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Réussir à l’université : Est-ce toujours possible ?

La fin de l’année universitaire se profile à l’horizon. Certains étudiants ont commencé les examens finaux, d’autres s’y préparent. Période difficile, particulièrement pour les étudiants qui peinent à s’organiser ou ceux qui n’ont pas réussi les partiels…

Sur une petite table, dans un café aux alentours de la LAU de Beyrouth, Houssam, 20 ans, deuxième année de business, répète, irrité,  la même phrase. Dounia, les yeux cachés derrière d’énormes lunettes de soleil, écoute attentivement les explications de son camarade de classe. De temps en temps, elle l’interrompt d’une toute petite voix pour lui poser une question.  La jeune fille a le trac avant les examens finaux, surtout qu’elle a raté les partiels. « Je n’aime pas en parler », confie-t-elle. Il n’est pas facile de trouver des étudiants qui raconteraient volontiers leurs difficultés universitaires. Certains  « se vantent » d’être en probation académique, mais quand il s’agit d’aller plus loin pour essayer de comprendre les ennuis qu’ils rencontrent, ils deviennent peu bavards et refusent les termes « difficultés » et « échec». « Pour éviter d’obtenir un F, note d’échec, j’ai abandonné de nombreux cours avant les examens finaux », raconte Élie, étudiant en première année de marketing à la LAU. Ce n’est pas le cas de son ami Imad qui admet être en probation académique car « après deux ans d’études, mon GPA (moyenne cumulative des notes) ne dépasse pas les 54% ». La note de passage est comprise généralement entre 65 et 70 %.

La réussite est-elle à la portée de tous les étudiants ?

Est-ce que tout le monde peut réussir à l’université ?  « C’est une question difficile ! s’exclame Loulwa Kaloyeros du département des sciences sociales – psychologie à la LAU, Byblos.  Comme l’enseignement universitaire s’appuie sur les compétences acquises à l’école, je peux dire que tout étudiant qui a réussi à terminer ses études secondaires aurait les compétences nécessaires pour poursuivre et achever des études universitaires. » Donc, théoriquement, avec le bac en poche, tout étudiant peut réussir ses études universitaires. Gisèle Haddad Mahfouz, fondatrice et copropriétaire du Centre d’accompagnement et de remédiation pédagogique (CARP), clarifie : « Lorsqu’un étudiant manque de motivation, ne maîtrise pas de bonnes méthodes de travail, a un historique de scolarité très moyen, ou vit des problèmes familiaux ou sociaux, l’échec est prévisible. »
 « L’autodiscipline et la gestion du temps sont les principales difficultés que connaissent les étudiants universitaires », raconte Loulwa Kaloyeros.  Des problèmes qui seraient amplifiés par le rythme rapide  et l’absence d’encadrement à l’université.  Selon les spécialistes en éducation, les deux principales causes de l’échec à l’université sont les mauvaises méthodes de travail et le manque de motivation. Gisèle Haddad Mahfouz explique : « La capacité intellectuelle n'est pas toujours la cause de l’arrêt académique. Il y a souvent des problèmes au niveau de l’image de soi ou des relations avec les parents. Et outre, l’absence de méthodologie de travail adéquate ou un manque de responsabilisation, une motivation absente ou insuffisante sont parfois pointés du doigt. » Les facteurs pouvant affecter la motivation des étudiants sont variés. L’étudiant aurait voulu s’inscrire dans une autre université ou une autre filière. Certains étudiants se sentent obligés de poursuivre des études universitaires, poussés par un système solidement implanté, leurs parents, la société. D’autres pensent que la vraie vie est ailleurs. « J’ai hâte de vivre réellement », se plaint Imad, en proie à de graves difficultés académiques. Ce jeune ne voit pas le rapport entre les études entamées et le monde du travail. Il arrive aussi parfois que l’étudiant n’ait pas de modèle dans sa famille de quelqu’un qui a réussi des études.
« L’image de soi négative de l’étudiant peut être générée par des échecs répétés ou par la réaction exagérée de son entourage face à l'échec », explique Haddad Mahfouz. Le jeune craint alors d’être confronté à nouveau à des situations qui confirmeraient l’idée négative qu’il a de lui-même.  Cette peur l’empêcherait de s’investir à fond dans ses études.
« Nous rencontrons aussi des problèmes avec les étudiants qui arrivent à l’université sans passer les examens officiels. Ils arrivent  à faire leur chemin jusqu’à la fac malgré des lacunes importantes parfois. Et une fois à l’université, ils sont en situation de difficulté d’apprentissage », ajoute Loulwa Kaloyeros.
Parfois le problème ne réside pas chez l’apprenant lui-même, mais émane plutôt de la filière choisie. «  De nombreux échecs sont dus au choix de formations impliquant des habiletés supérieures aux compétences réelles de l’étudiant. Il est fréquent de voir un étudiant en pharmacie passer à la biologie puis peut-être à la gestion... »
Gisèle Haddad Mahfouz blâme, dans certains cas, le système d’enseignement scolaire traditionnel pour le manque de qualification des futurs étudiants universitaires. « Il  n’aide pas les étudiants à développer un esprit critique, un sens de la synthèse et des habiletés d’analyse »,  des facultés particulièrement importantes dans les études universitaires et spécifiquement  au niveau des cycles supérieurs. « Les études supérieures exigent innovation,  recherche et  discipline. Les étudiants qui dépendent d’une instruction continue et ont besoin d’être orientés en permanence sont perturbés par les conditions d’étude et de travail dans les cycles supérieurs. Beaucoup n’ont pas l’attitude personnelle, les compétences ni la patience pour réussir dans ce niveau. » constate Loulwa Kaloyeros.

