Le thermomètre monte, l’humidité et la nervosité augmentent. Il faut chercher, ailleurs qu’en ville, des havres de fraîcheur. C’est le temps des promenades vers l’intérieur du pays, vers le cœur, le centre de gravité. Par la route des cimes, quitter l’abîme et vivre un enchantement à chaque nouveau passage de col du Mont-Liban. En route, s’arrêter à Lassa pour balayer du regard ce que les journalistes de la MTV ont été empêchés de filmer. Et s’indigner de l’usurpation des biens d’autrui, certes, mais aussi se scandaliser de l’étendue des richesses des églises, gardées en jachère. Le Liban exporte ses jeunes et ses cerveaux car rien n’est fait pour les retenir sur cette terre.
Quitter la côte et grimper dans les montagnes, abandonner la végétation comme on s’effeuillerait lors d’un strip-tease pour arriver aux jurds, régions de dépouillement total. Circuler sur les cimes d’un Liban originel, que ce soit aux Cèdres, à Laqlouq, à Faraya ou au Barouk. Entendre le sifflement horizontal du vent qu’aucun obstacle n’arrête. Quelques bergers et leurs troupeaux de chèvres traquent les mini-pousses que la fonte des neiges dévoile. Lieu de silence, de vide. Un désert haut. Quelques lacets et puis la Békaa et son patchwork comme une promesse de vie, là, à portée de main. Des vignobles à perte de vue. Le Liban se place sur la carte viticole mondiale. La vigne alterne avec des étendues dorées de blé. Chaque lacet est une messe. Et plus on descend, plus on s’approche, plus les taches rouges aperçues de loin se précisent. Nos « bado », nos ouvriers agricoles arrachent à la terre leur subsistance et la nôtre.
On n’oublie pas, qu’ici, toute promenade doit obligatoirement déboucher sur des agapes. Énièmes variantes des mezzés, où on mange à chaque repas comme si c’était le dernier. Un verre d’arack à la main. Les copains d’abord ?
Se retrouver à Laqlouq, s’embrasser, se réunir, se tenir épaule contre épaule, le dos rond contre les bourrasques de la vie. Faire un cercle, placer en son centre ceux que la vie malmène. Leur offrir un rempart de nos mains, les prendre contre nos cœurs pour tenter de leur communiquer quelque chose de notre chaleur, de nos battements de cœur. Faire comme si la vie n’était pas dure, moche, triste. Et s’égailler dans un verger, grimper aux arbres et mordre dans les cerises pour en extraire les souvenirs d’enfance, d’innocence, d’avant.
Très touchant, surtout la dernière phrase !
05 h 30, le 22 juillet 2011