Rechercher
Rechercher

Culture - Signature

Flash-back sur « 290 rue du Liban »

Singulier, intimiste, l'ouvrage « 290 rue du Liban » constitue le point final de la démarche de Joanna Andraos et Caroline Tabet. Lesquelles signeront ce soir, de 19 à 21 heures, au Papercup Bookstore, à Mar Mikhaël.

Une viste guidée sous l’objectif de Joanna Andraos et Caroline Tabet.

Cette démarche artistique que le collectif Engram a poursuivie depuis déjà une dizaine d'années a décliné en photos, expositions et aujourd'hui en livre. Mais qu'est-ce que «290» exactement? Le numéro d'une maison située auparavant dans une rue. Abri de souvenirs, de vécu, cette maison n'existe plus aujourd'hui. Pis que ça, la rue est elle-même défigurée, sans identité. Dans cette série de photos, les plasticiennes Joanna Andraos et Caroline Tabet ont réussi à capter et à fixer l'état de disparition de cette demeure en phase de destruction. Elles ont pu ainsi donner forme aux derniers soupirs des murs de la maison. À elles deux, elles sont parvenues à réveiller les fantômes.
Caroline Tabet avait habité cette maison. Elle en connaissait le souffle, la respiration. Avec Joanna Andraos, elles ont réalisé ces clichés en noir et blanc, reproduisant les ombres, les silhouettes évanescentes et laissant de surcroît «des traces», disent-elles de concert.
«Nous n'avons pas voulu faire un travail d'archivistes ou d'histoire "per se", mais faire uniquement des photos qui illustrent ces traces laissées par des vies qui se sont succédé dans ce bâtiment», ajoutent-elles encore.
L'ouvrage de couverture blanche est épuré. Il va droit à l'essentiel sans prendre de raccourci visuel qui risquerait de l'alourdir. «Nous avons nous-mêmes assuré l'édition car nos exigences étaient simples: mettre seulement en valeur la photo et lui redonner son cadre naturel», précise le tandem Andraos-Tabet.
Parlant du travail du collectif d'expression visuelle, créé par les deux photographes en 2003, Alexandre Médawar dira dans son introduction: «Elles traquent les présences éphémères, les absences marquées et les trajectoires fantomatiques.» Quant à Ziad Nawfal: «Bien que les clichés aient souvent été pris en pleins décombres, les deux artistes n'ont fait que rappeler la vie de l'immeuble et non sa mort.»
Après ces notices introductives, le regard pénètre le ventre des pages blanches comme s'il rentrait dans la bulle du temps. Le voyage peut commencer. Accompagnée par l'objectif des deux artistes, qui, après de longs repérages et recherches, ont pu donner corps à ces photos, la visite guidée peut s'effectuer. Les clichés en noir et blanc sont suivis par d'autres inédits, en couleurs, qui n'avaient pas été exposés auparavant. Les teintes pastel, presque effacées, illustrent le temps passé, redéfini mais infini. Car au Liban, dit-on, les morts ne quittent jamais les vivants. Plus vivants qu'avant, ils sont tout simplement absents.
Ainsi, qui ne souvient pas dans le quartier (rue du Liban) de cette échoppe où s'entassaient méli-mélo des chaussures qu'un cordonnier, courbé sur lui-même, rapiéçait à longueur de journée. C'était «l'hôpital des souliers», situé au rez-de -chaussée et tenu par le dénommé Georges Daou (auquel les habitants de la rue ont donné le titre de docteur) et qui avait longtemps caractérisé la bâtisse. Joanna Andraos et Caroline Tabet lui ont rendu hommage en archivant ses photos et en les présentant dans l'ouvrage.
Enfin, c'est l'historienne May Davie qui donne un aperçu historique de la rue, du quartier et de la société, et parle de petit nombre d'édifices restants qui caractérisaient la rue du Liban - et, in extenso, tout Beyrouth - et «qui ne sont plus aujourd'hui qu'en sursis». Ce bel ouvrage, puriste et respectueux du passé et des morts, se termine par le poème de Marie Nawfal, Une prière pour la vie.
290 est en effet un hymne à la vie car quelles que soient les entailles, les blessures, les cicatrices intérieures, «le ventre de la terre n'a pas fini de souffler sa colère».
Cette démarche artistique que le collectif Engram a poursuivie depuis déjà une dizaine d'années a décliné en photos, expositions et aujourd'hui en livre. Mais qu'est-ce que «290» exactement? Le numéro d'une maison située auparavant dans une rue. Abri de souvenirs, de vécu, cette maison n'existe plus aujourd'hui. Pis que ça, la rue est elle-même défigurée, sans identité....

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut