Lors d'une première heure généreuse, inventif, connaissant parfaitement ses classiques, Stefano Di Battista est, par plusieurs moments, presque impressionnant de maîtrise et de laisser-aller, l'équilibre capital du jazz. Pourtant, il l'avoue lui-même, il « aime la musique américaine, en écoute beaucoup, mais regarde des films européens et mange italien...». Bref, il «aime la musique américaine, mais ses racines sont présentes quand il joue». Ce qui veut dire que ce blues, qui ne demandait qu'à s'épanouir, dans son crescendo ample, chaud, qui va - on pense à la géniale Dinah Washington, pour ne citer qu'elle - jusqu'à l'explosion de sensualité, de sexualité, le bouillonnant Italien, lui, a souvent bloqué ses excès pour revenir vers un jazz européen, plus intellectualisé, qui a connu sa gloire dans les années 40 à 60.
Il n'en reste pas moins que le jazz était là, le contact avec les auditeurs s'est fait, et de belle manière. Vers le milieu de la seconde heure, Stefano Di Battista, musicien au pas de course sans jamais se départir de son souffle, a tenu à rendre un dernier hommage pour sa performance libanaise et, tant qu'à faire, en lien avec le pays qui l'accueillait, en invitant le pianiste Arthur Satyan, bien connu des aficionados du Blue Note Café de Beyrouth, entre autres. Celui-ci a accepté la demande du saxophoniste en jouant le thème de son choix, en l'occurrence Take Five, de Dave Brubeck, repris sur le premier volume de Jazzmatazz du regretté Guru. Mais c'est sur l'écheveau de Caravan que le pianiste arméno-libanais a pu visiblement s'éclater et se révéler, accompagné, voire mis à l'honneur qu'il était, par des musiciens d'envergure internationale.
Deux heures pleines offertes par un artiste en pleine forme, avec de l'humour - l'exercice classique des quelques phrases prononcées bravement dans la langue du pays-hôte n'a pas manqué - et beaucoup de séduction.