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Liban

Michèle Tuéni : Les coupables deviennent des victimes, et les victimes, des coupables

La famille de Gebran, hier, à la messe célébrée en la cathédrale Saint-Georges du centre-ville. Photo Marwan Assaf

À l'occasion de la cinquième commémoration de l'assassinat du député Gebran Tuéni, la famille Tuéni ainsi que celle du quotidien an-Nahar ont fait célébrer une messe, hier à midi, en la cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes, place de l'Étoile. La cérémonie était présidée par le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi.
La coalition du 14 Mars était largement représentée, ainsi que la grande famille journalistique, à côté d'une foule de parents et d'amis fidèles.
Fouad Siniora représentait le Premier ministre Saad Hariri. Les ministres Élias Murr, Ziyad Baroud, Tarek Mitri, Boutros Harb, Michel Pharaon et Jean Oghassabian côtoyaient les députés Ammar Houri, Marwan Hamadé, Ziyad Kadri, Élie Aoun, Nabil de Freige, Nadim Gemayel, Dory Chamoun, Mohammad Kabbani, Georges Adwan et Ahmad Fatfat, pour ne citer que ceux-là. Étaient également présents Samir Frangié, Farès Souhaid, ainsi que Solange Gemayel, Joyce Gemayel, May Chidiac, Rose Choueiri, Eddy Abillama, Daoud Sayegh et Mohammad Baalbaki.
Après la messe, l'archevêque Élias Audi a prononcé une homélie, essentiellement placée sous le thème de la liberté.
S'adressant à la foule, et surtout à la famille proche du martyr, sa veuve Siham Tuéni, ses filles Nayla, Michèle, Nadia et Gabriella, et Mme Mirna Murr Abou Charaf, Mgr Audi a rappelé que le Christ est venu sur Terre pour libérer les hommes, et qu'Il leur a ainsi donné la grâce de pouvoir « faire des choix libres » et d'en assumer la responsabilité devant les hommes et devant Dieu.
« Le Christ nous a libérés de la mort par Sa résurrection, ainsi, l'homme a cessé d'être esclave de la peur. L'homme libre vit pleinement sa vie, il construit son avenir dans la foi et dans l'amour, en pleine connaissance du bon et du juste, pour que chacun autour de lui parvienne aussi à se libérer. »
Mgr Audi a poursuivi son propos, soulignant que « l'homme libre est un amoureux du droit, mais que l'amour du droit et de la vérité est source de douleur ; or c'est justement cette douleur qui anime l'homme libre et qui le pousse en avant, loin des petitesses du monde, des mensonges et de la médiocrité des hommes ».
Et l'archevêque d'affirmer : « Ainsi était Gebran, un homme épris de liberté et de droit, un homme qui n'a jamais cédé sur ses principes, ni accepté le compromis ni vendu sa conscience. Sa cause émanait d'une conviction profonde qui l'a mené jusqu'au martyre. Qu'importe, disait-il, seule la vérité libère, et nous continuerons à la dire. »
Mgr Audi a continué de brosser le portrait de Gebran Tuéni, un pacifiste convaincu dont la seule arme était la plume et une voix qui résonne. À l'instar des saints et des martyrs, Gebran s'est donné éperdument à son pays, mû par une sorte de « folie divine » qui a porté son action et qui a hâté son départ.
« Celui qui aime son pays à l'extrême, comme Gebran, a insisté Mgr Audi, ne peut que se donner entièrement à son pays. »
Il a ainsi conclu que la destinée du Liban, à l'image de celle de Gebran Tuéni, est d'être constamment « entaché de sang », mais que ce sort « honore le martyr autant qu'il honore son pays », un Liban que Gebran Tuéni a rêvé et voulu « paisible et libre ».

Michèle Tuéni
Michèle Tuéni a, à son tour, prononcé un discours aussi émouvant que fort, une sorte d'exercice de rhétorique dans lequel elle dénonce abus, traîtrises et autres dérives politiques.
La fille de Gebran Tuéni s'est adressée directement à son père, se demandant « quelle arme pourrait faire taire une idée, ou tuer un mot, ou encore détruire une plume, quand tu as éclairé les esprits par tes idées, par ton propos libre et par ta plume courageuse ».
Michèle Tuéni a ensuite simplement avoué « craindre les questions que lui aurait posées son père à propos de la situation du pays, de la révolution du Cèdre, ou encore de la justice ».
En guise de réponse, elle a déclaré « sa honte » devant les martyrs, morts pour un pays que les vivants « s'attachent à détruire », avant de faire une sorte d'inventaire éloquent de certains « compagnons de lutte qui ont pris peur et qui conseillent à tous de tout oublier », et d'autres encore qui « ont suspendu leur combat », prétextant des impératifs de sécurité nationale, d'entente interne et de paix civile.
La jeune femme a ensuite cité ceux qu'elle a appelés « les martyrs vivants », « May, Élias, Marwan, accusés aujourd'hui de tous les torts, parce qu'on n'a pas réussi à les éliminer pour les faire taire », assurant fougueusement « qu'on n'y arrivera jamais ».
Enfin, elle a imploré son père de l'aider « à comprendre comment l'accusé devient celui qui accuse, le tueur innocent et la victime coupable ».
Elle l'a aussi prié de lui donner le courage de « pardonner à ceux qui ont abandonné Gebran Tuéni alors qu'il les avait soutenus dans les situations les plus délicates », et la force pour affronter « les menaces ».
Reprenant en conclusion les paroles du Christ sur la croix, « Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font », Michèle Tuéni s'est demandé si elle était assez forte pour « pardonner » à ceux qui ont tué son père et ses deux compagnons, « alors qu'ils savaient pertinemment ce qu'ils faisaient ».
À l'occasion de la cinquième commémoration de l'assassinat du député Gebran Tuéni, la famille Tuéni ainsi que celle du quotidien an-Nahar ont fait célébrer une messe, hier à midi, en la cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes, place de l'Étoile. La cérémonie était présidée...

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