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Moyen Orient et Monde - Le point

« NoW », DSK et les autres

« Thank you and goodbye », proclamait le titre de la page une, sur fond d’anciennes couvertures. L’ultime exemplaire du News of the World comportait, outre ces quatre mots, une courte phrase en signe de faire-part : « Après 168 ans, nous disons un triste mais très fier adieu à nos 7,5 millions fidèles lecteurs. » Rupert Murdoch, l’homme devant qui tremble les États, qui fait et défait les gouvernements, avait décidé d’arrêter ses rotatives parce que ses reporters s’étaient laissé prendre les doigts dans le pot de confiture.
De l’autre côté du Channel et sur l’autre rive de l’Atlantique, le débat fait rage autour du cas DSK, du nom de l’ancien patron du Fonds monétaire international empêtré dans une affaire – ne devrait-on pas parler plutôt d’affaires ? – aux rebondissements aussi multiples que les conquêtes qu’à tort ou à raison on lui prête.
Deux scandales , le premier portant sur des méthodes peu orthodoxes utilisées par un hebdomadaire dominical anglais, le second mettant en cause le comportement de l’ensemble de la presse face à une situation qui fluctue au gré du déroulement de l’enquête. Et pour l’un comme pour l’autre, la même interrogation : où s’arrêtent les limites du droit (ou du devoir) d’informer ? Alors que la presse, française essentiellement, a privilégié le délicat laser de la chirurgie esthétique, le propriétaire du NoW, lui, a résolument opté pour la chirurgie brutale, confronté qu’il était à un pouvoir incapable de fermer plus longtemps les yeux sur des agissements illégaux. Pour autant son entreprise n’échappera pas à une double enquête, l’une conduite par une équipe ayant à sa tête un magistrat de haut rang chargée d’examiner le cas des écoutes téléphoniques dont se seraient rendus coupables les journalistes du tabloïd, l’autre portant sur le respect des règles d’éthique au sein de la profession. Dépêchons-nous cependant de noter que le degré de gravité n’est pas le même ici et là.
À Londres ces temps-ci, on parle de 4 000 célébrités « espionnées » au fil des années, des stars de cinéma aussi bien que des vedettes de l’univers du sport ou des hommes politiques. Hugh Grant, Gwyneth Poltrow et Sienna Miller côtoient ainsi le footballeur Paul Gascoigne, le maire de Londres Boris Johnson, l’ancien vice-Premier ministre John Leslie Prescott, le publiciste Max Clifford... Il a été possible ainsi, un beau matin de novembre 2005, de découvrir que le prince William venait de se blesser au genou, un « scoop » qui, pour n’avoir certes pas bouleversé le cours de l’histoire, n’en a pas moins agrémenté des jours durant les conversations à l’heure du « five o’clock tea » des sujets de la maison des Windsor.
Depuis quelque temps, la course au sensationnalisme est telle que tous les moyens ou presque – les moins honorables parfois – sont mis en œuvre pour décrocher la timbale. Apprenant par exemple que le Sunday Times s’apprêtait à publier la première partie d’une biographie du prince Charles, Rebekah Brooks, la patronne du News of the World, s’était fait passer pour une femme de ménage pour accéder à l’imprimerie du concurrent, se cacher deux heures durant dans les toilettes, obtenir une copie de l’édition et faire paraître dans son hebdomadaire l’intégralité du texte. On pourrait citer encore, au nombre de ses « prouesses », la révélation de la grossesse de Cherie Blair, épouse du chef du gouvernement de l’époque.
Condamnée à une continuelle course contre la montre, la presse ne peut que réagir au coup par coup, au risque très souvent de se retrouver dépassée par le cours des événements. Après avoir accablé, un peu hâtivement, Dominique Strauss-Kahn, pour une sombre affaire de viol, elle opérait une brutale volte-face la semaine dernière et, croyant s’engager au moment adéquat dans le bon virage, elle allait jusqu’à se remettre à supputer les chances d’un retour de l’ancien favori des sondages dans le marathon élyséen de l’an prochain. Coup sur coup, on apprenait alors que l’écrivaine Tristane Banon venait de porter plainte pour une tentative de viol remontant à 2003, puis que le District Attorney de Manhattan décidait de maintenir les poursuites pour crimes sexuels supposés ayant eu pour théâtre une suite de l’hôtel Sofitel.
Il est évident que si l’on ne saurait repousser d’une pichenette les accusations d’agression portées par une femme, il est tout aussi clair qu’il n’est pas possible d’ignorer un principe élémentaire de justice, celui de la présomption d’innocence, encore moins se livrer devant les caméras du monde entier à l’humiliante parade du « perp walk », comme l’appellent les Américains.
Ah oui, et la presse dans tout cela ? direz-vous. Charles Péguy s’est chargé de répondre à cette question il y a près d’une centaine d’années : « Homère est nouveau ce matin et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. »
« Thank you and goodbye », proclamait le titre de la page une, sur fond d’anciennes couvertures. L’ultime exemplaire du News of the World comportait, outre ces quatre mots, une courte phrase en signe de faire-part : « Après 168 ans, nous disons un triste mais très fier adieu à nos 7,5 millions fidèles lecteurs. » Rupert Murdoch, l’homme devant qui tremble les États, qui fait...

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