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Culture - Histoire

Tunisie : le Musée du Bardo, épargné par "Ben Ali Baba", fait sa mue

Taher Ghalia est un homme heureux. Le conservateur du Bardo, le grand Musée de Tunis, veille sur "sa" maison, en pleine métamorphose et qui a échappé à la rapacité de Zine et Leila Ben Ali, le couple présidentiel en fuite.

De l'extérieur des bâtiments modernes, on ne voit que d'énormes masses blanches rectangulaires. Mais quand on y pénètre, l'histoire romaine, phénicienne, carthaginoise déferle. /

Dans son vaste bureau, très haut de plafond, flotte un petit parfum d'"Indiana Jones": liasses de papiers ficelés, livres, trésors emballés sous plastique, telle cette inestimable mosaïque romaine du début du IIIe siècle dite "de Virgile", posée négligemment contre un mur.
De l'extérieur des bâtiments modernes, on ne voit que d'énormes masses blanches rectangulaires. Mais quand on y pénètre, l'histoire romaine, phénicienne, carthaginoise déferle. En vrac pour l'instant, car les nouvelles salles, impressionnantes de hauteur, sont encore vides, sentant le plâtre et le ciment frais.
Cachés à l'intérieur de ces cubes troués de baies lumineuses, les deux palais 19ème du Bey de Tunis, avec leurs arabesques et leurs incroyables plafonds en stuc, renferment la plus grande collection de mosaïques romaines au monde.
Mais aussi des statues au fin drapé, des bustes d'empereurs, la plus grande collection de tissus fatimides... Bientôt le musée va aussi exposer un trésor de 1 600 pièces d'or datant de 430 après JC.
Taher Ghalia dirige le musée depuis 2003. Au départ ce fut... une sanction. Spécialiste de l'époque romaine et byzantine, il avait osé s'opposer à "la famille". Comprenez: celle du président Ben Ali et de son épouse Leila.
"J'étais responsable d'une circonscription archéologique et j'ai dû lutter pour sauver certains sites sur lesquels on voulait construire des villas en bord de mer, à Nabeul. J'ai résisté et du coup on m'a nommé au Bardo", raconte-t-il.
Il n'a jamais regretté. Encore moins aujourd'hui que la Tunisie est débarrassée du couple Ben Ali.
"La culture, ça ne les intéressait pas. Il y a eu tout un trafic d'antiquités, mais fort heureusement le Bardo n'a pas été touché. Ils n'ont pas osé venir ici nous demander des objets pour les mettre au palais présidentiel ou dans des villas privées."
"J'aurais refusé, démissionné tout de suite. On ne joue pas avec ça. Je suis archéologue assermenté", ajoute-t-il
"Après le 14 janvier (la chute de Ben Ali), il faut absolument que la culture retrouve toute sa place. Il faudrait aussi créer un musée de la révolution: des témoignages, des films, des objets".
Mais pour l'instant il a assez à faire avec son "vieux" musée, créé en 1888 et dont la surface va presque doubler, de 13 000 à 23 000 m2, pour y exposer plus de 120 000 pièces et objets. Le personnel aussi devrait doubler.
Pour mener à bien ce chantier, la Banque mondiale a accordé un prêt de 25 millions de dinars (environ 12,5 millions d'euros) qui couvre les études, la construction et la muséographie: "vitrines, éclairage des salles, signalétique trilingue (arabe, français, anglais), on a pris les meilleurs du monde", dit M. Ghalia.
"Au sud de la Méditerranée, les deux plus importants musées sont le Bardo et celui du Caire", poursuit-il en évoquant de futures collaborations et des échanges de collections avec celui de Marseille (France) sur l'autre rive de la "Mare Nostrum".
Le Bardo a l'appui de l'Unesco, le soutien bienveillant de la France, et a passé une convention avec le musée du Louvre de Paris, notamment en matière de restauration de la pierre, "pour notre collection de sculptures, la plus importante du sud de la Méditerranée."
Le Musée "était déjà très beau avant, mais un peu fourre-tout", avoue Taher Ghalia en détaillant le "travail monstre" qu'il a fallu abattre depuis 8 ans pour lui donner une "cohérence scientifique", et notamment renforcer le "maillon faible" pour retracer l'histoire de la Tunisie, la période arabo-islamique, négligée sous le règne de Ben Ali.
"Ce n'était même pas politique! Simplement ces gens n'étaient pas très cultivés et ne mettaient pas le nez dans nos programmes scientifiques", explique M. Ghalia.
"On avait les collections, nous avons désormais le bagage scientifique sur toutes les civilisations qui ont traversé la Tunisie. C'est finalement un grand chantier pour les Tunisiens qui peuvent se construire une mémoire collective", dit le conservateur.
"On espère 30 à 40% de visiteurs nationaux. Actuellement on est entre 5 et 10%. Si on y arrive, ça sera formidable."
Le projet de rénovation sera terminé fin novembre. Quand le nouveau Bardo sera inauguré officiellement, le visiteur se trouvera dès l'entrée nez à nez avec la plus grande mosaïque romaine du monde (120 m2) accrochée verticalement.
Et la fameuse "mosaïque de Virgile", qui pour l'instant patiente sous son plastique, sera exposée, seule, sur un panneau donnant sur des jardins.
"À elle seule, elle symbolise la place de la Tunisie dans la latinité et la civilisation romaine", explique Taher Ghalia.
Dans son vaste bureau, très haut de plafond, flotte un petit parfum d'"Indiana Jones": liasses de papiers ficelés, livres, trésors emballés sous plastique, telle cette inestimable mosaïque romaine du début du IIIe siècle dite "de Virgile", posée négligemment contre un mur.De l'extérieur des bâtiments modernes, on ne voit que d'énormes masses blanches rectangulaires. Mais quand on...
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