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Pouvoirs de guerre, guerres de pouvoir

Deux guerres dévastatrices en l'espace de trois ans, deux performances d'inégale valeur militaire et obéissant néanmoins aux mêmes critères : on n'a pas fini de mettre en parallèle les équipées de ces deux H de choc que sont le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien.
Nombreuses sont les similitudes, mais aussi les différences. Et s'il ne fallait s'attarder ici que sur les premières, c'est la même et fort étrange conception des pertes et profits qui sauterait tout de suite aux yeux. Çà et là en effet, la même et stoïque impassibilité (je me retiens d'écrire indifférence) devant les terribles sacrifices consentis en termes de vies humaines, des vies dont les deux milices s'étaient bien cavalièrement arrogé la charge. Et ce sont les mêmes cris de victoire que motive la jubilation d'avoir soi-même survécu (mais à quel prix) au déluge de fer et de feu : je saigne donc je suis, Descartes lui-même n'y avait pas pensé...
Ce qui dérange et inquiète le plus cependant, c'est que le sombre message ne s'adresse pas seulement à un ennemi commun dont l'extrême barbarie n'a d'égal - leçon à suivre - que son souci maniaque des pertes israéliennes, et en particulier civiles. Toute cette somme de sacrifices, en effet, ce n'est pas sur les seuls autels de Palestine ou de Chebaa qu'elle est consentie : leur existence, c'est aussi, c'est peut-être surtout au plan domestique que ces deux mouvements de combat entendent l'affirmer et l'imposer, ne brandissant l'argument démocratique que pour mieux décider unilatéralement, souverainement, du sort de populations entières.
C'est fort de sa divine victoire de l'été 2006, une victoire fort controversée pourtant, que le Hezbollah, tout en étendant au domaine des télécommunications son infrastructure privée, était parti, les armes à la main, à la conquête du pouvoir central : pouvoir dont il s'est effectivement assuré, avec ses alliés, une part substantielle, à la faveur de cette minorité de blocage consacrée par la conférence interlibanaise de Doha. Empruntant le parcours inverse, c'est à la faveur d'un sanglant coup d'État contre l'Autorité autonome que le Hamas, régulièrement élu mais boycotté par la communauté internationale, a commencé par instaurer son dérisoire royaume de Gaza, rival de la préfecture de Cisjordanie ; il ne faisait ainsi en réalité que dépecer un peu plus encore la Palestine arabe, en prélude à une confrontation inégale avec l'État hébreu.
Le sang de la bataille n'est pas encore séché d'ailleurs que se poursuit ce sidérant duel entre les deux Palestine, l'enjeu le plus clair n'en étant autre que le pouvoir. Qui, de Hamas ou de l'Autorité Abbas, se taillera la part du lion dans le futur gouvernement d'union ; qui aura à gérer les donations arabes pour la reconstruction de Gaza : pour nous, Libanais, ces questions n'ont-elles pas un fâcheux air de déjà-vu ? Plus désagréable encore est-il de constater que Palestiniens et Libanais, les plus alphabétisés pourtant de tous les peuples arabes, les plus ouverts à la discussion, les plus familiers du libre-penser et du libre-parler, sont aussi les plus profondément divisés ; et par voie de conséquence, bien que dans des conditions différentes, les plus exposés, les plus vulnérables, les plus offerts, pourrait-on même dire, à la manipulation étrangère.
Aux sommets de Doha et de Koweït ont siégé des délégations palestiniennes différentes. Et en dépit des toutes récentes réconciliations entre Arabes, il est probable que chacun des axes régionaux va continuer de promouvoir ses propres poulains, en Palestine comme au Liban. Ici une promesse d'État gravement compromise par les luttes intestines, autant que par les diaboliques manœuvres d'Israël ; et là, un brouillon d'État, qui, après tant de misères, attend encore d'être consigné au propre.
Au seuil d'une ère de changement augurée par l'élection de Barack Obama, et que le monde appelle de tous ses vœux, que faisons-nous donc nous-mêmes pour commencer à changer ?

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Deux guerres dévastatrices en l'espace de trois ans, deux performances d'inégale valeur militaire et obéissant néanmoins aux mêmes critères : on n'a pas fini de mettre en parallèle les équipées de ces deux H de choc que sont le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien.Nombreuses sont les similitudes, mais aussi les...