Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Des fuites célèbres, mais rien de comparable à WikiLeaks

La diplomatie secrète est « dangereuse » pour les relations internationales.
Les fuites de WikiLeaks auront-elles des répercussions semblables aux grandes fuites d'archives secrètes de l'histoire ? Cette brusque tombée dans le domaine public de 250 000 télégrammes américains est cependant toute autre par nature, selon les experts et les historiens. D'après François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), dans le passé, les répercussions principales de la publication de documents secrets se sont manifestées « par ricochet » sur des pays tiers, et ont eu parfois de grandes conséquences sociales inattendues.
Le cas le plus célèbre est celui des archives tsaristes en 1917. Le nouveau pouvoir révolutionnaire à Petrograd décide de rompre avec la diplomatie secrète et de rendre publics les traités, protocoles confidentiels de l'ancien régime. Ils contiennent un accord secret conclu avec l'Italie pour l'amener à passer du côté de l'Entente (France/Russie/Grande-Bretagne), en échange de promesses, notamment d'étendre sa souveraineté sur la côte dalmate. En 1918, les traités de paix oublient ces promesses. Les Italiens, parce qu'ils ont eu connaissance du traité secret, ont le sentiment de s'être fait avoir. Leurs revendications irrédentistes sont négligées. Cela participera à une vague de nationalisme exacerbé qui contribuera à propulser Benito Mussolini au pouvoir.
Le deuxième exemple a lieu en juin 1940 après la victoire nazie sur la France : c'est celui du train stoppé en juin 1940 par les Allemands à La Charité-sur-Loire, dans le centre de la France, alors qu'il se dirige vers la zone libre, le sud de la France, peu après l'armistice. Dans ce train sont entreposées des archives françaises secrètes. Les nazis vont les exploiter méthodiquement. Là aussi, une répercussion par ricochet se fait sentir sur un pays : la Suisse. La Confédération, en dépit de sa neutralité, avait conclu une convention secrète avec la France, prévoyant une intervention militaire française contre le Reich si elle était attaquée. Les Allemands étaient furieux. Ils se servirent de ces archives secrètes pour déconsidérer les hommes politiques français. Surtout, il s'en faut de peu qu'ils n'attaquent la Suisse, avant d'y renoncer.
Ces cas célèbres ont alimenté les arguments de ceux qui jugent dangereuse la diplomatie secrète : le plus fameux d'entre eux a été le président américain Woodrow Wilson, qui se prononce le 8 janvier 1918 « pour des traités de paix ouverts, auxquels on a librement abouti, après lesquels il n'y aura plus aucune espèce d'alliances internationales privées, mais une diplomatie franche et transparente ».
Mais, pour Robert Frank, chercheur de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, les fuites de WikiLeaks sont d'une autre nature : « Elles n'ont pas lieu à la fin d'une histoire : la fin de la Russie tsariste ou la fin de la France, grande puissance militaire. Ce ne sont pas des fuites organisées par un vainqueur aux dépens d'un vaincu. Elles révèlent des affaires en cours, non closes par la victoire des uns ou la défaite des autres. » « Pour l'historien du temps présent, ces fuites sont un trésor. Ce qui est bon pour l'historien ne l'est pas pour la diplomatie ni pour le gouvernement qui a besoin du secret pour agir », ajoute cet historien français.
Plusieurs experts ont relevé que, même si les télégrammes n'apportent généralement pas de révélations fracassantes, l'accumulation de jugements sur des personnalités révélés au monde entier tend encore plus des relations interétatiques difficiles et complique la gestion de dossiers délicats négociés jour après jour.
Les fuites de WikiLeaks auront-elles des répercussions semblables aux grandes fuites d'archives secrètes de l'histoire ? Cette brusque tombée dans le domaine public de 250 000 télégrammes américains est cependant toute autre par nature, selon les experts et les historiens. D'après François Heisbourg, de la Fondation pour la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut