Rechercher
Rechercher

Lorsqu’on renie son passé

Signe des temps : dans une récente déclaration, le « numéro deux » du Hezbollah, Naïm Kassem, indiquait qu'il superviserait en personne les machines électorales du parti chiite dans les cazas du Metn-Nord, du Kesrouan, de Jbeil et de Batroun. En clair, dans les circonscriptions où son allié stratégique Michel Aoun doit mener une rude bataille électorale contre la coalition du 14 Mars. Il ne faut sans doute pas s'attendre à voir émerger - du moins pas dans l'immédiat - des permanences officielles du Hezbollah dans ces régions (encore qu'à Jbeil c'est déjà fait...). Mais il y a des moyens plus discrets d'être présent sur le terrain et d'apporter son soutien à un allié précieux, ne fût-ce que sur les plans financier, de la logistique, de l'organisation et, pourquoi pas, de « l'action » répressive.
Une telle démarche aurait pu, à la rigueur, être quelque peu tolérée si elle était isolée, limitée dans l'espace et dans le temps, et si elle concernait une autre formation que le Hezbollah. Mais ajoutée, à titre d'exemple uniquement, aux débordements miliciens et à ce qui peut paraître comme une politique « d'infiltration » dont est le théâtre le campus de l'Université Saint-Joseph de la rue Huvelin, elle ne peut que susciter quelque inquiétude et être accueillie avec suspicion. Et pour cause ...
Il serait totalement erroné d'attribuer cette suspicion à un simple réflexe isolationniste ou communautaire primaire. Le problème qui se pose à cet égard est fondamentalement un problème de fond, un problème identitaire. Le Hezbollah ne peut pas être considéré comme un simple parti chiite libanais. Certes, ses responsables, ses cadres, ses membres sont libanais à part entière et font preuve ( pour la plupart ) de dévouement, de don de soi, de professionnalisme, d'engouement remarquables, au service de leur projet politique. La question n'est pas là. Les appréhensions et les réserves ne se posent nullement à ce niveau. Ce parti aurait pu effectivement être un allié chiite idéal s'il n'était pas une émanation directe des pasdaran iraniens, si tout son encadrement financier, militaire, social, doctrinal et de renseignements n'était pas exclusivement iranien, s'il ne faisait pas acte d'allégeance absolue (jusqu'à ce jour) au guide suprême de la révolution iranienne, choisi, dès la naissance (officielle) du Hezbollah au milieu des années 80, comme le waliy el-faqih, lequel est ainsi reconnu par le parti comme l'autorité de référence absolue pour toutes les grandes décisions politiques à caractère stratégique, dont notamment l'option de guerre et de paix. La doctrine politico-religieuse du Hezbollah lui impose de s'en référer au guide suprême iranien pour tous les grands choix politiques. Et les décisions du waliy el-faqih sont sur ce plan irrecevables.
Un tel ancrage à la République islamique iranienne aurait pu, à la limite, être acceptable s'il n'entraînait pas, dans le contexte présent, un positionnement géopolitique aux antipodes de la tradition d'ouverture sur le monde occidental qui a toujours caractérisé, au fil des siècles, la politique étrangère du Liban. Cet ancrage aurait pu être toléré s'il n'imposait pas des choix en totale contradiction avec le projet indépendantiste et souverainiste pour lequel des milliers de martyrs sont tombés et qui est à la base de la révolution du Cèdre qui a marqué le printemps de Beyrouth 2005, l'intifada de l'Indépendance à laquelle ont adhéré les leaderships sunnite et druze et dont les germes ont été semés par le premier appel de Bkerké en 2000. L'ancrage sur Téhéran aurait pu être défendable s'il n'entraînait pas le pays sur la voie d'options contraires aux spécificités, à la Raison d'être, de l'entité libanaise. Il aurait pu être envisageable s'il n'introduisait pas dans les mœurs politiques libanaises des pratiques qui lui sont totalement étrangères.
Ce problème de fond est aggravé encore plus par les desseins visiblement expansionnistes du tuteur doctrinal du Hezbollah. Les déclarations de dirigeants arabes et de hauts responsables de la Ligue arabe dénonçant la politique systématique du régime iranien visant à étendre son influence, voire son hégémonie, sur l'ensemble du Moyen-Orient et les pays du Golfe se font de plus en plus fréquentes. Et lors des récents événements de Gaza, plusieurs hauts responsables de l'Autorité palestinienne ont dénoncé haut et fort les tentatives de la République islamique de contrôler la carte palestinienne par le biais de la tête de pont que constitue - à l'instar du Hezbollah au Liban - le mouvement Hamas.
Ces appréhensions arabes à l'égard des visées iraniennes au Proche-Orient, plus précisément sur les rives de la Méditerranée, ne font qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui perçoivent avec suspicion les alliances contre nature contractées avec le Hezbollah par d'anciens symboles du courant indépendantiste. Surtout lorsque ces alliances ouvrent la voie à un grignotage systématique, et pernicieux, des zones et des milieux chrétiens par le parti pro-iranien (comme c'est le cas à Jbeil et Jezzine). Et dans un tel contexte, tous ceux qui renient leur passé et leurs (anciens) idéaux en occultant le projet politique et les objectifs stratégiques du Hezbollah dans le seul but d'arracher un siège au Parlement ne font en réalité que renier leur propre identité. Même au risque de mettre en péril les spécificités mêmes du pays du Cèdre.
Signe des temps : dans une récente déclaration, le « numéro deux » du Hezbollah, Naïm Kassem, indiquait qu'il superviserait en personne les machines électorales du parti chiite dans les cazas du Metn-Nord, du Kesrouan, de Jbeil et de Batroun. En clair, dans les circonscriptions où son allié stratégique Michel...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut