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Économie

Une modeste proposition à l’attention du G20

Par Joseph E. Stiglitz et autres*
En mars, lors d'une réunion à Pékin organisée par l'Initiative pour le dialogue politique de l'Université Columbia et l'Université centrale de finance et d'économie de Chine, des spécialistes et des hommes politiques ont discuté des moyens pour réformer le système monétaire international. Car si ce système n'a pas directement causé les récents déséquilibres et instabilités de l'économie globale, il s'est avéré inefficace à y répondre.
La réforme nécessitera, bien sûr, de longues discussions et délibérations. Mais le consensus à Pékin était que le G20 devrait adopter une modeste proposition cette année : une expansion limitée du système actuel de Droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international. Cette proposition, bien que d'envergure limitée, pourrait jouer un rôle important pour lancer des discussions autour de réformes plus profondes tout en contribuant à rétablir la fragile économie mondiale et atteindre l'objectif exprimé dans la déclaration du G20 de Pittsburgh : une croissance forte, durable et équilibrée.
Nous suggérons que le rôle des DTS soit étendu par de nouvelles émissions et par leur utilisation croissante dans les prêts du FMI. Cela permettrait de bâtir sur la suggestion éclairée faite lors de la réunion du G20 de Londres d'émettre l'équivalent de 250 milliards de dollars en DTS, qui fut subséquemment rapidement mise en œuvre. Le G20 pourrait suggérer que le FMI émette un volume significatif de DTS dans les trois prochaines années. Nous pourrions suggérer, par exemple, l'émission de 150 à 250 milliards de DTS par an (approximativement 240 à 390 milliards de dollars aux taux de change actuels).
Une telle mesure aurait plusieurs effets positifs. Premièrement, elle réduirait la tendance récessive de l'économie mondiale, surtout pendant et à la suite des crises. De nombreux pays continuent d'accumuler des niveaux élevés de réserves par précaution, surtout pour éviter de futures crises qui résulteraient d'un revirement de leurs comptes de capitaux et commercial. Les pays ont appris grâce aux crises financières que ceux qui détiennent d'importantes réserves sont mieux capables de surmonter les vicissitudes des marchés financiers internationaux.
Alors que de telles accumulations de réserves contribuent à protéger les pays, elles réduisent la demande globale mondiale à certaines périodes. Compte tenu de son échelle relativement réduite, l'émission annuelle de DTS ne compenserait qu'en partie ces déficiences, mais elle permettrait néanmoins de soutenir et d'accélérer la reprise globale sans causer de pressions inflationnistes. En outre, faire en sorte de diminuer le besoin des pays de mettre des fonds de côté faciliterait aussi une certaine diminution des déséquilibres globaux.
Idéalement, les émissions supplémentaires de DTS seraient accompagnées d'autres mesures pour accroître leur efficacité. Les DTS non utilisés par les pays pourraient par exemple être détenus en « dépôt » par le FMI, que ce dernier pourrait alors utiliser pour financer ses programmes de prêts. Ceci devrait être entendu comme le premier pas vers l'intégration des comptes des « ressources générales » et de « DTS » en un compte unique du FMI, et pour étendre le rôle du DTS dans les transactions du FMI de manière à ce qu'il devienne le principal - ou même le seul - mécanisme de financement du FMI. Lors d'une crise déclarée, le prêt du FMI devrait être financé entièrement par les nouvelles émissions de DTS en montants illimités.
Un groupe de travail pourrait être établi pour étudier d'autres réformes susceptibles d'améliorer plus encore la stabilité financière globale et répondre aux autres objectifs économiques et financiers. Des systèmes alternatifs d'allocation de DTS, avec une plus grande proportion de DTS accordés aux pays effectivement demandeurs de réserves (principalement les pays en développement), pourraient, par exemple, contribuer à la croissance et à la stabilité globales. L'un des avantages de cette modeste proposition est qu'elle ne porterait pas préjudice aux conclusions du groupe de travail sur des réformes plus larges, comme de nouvelles formules de distribution pour les DTS. L'émission de DTS supplémentaires, tout en contribuant à la stabilité globale aujourd'hui, n'altérerait pas de manière fondamentale les arrangements monétaires existants.
Nous suggérons que cette proposition soit discutée lors de la prochaine réunion du G20.
Le G20 a prouvé son efficacité dans la réponse apportée à la crise qui a éclaté en 2008. La question aujourd'hui est de savoir si, avec les périodes de crise passant et des circonstances et perspectives divergentes d'un pays à l'autre, le G20 est en mesure de démontrer le leadership dont le monde a besoin pour répondre aux problèmes critiques actuels. Une action concrète devrait être entreprise si l'on ne veut provoquer une désillusion. Notre proposition permettrait de réaffirmer le maintien du leadership du G20 pour assurer une plus grande stabilité et une croissance durable de l'économie mondiale.

*Jean-Paul Fitoussi, Sciences Po et Université Luiss ; Haihong Gao, Académie chinoise des sciences sociales ; Stephany Griffith-Jones, Initiative pour le dialogue politique, Université Columbia ; Yiping Huang, Université de Pékin ; Peter Kenen, Université Princeton ; Jing Li, Université capitale d'économie et de commerce, Pékin ; Jose Antonio Ocampo, Université Columbia , ancien ministre colombien des Finances ; Yaga Venugopal Reddy, ancien gouverneur, Banque de la réserve de l'Inde ; Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie (2001), Université Columbia ; Ulrich Volz, Institut allemand pour le développement ; Robert Wade, London School of Economics; Benhua Wei, ancien directeur du FMI pour la Chine, directeur de SAFE; John Williamson, Institut Peterson pour l'économie internationale, Washington ; Wing Thye Woo, Université de Californie à Davis ; Geng Xiao, directeur, Columbia Global Center for East Asia ; Yu Yongding, Académie chinoise des sciences sociales ; Liqing Zhang, doyen, École de finance, Université centrale d'économie et de finance, Université centrale d'économie et de finance ; Andong Zhu, Université Tsinghua.

© Project Syndicate, 2011
Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats
En mars, lors d'une réunion à Pékin organisée par l'Initiative pour le dialogue politique de l'Université Columbia et l'Université centrale de finance et d'économie de Chine, des spécialistes et des hommes politiques ont discuté des moyens pour réformer le système monétaire international. Car si ce système n'a pas directement causé les récents déséquilibres et...

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