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Santé

Les tropiques du cancer ?

Par Henry I. MILLER

Henry I. Miller est intervenant en sciences politiques et en politique publique auprès de l’institution Hoover de l’Université de Stanford, et a travaillé pour l’Institut national de santé américain et la Food and Drug Administration américaine.

Le cancer est souvent considéré comme une maladie des pays riches. Pourtant, il constitue également dans les pays pauvres une cause majeure de mortalité. En effet, d’ici à la fin de cette décennie, près de 150 millions de personnes à travers le monde seront atteintes d’un cancer, parmi lesquelles environ 60 % issues des pays en voie de développement.
Bien que, malheureusement, les habitants des pays du Sud sont moins nombreux à atteindre l’âge le plus concerné par le cancer, il n’en reste pas moins que la malnutrition et l’exposition à des environnements envahis par les virus et les toxines, associées à un manque de possibilités de diagnostic et de traitement, contribuent à accroître l’apparition et la létalité des cancers. Dans les pays pauvres, de nombreuses personnes décèdent des suites de cancers qu’il est pourtant possible de prévenir et de traiter dans les pays les plus riches, mais il arrive tout aussi fréquemment qu’elles succombent à d’autres fléaux, comme les maladies infectieuses.

Comment endiguer une telle catastrophe ?
Margaret Chan, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, et Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont constaté, dans un article qu’ils ont publié récemment, que la plupart des systèmes de santé des pays en voie de développement étaient conçus pour faire face aux maladies infectieuses plutôt qu’aux cancers. Je reconnais qu’il s’agit là d’une stratégie rationnelle, étant donné le lourd tribut que représentent ces infections, et le fait qu’elles puissent être prévenues et traitées à un coût relativement modeste.
Le diagnostic et le traitement de la plupart des types de cancer dans les pays en voie de développement nécessiteraient un investissement considérable et difficile en matière d’infrastructures. Comme le soulignent Chan et Amano : « La plupart de ces pays manquent de fonds, d’équipements et du personnel qualifié indispensable à la dispense des soins de base aux patients atteints du cancer. Il est impossible de trouver la moindre machine de radiothérapie dans trente pays du globe, dont la moitié africains. Et ces pays ne possèdent évidemment ni les ressources financières, ni les installations, ni les équipements, ni les technologies, ni les infrastructures, ni le personnel, ni les formations nécessaires pour faire face aux exigences à long terme que représente le traitement du cancer. »
Dans l’espoir de combler un jour ces lacunes, « l’AIEA s’efforce de renforcer les capacités de ces pays en radiothérapie. Toutefois, la technologie est vaine sans la présence d’un personnel qualifié et prêt à l’appliquer. »
Une telle approche est pourtant tout aussi mal ciblée qu’elle a peu de chances d’être rentable. Comme le démontrent clairement les rapports des Nations unies, les maladies infectieuses, dont la plupart peuvent être prévenues et traitées, restent un fléau qui frappe les populations les plus pauvres. En 2008, environ 250 millions de cas de paludisme ont entraîné la mort de près d’un million de personnes, parmi lesquelles essentiellement des enfants de moins de cinq ans. Dans la quasi-totalité des pays pauvres, à endémie palustre, l’accès aux médicaments antipaludiques est insuffisant (particulièrement en ce qui concerne le traitement combiné à base d’artémisinine).
Le recours intelligent à l’insecticide chimique DDT permettrait de réduire considérablement la manifestation du paludisme. Seulement, l’ONU et les régulateurs nationaux ont restreint son utilisation, sur la base d’avis erronés quant à sa toxicité. Des centaines de millions de personnes sont atteintes d’autres maladies tropicales négligées (NTDs), comme la filariose lymphatique ou encore le choléra.
