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Lifestyle - Société

Au Cambodge, l’éducation sexuelle se fait aussi à moto

Près de 56 % des femmes entre 15 et 49 ans ont avorté au moins une fois.

Le projet « sages-femmes à moto », lancé par l’organisation Marie Stopes International, opère dans cinq provinces du Cambodge. Tang Chin Sothy/AFP

Ly Siyan doit souvent attendre que les ricanements se taisent lorsqu'elle désigne le préservatif sur son poster en couleurs. Car au Cambodge, on ne parle ouvertement pas de contraception, encore moins de sexe. Ce n'est que lorsqu'elle a retrouvé l'attention de son auditoire que la sage-femme, 37 ans, peut s'attaquer aux mythes. « Les jeunes filles peuvent être très timides », explique celle qui parcourt en moto la province de Siem Reap pour diffuser son savoir. « Elles ne nous parlent pas directement, mais discutent avec leurs copines et c'est comme ça que se propagent les malentendus. Alors j'essaye de les pousser à partager leurs expériences. »
Parmi la vingtaine d'interlocutrices du jour, dans le village de Chanloung, figure Beun Chem, mère de deux enfants et âgée de 27 ans, qui voudrait se concentrer sur sa boutique et ne plus tomber enceinte. « Je vais essayer l'implant », dit-elle. Elle a appris par la télévision l'existence de cette méthode - l'insertion sous la peau du bras d'un dispositif qui libère des hormones dans le sang. Mais « je ne savais pas où ils allaient le mettre », avoue-t-elle en riant. Les autres n'étaient guère plus avancées. Certaines pensaient que l'implant bloquait les menstruations et remplissait l'utérus de sang. D'autres assuraient que le stérilet provoquait des grossesses extra-utérines, ou que toute contraception était cancérigène.
Désormais, elles en savent un peu plus grâce à l'intervention de Siyan, l'une des « sages-femmes en moto » du pays. Lancé par l'organisation Marie Stopes International, le projet permet de cibler les femmes des zones rurales les plus reculées, celles pour qui l'éducation sexuelle relève de la science-fiction.
Selon une étude officielle de 2005, une Cambodgienne mariée sur quatre ne bénéficie pas du planning familial dont elle aurait besoin. Et pour beaucoup, un avortement reste le contraceptif le plus simple. Quelque 56 % des femmes entre 15 et 49 ans ont ainsi avorté au moins une fois. « L'avortement est légal au Cambodge, mais nous aimerions le limiter en garantissant un libre accès à la contraception pour tous », explique Nesim Tumkaya, du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap).
Le phénomène existe aussi dans les zones urbaines, reconnaît la ministre des Affaires féminines, Ing Kantha Phavi. « Parfois, une mère n'ose pas en parler à sa fille. Ça peut se révéler dangereux », avoue-t-elle. Et dans une société où les relations sexuelles prémaritales se multiplient, « nous devons nous concentrer sur l'éducation des filles en matière de sexualité et de reproduction, en famille et dans les programmes scolaires ».
Compte tenu de la sensibilité du sujet, les organisations comme Marie Stopes choisissent des relais chez les travailleurs sexuels, ou dans les bureaux. Ils « ont accès à leurs amis ou à leur entourage et peuvent relater leurs expériences de façon amicale et convaincante », explique Nesim Tumkaya. L'une d'elles s'appelle Sar Ousa, 24 ans, hôtesse dans un bar de Siem Reap, une petite ville sous forte pression démographique et économique, à deux pas des temples d'Angkor. « Si les filles ont une question, elles viennent me voir », dit-elle. Certaines améliorent un salaire de misère en couchant avec des clients et Ousa en a accompagné plusieurs faire un test HIV. « Beaucoup de filles gardent leurs soucis pour elles, tempère-t-elle pourtant. Donc elles se cachent pour que personne ne sache qu'elles pourraient être enceintes ou avoir contracté une maladie sexuellement transmissible. »
La route est longue pour qu'une société change de comportements. Au Cambodge, c'est davantage une piste et Siyan la parcourt à moto. Mais Ing Kantha Phavi, la ministre, y voit des raisons d'espérer. « Je crois que peu à peu, le Cambodge pourra se débarrasser de ces habitudes qui mettent les femmes en danger. »
(Source : AFP)
Ly Siyan doit souvent attendre que les ricanements se taisent lorsqu'elle désigne le préservatif sur son poster en couleurs. Car au Cambodge, on ne parle ouvertement pas de contraception, encore moins de sexe. Ce n'est que lorsqu'elle a retrouvé l'attention de son auditoire que la sage-femme, 37 ans, peut s'attaquer aux mythes. « Les jeunes filles peuvent être très timides »,...

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