Rechercher
Rechercher

Liban - Un été à Beyrouth

Les copains d’abord ?

Ni juilletistes ni aoutiens. Les vacances ne sont pas le sport national des Libanais. Comment programmer six mois à l’avance un départ, comment anticiper quoi que ce soit dans ce pays où même le lendemain est incertain ? Quand, pour traverser ces gués, une grande majorité de Libanais ne compte que sur le loto : « Iza mich el-taneyn, el-khamis ! » Tout le monde n’a pas droit aux mails provenant de républiques encore plus bananières que la nôtre, proposant des héritages et autres poudres de perlimpinpin pour des dizaines de millions de dollars. La lessive d’argent sale investit Internet pour recruter et gruger les crédules.
Le thermomètre monte, l’humidité et la nervosité augmentent. Il faut chercher, ailleurs qu’en ville, des havres de fraîcheur. C’est le temps des promenades vers l’intérieur du pays, vers le cœur, le centre de gravité. Par la route des cimes, quitter l’abîme et vivre un enchantement à chaque nouveau passage de col du Mont-Liban. En route, s’arrêter à Lassa pour balayer du regard ce que les journalistes de la MTV ont été empêchés de filmer. Et s’indigner de l’usurpation des biens d’autrui, certes, mais aussi se scandaliser de l’étendue des richesses des églises, gardées en jachère. Le Liban exporte ses jeunes et ses cerveaux car rien n’est fait pour les retenir sur cette terre.
Quitter la côte et grimper dans les montagnes, abandonner la végétation comme on s’effeuillerait lors d’un strip-tease pour arriver aux jurds, régions de dépouillement total. Circuler sur les cimes d’un Liban originel, que ce soit aux Cèdres, à Laqlouq, à Faraya ou au Barouk. Entendre le sifflement horizontal du vent qu’aucun obstacle n’arrête. Quelques bergers et leurs troupeaux de chèvres traquent les mini-pousses que la fonte des neiges dévoile. Lieu de silence, de vide. Un désert haut. Quelques lacets et puis la Békaa et son patchwork comme une promesse de vie, là, à portée de main. Des vignobles à perte de vue. Le Liban se place sur la carte viticole mondiale. La vigne alterne avec des étendues dorées de blé. Chaque lacet est une messe. Et plus on descend, plus on s’approche, plus les taches rouges aperçues de loin se précisent. Nos « bado », nos ouvriers agricoles arrachent à la terre leur subsistance et la nôtre.
On n’oublie pas, qu’ici, toute promenade doit obligatoirement déboucher sur des agapes. Énièmes variantes des mezzés, où on mange à chaque repas comme si c’était le dernier. Un verre d’arack à la main. Les copains d’abord ?
Se retrouver à Laqlouq, s’embrasser, se réunir, se tenir épaule contre épaule, le dos rond contre les bourrasques de la vie. Faire un cercle, placer en son centre ceux que la vie malmène. Leur offrir un rempart de nos mains, les prendre contre nos cœurs pour tenter de leur communiquer quelque chose de notre chaleur, de nos battements de cœur. Faire comme si la vie n’était pas dure, moche, triste. Et s’égailler dans un verger, grimper aux arbres et mordre dans les cerises pour en extraire les souvenirs d’enfance, d’innocence, d’avant.
Ni juilletistes ni aoutiens. Les vacances ne sont pas le sport national des Libanais. Comment programmer six mois à l’avance un départ, comment anticiper quoi que ce soit dans ce pays où même le lendemain est incertain ? Quand, pour traverser ces gués, une grande majorité de Libanais ne compte que sur le loto : « Iza mich el-taneyn, el-khamis ! » Tout le monde n’a pas droit aux...
commentaires (2)

Très touchant, surtout la dernière phrase !

Lina Nacouzi

05 h 30, le 22 juillet 2011

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Très touchant, surtout la dernière phrase !

    Lina Nacouzi

    05 h 30, le 22 juillet 2011

  • Ni juilletiste ni aoutiste ? Encore heureux ces libanais ! Quand on pense qu'en Europe où nous vivons , les vacances se réduisent de plus en plus à des loyers à la semaine , comme une peau de chagrin , alors que chez nous et jusqu'à nouvel ordre , on loue encore généralement à la saison , c'est à dire pour les trois mois de Juillet, Août et Septembre , avec tout le confort de la durée qu'on appelle encore si provincialement " la villégiature " . Doux Liban ! Généreux pays ! Bonne saison touristique à tous , profitez de cette abondance avant qu'il ne soit trop tard.

    chucri abboud

    04 h 31, le 22 juillet 2011

Retour en haut