Bien que le nombre de nouvelles infections au VIH ait légèrement diminué au cours des dix dernières années, 2,7 millions de personnes ont contracté le virus en 2008, et deux millions de personnes en sont décédées. À la fin de cette même année, plus de quatre millions de personnes vivant dans des pays de faibles à moyens revenus ont reçu un traitement antirétroviral, tandis que plus de cinq millions de séropositifs n’ont pas été soignés. Le nombre de nouveaux cas de tuberculose augmente à travers le monde, et l’apparition croissante des souches polypharmacorésistantes de la bactérie est particulièrement inquiétante.
D’après les statistiques de l’ONU, près de 15 % de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable, « en 2008, 2,6 milliards de personnes n’avaient pas accès à des toilettes hygiéniques ni même à des latrines » tandis que « 1,1 milliard étaient contraintes de déféquer en plein air ». Les systèmes dépassés de gestion des eaux usées ne cessent de propager les infections de type schistosomiase, trachome, hépatite virale et choléra.
De nombreux cancers sont potentiellement causés par des infections virales chroniques, et c’est la raison pour laquelle il est effectivement plus judicieux de s’attaquer aux maladies infectieuses en améliorant l’accès à l’eau potable, à l’hygiène, aux antibiotiques et aux vaccins, que de bâtir des infrastructures de radiothérapie. Certains pays du Moyen-Orient, au niveau de technologie modeste mais à la richesse pétrolière importante, se sont vus livrer des équipements de radiothérapie (et de pontage cardio-pulmonaire) ultramodernes qui n’ont pourtant jamais servi ou ont été endommagés à la suite de surtensions ou de pannes électriques. Par ailleurs, de nombreux pays pauvres ne disposent d’aucune école de médecine, et les ressortissants partis étudier à l’étranger ont bien souvent tendance à y rester pour éviter d’avoir à travailler dans de conditions d’équipement limitées et bien différentes de celles dans lesquelles ils ont été formés.
Bien que le recours aux équipements coûteux, aux soins onéreux de chimiothérapie, ainsi qu’aux procédures sophistiquées et complexes ne soit pas des plus judicieux, on ne saurait pour autant renoncer définitivement au traitement du cancer dans les pays en voie de développement. Il arrive en effet que les mesures de prévention, de diagnostic et de traitement soient fructueuses. Les vaccins préventifs des hépatites A et B (et C, lorsqu’il sera disponible) réduisent non seulement l’apparition des infections virales, mais limitent également l’apparition de séquelles, comme la cirrhose ou le carcinome hépatique. Et des efforts supplémentaires de santé publique, dans le sens d’une réduction de la pollution de l’air et du tabagisme, pourraient réduire l’apparition du cancer du poumon en Asie et en Afrique.
Les cancers du col utérin, dont la plupart peuvent être prévenus par les vaccins contre le papillomavirus humain, en sont un autre exemple. L’utilisation d’acide acétique permet de visualiser le cancer du col utérin, qui pourra ensuite être traité par cryothérapie (congélation).
Il faut retenir de tout cela que, dans un monde aux ressources de santé limitées, nous devons prendre aujourd’hui les décisions difficiles qui permettront demain d’aboutir à des résultats considérables pour un maximum de personnes et à un coût minimum.

© Project Syndicate 2011. Traduit de l’anglais par Martin Morel.
Le cancer est souvent considéré comme une maladie des pays riches. Pourtant, il constitue également dans les pays pauvres une cause majeure de mortalité. En effet, d’ici à la fin de cette décennie, près de 150 millions de personnes à travers le monde seront atteintes d’un cancer, parmi lesquelles environ 60 % issues des pays en voie de développement.Bien que,...

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Pauvres gens! Il faut qu'ils soient guéris le plus tot possible avant que ça soit trop tard

Serge ELIA

04 h 17, le 29 août 2011

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Commentaires (1)

  • Pauvres gens! Il faut qu'ils soient guéris le plus tot possible avant que ça soit trop tard

    Serge ELIA

    04 h 17, le 29 août 2011

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