce Michael German, conseiller de la puissante organisation de défense des libertés civiles ACLU.

Le Congrès étudie un projet de loi qui permettrait une détention illimitée sans procès, une question qui paraissait avant le 11 septembre aussi inimaginable qu'un président américain acceptant le simulacre de noyade ou d'autres formes d'"interrogatoires musclés". "Les Etats-Unis n'en étaient pas là il y a dix ans. Le pays était un leader imparfait, mais un leader pour promouvoir les droits de l'homme", ajoute Mme Prasow. "Les terroristes cherchent à changer un pays ou un peuple, et c'est ce qui se passe".

La réponse n'est pas proportionnelle à la menace, ajoute Ben Wizner de l'ACLU. A peine une poignée de tentatives réussies d'attentats sur le sol américain depuis le 11septembre : le plus meurtrier, celui de Fort Hood au Texas en 2009 avait fait 14 morts et 29 blessés, un bilan bien inférieur aux 30.000 morts sur la route chaque année.

"Il s'agit d'une menace réelle mais qui ne met pas en danger notre existence", estime M. Wizner, "et pourtant nous la traitons comme s'il s'agissait de la première guerre mondiale".

 

La guerre contre le terrorisme a suscité un renforcement sans précédent de la surveillance des courriels, appels téléphoniques, transactions financières de citoyens américains et d'étrangers pour les stocker dans d'énormes bases de données.

C'était à la fois inévitable et nécessaire, estime Ron Marks, ancien responsable de la CIA, aujourd'hui expert à l'Institut de sécurité intérieure à l'Université George Washington. "Il n'y a pas de retour possible à la période antérieure au 11-Septembre. Le génie est sorti de la bouteille", juge-t-il, avertissant : "Nous allons devoir être plus indiscrets encore".

"Les attentats étaient traumatisants pour tous les Américains, le problème est que le gouvernement a (...) utilisé à l'encontre des Américains des outils développés depuis des années contre les ennemis" du pays, ciblant en particulier les musulmans et les immigrés, selon lui. Ron Marks s'est dit aussi "préoccupé par la perception du public", soulignant une "perte de souplesse" face aux opinions divergentes et une méfiance profonde envers les musulmans.

De nombreux républicains exploitent cette méfiance comme "stratégie de campagne", estime Dawud Walid, directeur du Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) du Michigan. "Le discours politique est devenu ouvertement islamophobe et c'est accepté par une proportion importante de la population", dit-il, "ça fait peur".

 

Le renforcement des mesures sécuritaires depuis les attentats du 11 septembre, avec l'acceptation tacite de la torture et un retour de bâton pour la communauté musulmane, a transformé les Etats-Unis en une société moins libre qu'il y a dix ans, estiment les experts.
L'érosion des valeurs américaines fondamentales ainsi que les dépenses massives de sécurité intérieure,...