Échecs ? Non, plutôt difficultés

« Les étudiants peuvent reprendre un cours à plusieurs reprises. Dans le système américain, ils peuvent abandonner un cours pour éviter qu’ils échouent. Toutefois, avec un troisième retrait, la note se transforme en un F (échec). Cela signifie qu’il sera compté dans leur GPA. L’avantage de ce système est que, une fois l’étudiant accepté, il n’est pas difficile pour lui d’obtenir un diplôme. Que ce soit par répétitions ou changements de facultés.» À l’université, on ne parle donc pas d’échec au sens absolu du terme, mais plutôt de difficultés. « L’échec, c’est lorsque l’étudiant abandonne l’université. Comme je l’ai dit plus tôt, si l’étudiant a terminé ses études scolaires, il sera en mesure de trouver un moyen de réussir à l’université. Rares sont ceux qui n’achèvent pas leurs études », répète Loulwa Kaloyeros qui conseille aux étudiants qui, comme Dounia, peinent à réussir les contrôles d'analyser et d'essayer de comprendre  pourquoi ils ont eu de mauvaises notes. « Il y a des centaines de raisons dont beaucoup ne sont pas d’ordre pédagogique ni académique. Si l’étudiant arrive à mettre le doigt sur le problème, il lui sera facile d’y remédier. L’échec est une expérience d’apprentissage et non pas une fin en soi. Apprendre et essayer de nouveau. Toutefois, si l’étudiant ne comprend pas la cause de son échec, cela risque d’arriver à nouveau. Il est essentiel de développer les compétences nécessaires et de faire un choix de filière en fonction de ses aptitudes et intérêts. »
Solution  ? « La réorientation.  Face à un échec, les étudiants ont toujours l’impression que c’est la fin du monde. Mais en réalité, pour corriger la situation, il suffit souvent de faire d’autres choix de formation. Cela peut être la clé pour un avenir couronné de succès. »
Sur une petite table, dans un café aux alentours de la LAU de Beyrouth, Houssam, 20 ans, deuxième année de business, répète, irrité,  la même phrase. Dounia, les yeux cachés derrière d’énormes lunettes de soleil, écoute attentivement les explications de son camarade de classe. De temps en temps, elle...
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