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Culture - Art contemporain

Bien plus qu’une foire

La cinquième édition d'Art Dubaï, qui s'est déroulée à Madinat Jumeirah, s'est refermée sur un ambitieux programme. La nouvelle directrice de la foire, Antonia Carver, membre actif de la galaxie « Bidoun », la revue d'art contemporain basée à Dubaï, autour de laquelle gravitent la majorité des énergies et des tendances de la région, a voulu que l'événement soit entièrement tourné vers la « découverte ». Pari tenu.

Œuvre de Rana Begum. (Courtesy Bischoff/Weiss)

Les chiffres d'abord, puisqu'après tout, Art Dubaï est d'abord une foire: 81 galeries venues de 34 pays, dont 20 ont choisi de ne présenter qu'un seul artiste. Autre donnée-clé: plus de 60 représentants de musées internationaux étaient sur place, puisque les grandes institutions ne jurent plus que par le Moyen-Orient. Le monde arabe est extrêmement à la mode, les prix flambent et les personnalités étrangères affluent pour rejoindre ce grand mouvement conceptuel et commercial. Art Dubaï, sous la houlette d'Antonia Carver qui connaît bien la région pour y être installée depuis presque dix ans, et avec la bénédiction financière non seulement du dirigeant de Dubaï, cheikh Majid bin Mohammad bin Rashid al-Maktoum, mais aussi de son ministre de la Culture, de la Jeunesse et du Développement communautaire et président du comite d'administration d'Art Dubaï, Abdul Rahman Mohammad al-Owais, a choisi et a eu les moyens d'être bien plus qu'une simple foire.
Inaugurée le 15 mars dans un faste tout émirati dans la très belle Madinat Jumeirah, la foire a bénéficié de sponsors qui se sont établis comme mécènes, comme Abraaj Capital, qui a révélé le nom des cinq artistes lauréats de l'ACAP (Abraaj Capital Art Prize), tous issus de la zone MENA-SA (Middle East-North Africa-South Asia). Le Liban apprendra sa leçon sur le bout des doigts dès cet été, avec l'arrivée de la très attendue Menasart Fair. La joaillerie Van Cleef & Arpels, présente pour la troisième année consécutive - et troisième sponsor avec Jumeirah, qui a lancé en 2006 son vaste programme de résidences d'artistes à New York - a renouvelé son contrat de confiance avec «Les Voyages extraordinaires», une exposition de bijoux inspirés de quatre romans de Jules Verne. À signaler aussi la première participation remarquée de la Fondation Cartier pour l'art contemporain, qui s'est déplacée avec des esquisses de deux mastodontes: Alessandro Mendini et sa Cartier Column, et Moebius.
Le name-dropping (expression anglaise signifiant l'allusion fréquente à des personnes connues dans le but d'impressionner: on y est!) a été étourdissant, principalement autour du navire-amiral de réflexions d'Art Dubaï hors galerie, Global Art Forum, qui lançait, la veille de l'inauguration, son cinquième programme depuis le Mathaf, musée arabe d'art moderne de Doha, avec l'allocution du nouveau directeur de la Tate Modern, Chris Dercon. Là aussi, une nouveauté: une collaboration forte s'est faite entre Doha, Dubaï, Abu Dhabi et Bahreïn. Près de 40 participants de ce calibre, dont Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, sont intervenus autour de deux thématiques, «Fascination»: comment l'art a rencontré la mode, et «Gestion de la déception»: artistes et publics. Global Art Forum avait ses événements-satellites: «On Collecting», ateliers destinés à la communauté artistique locale; «Forum Fellows», qui donnent la possibilité à de jeunes commissaires d'exposition (aujourd'hui appelés curators) et des artistes issus de cinq villes du Moyen-Orient, choisis par le comité du Forum, de venir en mars à Dubaï lors de la foire faire part de leurs recherches et travaux. Art Dubaï espère ainsi développer un «laboratoire d'idées à l'échelle régionale»; «The Big Idea», qui s'est déroulé le jour de la clôture, prolonge la réflexion en invitant de jeunes designers et créateurs des Émirats à prendre la parole. Enfin, «Art Park», présenté dans le sous-sol du bâtiment par l'association Bidoun Projects, partenaire de projets d'Art Dubaï, s'est penché sur les sports dans l'art de la vidéo.
Par ailleurs, Bidoun Projects a présenté «The Natural Order», lancé par la bibliothèque Bidoun, une exposition itinérante de publications et revues du Golfe parues avant la découverte du pétrole, dans la première moitié du XXe siècle. Des archives passionnantes car peu montrées et connues, qui ont inspiré au collectif en vogue Slavs and Tatars une intervention dédiée au magazine Molla Nasreddin. L'organisation d'artistes a fait évoluer son Mural Project, peint et repeint chaque jour de la foire en temps réel par Ali Chitsaz, Mounira al-Solh et Bassam Ramlawi. Voilà pour Bidoun, sans oublier ses fêtes chics et glam organisées pour Art Dubaï et la Biennale de Sharjah... Autre partenaire, nouveau celui-là: l'anglais The Island, qui a sélectionné plus de 50 créations radiophoniques issues de la région MENA-SA. Cette initiative passionnante, qui n'oublie pas l'auditif dans l'art, peut se réécouter en ligne via le site d'Art Dubaï.

