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Liban - La situation

Hariri présente au 8 Mars une contre-proposition

Les Libanais y sont habitués. Cela dure depuis plus de 30 ans... À chaque point d'inflexion de la crise existentielle qui ne cesse de secouer le pays, les tractations fébriles s'intensifient durant le dernier quart d'heure pour éviter au pays une grave cassure politique et un incontrôlable dérapage sécuritaire. Le contexte présent n'échappe pas à la règle générale. Les quelques heures nous séparant du Conseil des ministres prévu pour cet après-midi au palais de Baabda ont été marquées hier en fin de journée, et jusqu'à une heure avancée de la nuit, de même qu'elles seront également marquées aujourd'hui, par des démarches tous azimuts entreprises au plus haut niveau afin que la séance du cabinet ne débouche pas sur un éclatement du gouvernement « d'union nationale » du fait de l'obstination du Hezbollah et de ses alliés du 8 Mars à vouloir transmettre à la Cour de justice le dossier dit des « faux témoins ». Les ministres alliés au tandem syro-iranien bloquent, convient-il de rappeler, l'action de l'exécutif, exigeant que l'affaire des « faux témoins » soit tranchée en toute priorité, dans un sens conforme aux exigences du Hezbollah, avant que le Conseil des ministres ne planche sur les autres points inscrits à son ordre du jour (en suspens depuis plusieurs semaines).
Les contacts des dernières vingt-quatre heures ont été axés sur une proposition du chef du législatif et leader d'Amal, Nabih Berry, transmise lundi au Premier ministre, Saad Hariri, par le député Ali Hassan Khalil, conseiller politique de M. Berry. Cette proposition est censée représenter un compromis entre la revendication du 8 Mars, portant sur les « faux témoins », et l'attitude de M. Hariri - et avec lui l'ensemble du 14 Mars - qui refuse catégoriquement que la Cour de justice soit saisie du dossier dit des « faux témoins » car une telle mesure a pour véritable objectif, selon la majorité, de court-circuiter et de torpiller purement et simplement le Tribunal spécial pour le Liban. Sans compter que le dossier en question ne relève nullement, conformément aux textes de loi, de la compétence de la Cour de justice qui n'est saisie que des questions portant atteinte à la sécurité nationale.
Le compromis suggéré lundi par M. Berry reposait sur l'argumentation suivante : l'assassinat de Rafic Hariri avait été transmis en février 2005, sous le mandat d'Émile Lahoud, à la Cour de justice ; l'affaire des « faux témoins » pourrait être considérée comme découlant directement de l'attentat du 14 février 2005 ; par conséquent, le gouvernement prendrait acte de ce lien de cause à effet et annoncerait que le dossier des « faux témoins » est de facto entre les mains de la Cour de justice ; il reviendrait donc à cette instance d'exception, et non pas au gouvernement, de se prononcer sur le fait de savoir si le cas des « faux témoins » relève oui ou non de ses compétences.
De source proche du Grand Sérail, on indique que, lors de l'entrevue de lundi avec Ali Hassan Khalil, M. Hariri a souligné que la proposition du leader d'Amal devait être examinée du point de vue juridique. Il a donc demandé qu'un document écrit lui soit soumis, chose que l'émissaire de M. Berry a faite hier au cours d'un deuxième entretien avec M. Hariri. Le Premier ministre a présenté alors à M. Hassan Khalil une contre-proposition basée sur l'article 13 du décret législatif 151/83, portant sur l'organisation du ministère de la Justice, qui stipule que lorsqu'un dossier juridique de grande importance se pose au gouvernement, ce dernier peut réclamer un avis juridique au Haut Conseil consultatif présidé par le ministre de la Justice et regroupant le président du Conseil d'État, le directeur général du ministère de la Justice, le président de la commission de Législation et de Consultations (au ministère de la Justice), le président de la commission des Affaires juridiques (au sein du ministère de la Justice), le président de l'Institut d'études juridiques et deux experts désignés par le Conseil des ministres.
M. Hariri a proposé que ce Haut Conseil consultatif soit chargé de trancher l'affaire des « faux témoins » de manière à déterminer l'instance compétente en la matière (la Cour de justice, comme le réclame le Hezbollah, ou le parquet ordinaire, comme le souligne le 14 Mars). Le Premier ministre a donc chargé Hassan Khalil de transmettre sa proposition aux composantes du 8 Mars. Cette suggestion a été effectivement examinée par les ministres du 8 Mars au cours d'une réunion qu'ils ont tenue en fin de soirée au Parlement. Ils devaient toutefois rejeter la proposition de M. Hariri et ont transmis à celui-ci quelques amendements mineurs apportés à la proposition initiale de M. Berry.
De source bien informée, on indique que le Premier ministre et le 14 Mars ont rejeté pratiquement le « compromis » suggéré par le leader d'Amal, qu'ils ont perçu comme une tentative de saisir de facto, et de façon détournée, la Cour de justice du dossier dit des « faux témoins », comme première étape d'une vaste offensive juridique visant à paralyser puis à torpiller le tribunal international sous le prétexte que la Cour de justice doit d'abord tirer au clair la question des « faux témoignages ».
Dans le but de maintenir les tractations jusqu'au dernier quart d'heure, M. Hariri a informé Hassan Khalil que pour inciter le 8 Mars à accepter sa formule de solution, il propose que les deux experts précités qui devraient faire partie du Haut Conseil consultatif soit nommés, non pas par le chef du gouvernement et le Conseil des ministres, mais l'un par le président de la République et le second par le 8 Mars. Les alliés du tandem syro-iranien auraient rejeté la formule de M. Hariri sans toutefois rompre les ponts, laissant ainsi la porte ouverte à un forcing final qui devrait avoir lieu ce matin et en début d'après-midi, soit durant les quelques heures précédant le Conseil des ministres. À en croire diverses informations dignes de foi, le 8 Mars serait soumis à de fortes pressions de la part de la Syrie afin de l'amener à mettre de l'eau dans son vin et, au moins, à ne pas provoquer l'éclatement du gouvernement ou une escalade sur le terrain. Ces conseils de prudence auraient d'ailleurs été au centre de la réunion que le président syrien Bachar el-Assad a tenue hier avec l'émir du Qatar à Doha. La tournure que prendra le Conseil des ministres aujourd'hui constituera en quelque sorte un indicateur du sérieux et de la crédibilité de ces conseils de prudence évoqués dans certains milieux...

 

M. T.

Les Libanais y sont habitués. Cela dure depuis plus de 30 ans... À chaque point d'inflexion de la crise existentielle qui ne cesse de secouer le pays, les tractations fébriles s'intensifient durant le dernier quart d'heure pour éviter au pays une grave cassure politique et un incontrôlable dérapage sécuritaire. Le contexte présent...

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