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Économie - Point de vue

Les conséquences de la négligence du secteur agricole

de Louis HOBEIKA*
Les gouvernements libanais consécutifs négligent depuis au moins deux décennies le secteur agricole, pilier de l'économie d'avant-guerre. Le secteur agricole ne représente plus que 5 % du PIB suivant les comptes nationaux de 2009 et risque de disparaître si les politiques économiques discriminatoires se poursuivent. Les responsables ignorent, paraît-il, les effets positifs du secteur sur l'économie, le développement rural, la santé, la pauvreté et l'environnement. Souhaitons-nous vider les régions rurales de leurs habitants et les pousser à migrer vers les villes ?
Adam Smith avait clairement lié la richesse des nations au développement agricole. L'économie du marché ou du laisser-faire n'implique pas la mort du secteur primaire. Nous n'avons malheureusement entendu aucun responsable libanais commenter la situation tragique de notre secteur primaire. Peut-être la distribution des postes ministériels est-elle beaucoup plus importante pour l'avenir de notre pays. L'agriculture, certes, ne mérite pas leur attention.
Nos responsables politiques auraient dû écouter le président américain Barack Obama présenter ses objectifs économiques à son pays visant à doubler les exportations agricoles d'ici à l'an 2014. Ces exportations ont augmenté de 114,8 milliards de dollars en 2008 à 115,8 milliards de dollars en 2010, un progrès remarquable en période de crise. Chaque augmentation des exportations d'un milliard de dollars contribue à la création de 8 000 emplois. Au total, les exportations agricoles américaines sont responsables cette année de l'emploi d'un million de personnes. L'attention accordée par le président américain à ce secteur mérite l'admiration. Quant à la France, l'agriculture a toujours occupé une place économique primordiale. L'inauguration par le président Nicolas Sarkozy du salon annuel de l'agriculture n'est qu'une preuve de cette volonté à soutenir le secteur primaire. La politique agricole européenne commune vise exactement à préserver la vitalité du secteur à travers des interventions et des subventions bien ciblées. La valeur ajoutée de l'agriculture dans les pays occidentaux ne cesse d'augmenter, contribuant à la création des richesses.
Il n'en reste pas moins que la flambée des prix des produits alimentaires constitue une preuve de la négligence du secteur au niveau mondial. Les jeunes universitaires se sont orientés au cours des deux dernières décennies vers la finance, négligeant ainsi les deux secteurs agricoles et industriels. Le monde réalise aujourd'hui qu'il est urgent d'augmenter l'offre alimentaire pour faire face à la demande croissante des populations et par conséquent combattre la pauvreté. En effet, plus d'un milliard de personnes ou 13 % de la population mondiale souffrent aujourd'hui d'un manque de nutrition causé par la hausse des prix.
Il est certain que l'économie mondiale s'oriente de plus en plus vers les services aux dépens de l'industrie et de l'agriculture. Mais il y a des limites à ce déséquilibre dangereux qu'on a certainement dépassé au Liban. Que doit-on faire aux niveaux de l'État et du secteur privé pour améliorer la situation du secteur et ainsi préserver nos régions rurales souffrant d'un manque inquiétant aux niveaux de l'irrigation, de l'électricité, des services sociaux et de l'assistance technique spécialisée ?
1. Commencer à assurer progressivement l'électricité, les systèmes d'irrigation, les services sociaux et autres besoins infrastructurels dans les régions agricoles.
2. Aider les agriculteurs à augmenter leur productivité en leur conseillant quoi et comment produire de la manière la plus moderne en fonction du climat et du sol. Cette activité d'assistance technique doit être financée par l'État.
3. Offrir aux agriculteurs les engrais, les semences et les produits chimiques et sanitaires nécessaires à l'amélioration de la qualité des produits. Cette tâche devrait également être assumée par l'État.
4. Rembourser les pertes engendrées par les tempêtes et les bouleversements climatiques.
5. Réactiver le programme « Export Plus » qui subventionne les exportations et qui a été suspendu pour des raisons budgétaires et politiques.
6. Enfin l'État libanais doit aider les agriculteurs à trouver de nouveaux marchés à l'étranger et doit développer la recherche agricole dans les instituts spécialisés existants ainsi que dans les facultés d'agronomie des universités.

(*) Professeur d'économie et de finance à l'Université Notre-Dame (NDU).
Les gouvernements libanais consécutifs négligent depuis au moins deux décennies le secteur agricole, pilier de l'économie d'avant-guerre. Le secteur agricole ne représente plus que 5 % du PIB suivant les comptes nationaux de 2009 et risque de disparaître si les politiques économiques discriminatoires se poursuivent. Les responsables ignorent, paraît-il, les effets positifs du...

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