Les commissions d'Art Dubaï
La foire a commissionné Abbas Akhavan et Oraib Toukan à produire leurs œuvres sur place, tandis que Hrair Sarkissian a remodelé des photographies prises à Yerevan sur les façades de Madinat Jumeirah. Le public ayant particulièrement apprécié, lors de l'édition 2010, le tour de la foire organisé et animé par des artistes, l'Indien Abhishek Hazra et la Caïrote Malak Helmy se sont livrés au même exercice de performance autour de la nature théâtralisée d'un tel événement...
Une foire étant, comme la décrivent les organisateurs, un «lieu de convergence, espace énergétique de personnes, de marques commerciales, d'argent, d'art et d'idées», le curator Nav Haq a été commissionné pour le projet Marker, qui a introduit cinq «concept stands» interrogeant ce concept. Des espaces commerciaux ou à but non lucratif d'Alexandrie, de Lahore, Pékin, Amman et Djakarta (cette dernière a présenté le rafraîchissant OK.Video, festival international de la vidéo de Djakarta) ont bousculé le parcours classique des exposants et dont la foire n'est pas peu fière. DBX Store, stand dédié à la créativité dubaïote; Art Dubai Live, base de données et archives de l'événement; Art Week, prolongeant la foire hors les murs clôturent cette énumération riche et honnête d'une foire qui veut faire oublier les mauvaises années précédentes, lors de la crise du Golfe. Le choix d'Antonia Carver à la direction d'Art Dubaï, associé à son expérience à Bidoun, toujours en cours via Bidoun Projects, semble avoir été le bon et permet ainsi de trouver l'équilibre parfait entre une foire de prestige où les grands noms se bousculent - par ailleurs valeurs sûres pour les investisseurs et partenaires - et la prise de risques, en misant sur de très jeunes artistes (dans le monde de l'art, l'étiquette s'adresse aux 25-39 ans).
La barre a donc été placée bien haut. Reste à attendre les chiffres, cruciaux, de la postfoire : affluence, montant des transactions et cotes des artistes. Abu Dhabi Art Fair, qui se tiendra du 16 au 19 novembre prochain, n'a qu'à bien se tenir, même si les deux émirats répugnent à parler de compétition.
Les chiffres d'abord, puisqu'après tout, Art Dubaï est d'abord une foire: 81 galeries venues de 34 pays, dont 20 ont choisi de ne présenter qu'un seul artiste. Autre donnée-clé: plus de 60 représentants de musées internationaux étaient sur place, puisque les grandes institutions ne jurent plus que par le Moyen-Orient. Le monde arabe est extrêmement à la mode, les prix flambent et les...
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